— Par Pierre Alex Marie-Anne —
L’évènement international majeur que constitue la tenue à Paris des XXXIII° jeux olympiques d’été nous fournit l’occasion de mesurer à quel point notre petite île est complètement décrochée par rapport à sa consœur, la Guadeloupe.Celle-ci a bénéficié lors de l’inauguration de la célébrité de pas moins de trois multiples médaillés en or :Teddy RINER, Marie-josé PEREC et Laura FLESSEL dont les deux premiers ont eu l’honneur ultra médiatisé d’allumer la vasque olympique. Cette mise en lumière de l’archipel guadeloupéen contraste avec l’absence de visibilité dont pâtit la Martinique; faut-il s’en étonner quand on considère le peu d’engagement des responsables politiques martiniquais dans la formation sportive de notre jeunesse ? où sont nos médaillés en or ou les grands meeting d’athlétisme qu’organisait l’ex-Conseil Général au stade Louis Achille? Ce n’est certes pas l’établissement, pompeusement dénommé : Institut Martiniquais des Sports (IMS), dont l’activité principale est d’offrir un nouveau lieu de palabres à toute sorte d’associations et d’organismes n’ayant qu’un lointain rapport avec le sport, qui risque d’y pourvoir. Les Guadeloupéens, eux, peuvent s’appuyer sur l’existence du CREPS Antilles Guyane ( Centre Régional d’Éducation Physique et Sportive ) qui est un carrefour d’excellence pour la détection et la formation de ses futurs athlètes dans le sport de haut niveau.
Nos compatriotes savent-ils que c’est à un martiniquais, le sénateur Georges MARIE-ANNE, devenu par la suite Vice-Président du Sénat, que l’on doit la création de ce précieux outil (les archives de la haute assemblée en attestent !) : malheureusement sa localisation nous a échappée, le sénateur guadeloupéen Marcel Gargar ayant profité du discours incendiaire prononcé à l’Assemblée Nationale par Aimé Césaire, lors des évènements tragiques de Décembre 1959, sur le thème: de »la révision déchirante des liens avec la France», pour revendiquer son implantation dans son Département. Mais le sport n’est pas le seul terrain où la concurrence avec la Guadeloupe s’exerce à notre désavantage;celui de la représentation politique l’est tout autant. Ministres et Secrétaires d’État se succèdent dans cet archipel depuis Roger Bambuck jusqu’à Marie-Luce Penchard en passant par Lucette Michaux-Chevry et Victorin Lurel, tous ayant à cœur de défendre becs et ongles, lors des arbitrages gouvernementaux, les intérêts de leur territoire (Seule dans l’ outremer français La Réunion fait mieux avec deux anciens Premier Ministre : Michel Debré et Raymond Barre !). De notre côté c’est le néant, nous sommes devenus transparents aux yeux des responsables nationaux, à la suite de la consigne absurde édictée par le PPM de non-participation dans les instances gouvernementales.
Les médias nationaux et internationaux en ont tiré les conséquences et braquent leurs projecteurs sur la Guadeloupe plus réaliste : film” biotic “sur Marie-José Pérec, et bientôt Teddy Riner, le nouveau dieu de la planète “judokate “,Deshaies, promu 2°village préféré des français, Maryse Condé qui s’est vu décernée le Prix Nobel alternatif consacrant sa brillante carrière littéraire, le hub portuaire Antilles-Guyane, outil stratégique de développement qui s’édifie à grande vitesse en Guadeloupe, lui conférant (après la “tête de ligne” de l’aéroport “Pole caraÏbe”) le rôle de plaque tournante dans la caraïbe, alors qu’il reste chez nous entouré d’un silence inquiétant, le nouvel hôpital des Abymes, appelé à devenir la vitrine de référence en matière de santé publique dans la Caraîbe, financé à100% par l’État à la différence du nôtre qui s’enfonce dans des déficits incommensurables etc… Pauvre Martinique! reléguée au rang des faits divers et des “negative-news”( record des crimes et délits, territoire le plus vieux de France ou le plus accidentogène, croissance exponentielle des narco-trafics, grèves et scandales financiers à répétition ) quand elle n’est pas purement et simplement ignorée. Les martiniquais sont-ils conscients de cette dégrngolade accélérée?On peut en douter à entendre certaines déclarations et voir certains comportements; ainsi en est-il du vote à la CTM ( à l’unanimité des rares présents) de la création d’une autorité unique de gestion de l’eau, qualifié “d’historique “par le Président du Conseil Exécutif, jamais à court de propos emphatiques.
On aimerait bien comprendre en quoi constitue une avancée historique le fait pour trois établissements publics (EPCI), qui détiennent de par la loi pleine compétence en matière de gestion de l’eau, mais qui ont toujours été incapables de s’entendre sur la répartition de cette précieuse ressource; d’avouer leur impuissance et leur impéritie, en demandant piteusement à l’État d’agir à leur place. Si c’est cela l’autonomie dont on nous rebat sans cesse les oreilles, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser! Autre exemple des plus significatifs : le cas des éoliennes du Macouba ( il s’agit de faire passer notre “mix énergétique local” de 17 à 25%,pas moins !); on s’attendrait à ce que la Collectivité Territoriale de Martinique, dont c’est la mission, soit aux côtés du promoteur pour lui faciliter, la tâche, bien au contraire!, elle multiplie réserves et contraintes espérant sans doute qu’il renonce à son investissement. A l’époque, un problème similaire s’était posé, dans le cadre de la containérisation de la banane, pour la circulation sur nos routes des porte-containers de “40 pieds”; he bien ! le Conseil Général, en charge de la gestion du FIR ( fonds d’investissements routier) avait pris le problème à bras-le-corps et l’avait résolu à la satisfaction générale. Les conseillers territoriaux d’aujourd’hui sont-ils moins compétents que ceux d’hier, ont-ils les deux pieds dans la même chaussure ? à moins que ce ne soient les services techniques actuels qui ne sont pas à la hauteur de leur prédécesseur; la question mérite d’être posée.
