— Par Jean-Marie Nol, economiste —
Peu importe que nous soyons pour ou contre la vaccination et une « solution martiniquaise » à la crise sanitaire dont la réponse aux yeux de certains serait une évolution statutaire de nature à instaurer un pouvoir local . Faut il alors remettre sur le tapis la question statutaire ?… Ce n’est plus le sujet dans l’immédiat tant le terrain s’avère miné… . Tout simplement parce que la question du statut revêt dans le contexte actuel une connotation par trop négative à mon sens aux yeux du peuple, et ne saurait donc être la panacée au malaise identitaire actuel. Cette problématique statutaire est devenu hors sujet du fait de la défiance de la population envers la classe politique, et qui se trouve aujourd’hui renforcée par l’immixion de la violence au sein de la société martiniquaise . Nous avions tantôt mis en garde contre le scénario du pire en Martinique à savoir la montée des tensions sociales et de l’extrémisme. Ainsi pour la troisième fois de violentes émeutes et affrontements avec les forces de l’ordre ont de nouveau éclaté hier soir (samedi 31 juillet) à Fort de France, après une manifestation contre le couvre feu et l’obligation vaccinale. Des commerces ont été incendiées, des pillages organisés, des voitures incendiées.Des coups de feu ont également été entendus selon les journalistes . Pourquoi la Martinique est-t-elle le seul territoire d’outre-mer à connaître cette flambée de violence ?… Mais une question sans réponse mérite-elle d’être posée ?
Beaucoup de gens en Martinique ont des œillères idéologiques et ont ainsi du mal à comprendre l’analyse politique et économique de la situation actuelle qui présente les caractéristiques d’un pays où la confiance civique et sociale est structurellement faible. Jusqu’ici, les activistes connus des médias s’étaient concentrés sur des actions essentiellement à visée symbolique, destinées à éveiller les consciences : manifestations et blocages anti chlordécone au niveau des supermarchés du groupe Hayot, destructions de statues ou opération «choc» à la distillerie JM . À présent, les happenings publics se multiplient, au cours desquels des voyous et des militants RVN miment les gilets jaunes français. La Martinique serait-elle devenue une terre de contestation et de violence ? Pour autant, si oui, ce sont bien les hommes politiques martiniquais qui en portent la responsabilité. . Aujourd’hui cette contestation s’exprime évidemment contre la politique nationale. Ça se mêle à l’anti-macronisme et se traduit par un rejet de l’autorité de l’Etat. Et nonobstant cette réalité, il semble que malgré la violence de la tourmente du Covid qui s’est abattue sur le pays, les mesures d’urgence mises en place par le gouvernement depuis le début de l’épidémie ont en effet permis d’amortir largement le choc pour les malades admis au CHUM et les différents agents économiques. Le “quoi qu’il en coûte” a très bien fonctionné: il a limité l’effondrement sanitaire, économique et social de la Martinique, et ce alors même que la crise du Covid est actuellement trois fois plus forte que celle en France hexagonale. , Grâce aux dispositifs d’aide, le pouvoir d’achat des martiniquais n’a pas baissé cette année, et, faute de pouvoir consommer, ils ont accumulé une épargne considérable (selon les calculs de l’Iedom , des milliards d’euros ont été mis de côté en 2020 et 2021 ).En dépit de toute analyse rationnelle, certains martiniquais persistent à poser les problèmes à l’envers. Pourquoi ? La réponse est que la Martinique est marquée par une érosion significative de la confiance politique qui affecte les institutions et le personnel politique.Les résultats électoraux constituent le meilleur indicateur de cette évolution à travers la progression parallèle de l’abstention et des mouvements protestataires. Mieux, en vingt ans, la défiance envers les hommes politiques en Martinique a progressé de vingt points : 75% des personnes interrogées déclaraient ne pas faire confiance aux hommes politiques. Alors où réside la crédibilité pour prôner un changement de paradigme ? Même si on la suppose fondée sur l’intérêt, la confiance politique opère en situation d’asymétrie d’information. Cette asymétrie caractérise en premier lieu la relation entre l’offre (le statut de la CTM ) et la demande (l’ensemble des citoyens) politiques, dont il est facile de percevoir qu’elles ne disposent pas de la même maîtrise des éléments pertinents pour appréhender le changement. C’est François Mitterrand qui disait qu’il faut savoir anticiper mais surtout épouser le terrain. Ce ne sont pas les quelques clapots du moment émanant de syndicalistes ou de politiciens qui doivent nous aveugler et interdire de voir la réalité d’une situation dégradée en Martinique qui illustre une crise de confiance envers la parole politique et la capacité de l’Etat à gérer la situation sanitaire et sécuritaire. Et je me répète en rappelant que c’est Albert Camus écrivain français et prix Nobel de littérature qui disait que : »Etre un Homme c’est savoir s’empêcher ». Pour ma part, je comprends savoir s’empêcher, comme raison garder, savoir se limiter, éviter des débordements préjudiciables, évaluer les choses, peser les risques et les bénéfices. Moralité, de cet état de fait découlent de multiples conséquences . L’Etat français doit restaurer l’ordre juste et la confiance en Martinique. Quand aux élus, ils doivent en finir avec l’ambiguïté de leurs discours trop plein de commisération et ne pas perdre leur temps à discuter avec quelques fanatiques qui ne se soucient pas de la vérité ou de la réalité, mais seulement de la victoire de leurs idéaux par la force de leurs croyances et de leurs illusions. Les intellectuels martiniquais doivent sortir du silence et montrer comment s’attaquer aux causes de la quête identitaire et de la violence qui en découle . Alors seulement, les responsables martiniquais pourront transformer l’héritage esclavagiste et colonial des siècles passés et faire d’un fardeau écrasant une lec¸on de prudence pour l’avenir de la Martinique. Cessons de perdre du temps à répondre à des arguments anti vaccination qui n’ont aucun sens… Il y a des gens qui, quelles que soient les preuves qu’on leur présente, ne sont pas en mesure de comprendre, car ils se complaisent dans un total déni de réalité . Et d’autres, aveuglés par leur ego, leur haine et leur ressentiment, ne souhaiteront jamais qu’une seule chose : avoir raison même s’ils ont tort. Or quand l’ignorance crie, l’intelligence se tait.
La paix et la tranquillité de la Martinique n’ont pas de prix…La violence n’a jamais été une solution pour régler les problèmes quels qu’ils soient. C’est pourquoi, il faut impérativement essayer de renforcer la confiance et communiquer différemment afin de trouver une solution idéale et pacifique au malaise martiniquais.
Jean-Marie Nol économiste