Par Bastien Bonnefous
Malgré le soleil, les palmiers et la chaleur écrasante, Jean-Marc Ayrault a pu mesurer au plus près le malaise social martiniquais. Jeudi 27 juin, dans la matinée, le premier ministre s’est offert une « déambulation » dans le centre-ville de Fort-de-France. Même si le parcours était précisément balisé et encadré par les forces de l’ordre, M. Ayrault, la chemise bleue trempée de sueur, accompagné de son épouse Brigitte et des ministres Victorin Lurel (outre-mer) et Guillaume Garot (agroalimentaire), passe de boutiques en commerces, salue les passants, slalome entre les étals du marché de fruits et légumes…
« On travaille à perte, il n’y a pas de pouvoir d’achat », lui explique une commerçante qui tient une boutique de tatouages. « La Martinique se meurt, monsieur le premier ministre ! », lui lance un autre. « M. Ayrault, faites quelque chose pour la Martinique ! », renchérit un troisième. « Bravo, nous vous admirons, nous vous regardons à la télévision et nous n’ouvrons même pas le dictionnaire pour comprendre ce que vous dites ! », s’enflamme un quatrième.
« DES PROPOSITIONS CONCRÈTES »
Avec un chômage qui dépasse les 20 %, et même les 60 % chez les jeunes, des prix qui flambent, malgré la mise en place d’un « bouclier qualité-prix » sur certains produits de large consommation que beaucoup ici considèrent comme un écran de fumée, le premier ministre sait qu’il n’arrive pas forcément en terrain conquis. Il vient avec « des propositions concrètes », assure-t-il. Et de prendre en exemple la refonte du système de défiscalisation. L’Etat souhaite ainsi expérimenter, à partir du 1er janvier 2014, un « système mixte » combinant les anciennes niches fiscales pour l’outre-mer sur le logement social et l’aide aux entreprises et un « nouveau crédit d’impôt » dans ces deux mêmes secteurs économiques.
« Nous voulons être plus efficaces mais sans bouleverser l’économie locale, nous ne voulons pas déstabiliser l’outre-mer, pas question de prendre de risque », précise-t-on à Matignon.
En mai 2012, François Hollande a été élu dès le premier tour de la présidentielle en Martinique, recueillant 68 % des voix. Mais c’était il y a un an. En Martinique comme dans d’autres départements de la métropole, la déception et la colère semblent être toutes aussi grandes face à l’impuissance du nouveau pouvoir à contenir la crise économique.
Beaucoup ici lui en veulent notamment d’avoir interrompu le versement du » RSTA » (revenu supplémentaire temporaire d’activité), un RSA spécifique à l’outre-mer, arraché de haute lutte après le conflit social de 2009, reconduit régulièrement depuis, mais dont le gouvernement a décidé l’arrêt le 31 mai. « C’est dommage, ça mettait du beurre dans les épinards », regrette Florence, mère de famille, qui touchait jusqu’à présent une centaine d’euros de revenus complémentaires tous les trois mois.
« J’ai vu des gens ici s’agenouiller devant Hollande, pensant qu’il allait faire des miracles ! Mais qu’a-t-il fait à part ce mariage pour tous, une loi que rejette le bon Dieu ? », s’emporte Maurice, militaire à la retraite qui exprime l’avis largement partagé contre la mariage homosexuel dans la société antillaise, d’autant plus choquée que la réforme a été menée par la ministre Christiane Taubira.
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