— Par Yves-Léopold Monthieux —
(Cet article a été écrit avant l‘acte d’indépendance manqué du mardi 12 octobre 2017 du président de l’assemblée de la Catalogne).
Au moment où la revendication indépendantiste de la Généralité de Catalogne fait chanceler l’Espagne et trembler les autres Etats européens, on est en droit de s’interroger sur le silence abyssal des partis indépendantistes martiniquais. On n’ose penser que la « tremblade » touche aussi ceux qui ont toujours inscrit leur raison d’être de militant politique dans la lutte pour l’accession de la Martinique à l’autonomie ou à l’indépendance. Tout au plus, quelques intellectuels présomptueux trouvent des similitudes entre la Catalogne et la Martinique. C’est peu dire qu’ils ne sont pas entendus au sein des nombreux partis indépendantistes et autonomistes et par les élus qui les représentent au sein des instances locales et nationales.
L’autonomie et l’indépendance, une affaire de riches
Au-delà de la question identitaire qui la sous-tend, l’indépendance des régions est une question essentiellement économique. Toutes les revendications séparatrices s’appuient sur un substrat identitaire, mais seules souhaitent se détacher de leurs métropoles respectives, ou menacent de temps à autre de le faire, les régions qui s’estiment assez riches pour faire vivre leurs populations. C’est bien entendu le cas de la Catalogne, mais aussi de l’Ecosse, la Flandres, l’Italie du nord, l’Alsace, St Barthélémy. L’autre particularité de ces régions participe de l’égoïsme et l’absence de solidarité des peuples : les pays riches refusent de partager avec les pays moins riches. Ce manque de solidarité qui est contraire à l’esprit de l’Europe n’est pas un gage de bienvenue au sein de la Communauté. On peut s’étonner que les anticolonialistes martiniquais ne s’émeuvent pas de ce esprit de non-partage dont les premières victimes sont les pays pauvres.
Les exceptions françaises de la Corse et de la Martinique
La Martinique et la Corse sont les deux exceptions françaises de régions dirigées par des élus indépendantistes et qui n’ont pas les moyens économiques de leur émancipation. Ces deux curiosités territoriales ont plusieurs points communs. Sous l’air de l’anecdote, le premier relève de l’histoire et renferme une contradiction. En effet, l’Île de Beauté a donné à la France un empereur et l’Île aux Fleurs, une impératrice, l’épouse du premier. Mais tandis que les Corses vénèrent Napoléon (facteur d’intégration), les Martiniquais détestent Joséphine en peinture et en …effigie (élément d’exclusion). Par ailleurs, ces territoires qui pratiquent sans angoisse l’art de la contradiction se rejoignent dans la même schizophrénie. Ils expriment leur désir de manifester leur identité en dehors de la France, mais se délectent des agréments de l’assimilation. Il s’ensuit qu’à l’instant même où ils sont mis au devant de la moindre possibilité de succès de leur revendication, ils freinent des 4 fers. Ainsi, les indépendantistes corses soutiennent leurs homologues catalans, mais en disant bien fort qu’ils ne sont pas, eux, prêts pour l’indépendance de leur île, qu’ils prônent depuis des décennies. Quant à la revendication martiniquaise, elle ne franchit pas les rivages de la Martinique. S’il est possible que les bombes et les morts donnent aux Corses le droit moral de siéger aux colloques internationaux sur la décolonisation, les anticolonialistes martiniquais sont totalement inconnus à l’étranger. Au demeurant, ils ne se bousculent pas pour se faire connaître et inviter à ces rencontres.
N’est pas nèg mawon qui veut !
Par rapport aux Catalans, la prudence des forts en gueule de ces deux territoires français paraît dictée par l’adage : « ti poul suiv ti kan’na, i mo néyé !». On peut comprendre, dès lors, que les deux peuples qui sont très majoritairement hostiles à l’indépendance consentent à élire des « indépendantistes » pour la tranquillité de leurs régions. En effet, s’agissant de la Martinique, les nationalistes ont su créer un fond de l’air moite entretenu dans un bouillon de culture identitaire à laquelle les martiniquais ne peuvent pas échapper. En revanche, on ne peut pas s’étonner non plus que des élus qui sont arc-boutés à leur posture autonomo-indépendantiste ne soient pas les meilleurs gestionnaires sous statut d’appartenance. Leurs performances dans la réalisation et la mise en œuvre du TCSP ne les prédisposent pas à être meilleurs dans le cadre de l’indépendance ou d’une plus grande autonomie.
Dimanche 8 octobre 2017
Yves-Léopold Monthieux