Dans le même temps nous apprenons de la bouche de l’Exécutif de la CTM que près de 200 agents sont sans affectation et payés grassement sur les impôts du contribuable à ne rien faire; ces prétendus «tire au flanc », que l’on vient de débusquer au bout de quatre ans de mandature, seraient responsables, nous dit-on, de l’inertie, des insuffisances et de l’incompétence qui caractérisent l’image de la CTM aux yeux d’une population désabusée.Cette stratégie du bouc émissaire, typique des systèmes autocratiques, ne peut que retomber sur son auteur qui, en sa qualité de Président de l’Exécutif et donc de chef du personnel, est responsable de l’organisation de la collectivité et porte l’entière responsabilité de tous ses éventuels dysfonctionnements.
C’est donc sa propre incurie qu’il dénonce, sans la moindre honte; celle-ci est d’autant plus patente, du fait de l’absence à ce jour d’un véritable organigramme opérationnel; on nous l’annonce définitivement achevé vers les années 2030, c’est tout simplement ahurissant ! si l’on tient compte de l’enchaînement des dates concernant la Collectivité Territoriale de Martinique :27 juillet 2011, vote de la loi créant ladite collectivité, 28 du même mois, publication de la loi au J.O. de la République, 6 et 13 Décembre 2015, première élection remportée par Mr Alfred Marie-Jeanne; 20 et 27juin 2021, succès de la liste “Alians Matinik” conduite par Mr Serge Letchimy, qui devient le nouveau Président du Conseil Exécutif de la CTM; au final, il aura donc fallu pas moins de treize années (dont quatre de la présente mandature ) pour voir “s’ébaucher,” par ceux-là même qui sont à l’origine de cette création institutionnelle, un projet d’organigramme de la CTM, pierre angulaire de son efficacité. Bel exemple d’impréparation et d’incompétence de la part de ceux qui réclament à corps et à cris de nouveaux pouvoirs ! On ne peut s’empêcher de comparer ce manque de savoir-faire avec l’exemplarité et la célérité dont feu le Conseil Général a su faire preuve pour répondre à l’immense défi que représentait la loi du 2 mars 1982 instituant la Décentralisation; il a su faire face aux vagues successives de transfert de compétences de l’État assumant avec diligence et sans discontinuité les nouvelles responsabilités (bien que ni sollicitées ni négociées au préalable !), mises à sa charge.
Après le partage des services de la Préfecture, l’héritage le plus important a été celui de l’action sociale et de la santé, suivi de l’éducation, de la compétence en matière de transport, de routes…etc. Les enjeux étaient importants car il fallait que la collectivité assure la continuité immédiate du service des prestations sociales, ainsi que la rentrée des collèges. En réalité ce fut la création, quasiment «ex-nihilo» d’une nouvelle collectivité de gestion,dotée du pouvoir de sa libre administration. Elle a eu l’opportunité d’accueillir en son sein des cadres de direction et des personnels de haut niveau, expérimentés et formés dans les grandes écoles. Les recrutements de personnel par la collectivité ont été marqués de la même exigence en matière d’expertise professionnelle.Les organigrammes hiérarchiques et de gestion étaient mis en place au fur et à mesure des transferts de compétnces et s’intégraient parfaitement dans les circuits logistiques mis en place ( finances,informatique, matériel…etc). En définitive il apparaît clairement que c’était au Conseil Général, qui bénéficiait d’une image de bonne gestion dans l’exercice des ses compétences au service du bien-être de la population, d’intéger en son sein, lors de la fusion des deux collectivités, les services du Conseil Régional et non l’inverse comme cela s’est produit. Nous payons aujourd’hui les conséquences de cette erreur initiale : la CTM semble incapable de trouver ses marques et condamne le pays au surplace sinon à, la régression. Parmi les causes majeures de cette situation il y en a une qui se détache nettement: l’indigence des organes d’information locaux qui préfèrent pratiquer une Censure d’un autre temps, que d’informer honnêtement les citoyens des réalités de la gestion publique.
Le respect de la pluralité des opinions et de l’objectivité est bradé au service des petits intérêts et arrangements avec la Pouvoir en place; faute d’analyses et d’évaluations sérieuses de l’action des responsables politiques, le citoyen-lambda se trouve démuni; il ne peut juger du bien-fondé de celle-ci et encore moins exercer son droit de contrôle légitime sur les politiques publiques mises en œuvre en son nom; le jeu démocratique normal s’en trouve complètement faussé et la responsabilité en incombe au premier chef à la conception partisane et servile de l’information par les médias locaux.
La CTM pour sa part qui a le plus grand mal à utiliser les fonds européens mis à sa disposition pour stimuler le développement économique et social de la Martinique ne renâcle pas par contre à dilapider généreusement l’argent du contribuable au profit de promoteurs de la fête tous azimuts. “la fiesta” voilà le credo qui réunit l’ensemble de la population «de sept à soixante- dix sept ans », et même au delà; aucune autre cause n’est capable de la mobiliser : ni la vie chère, ni l’état de délabrement de l’hôpital publique, pas même la violence et son cortège de crimes liés à l’extension du trafic de drogue; le monde peut bien s’écrouler autour d’eux, et le dérèglement climatique s’emballer et ravager nos côtes, ils n’en n’ont rien à faire : panem et circenses (du pain et des jeux) disaient déja les anciens romains. S’étourdir dans la fête, ”carnavaler” du 1er janvier au 31 décembre voilà l’ambition ultime des habitants de “l’île aux fleurs”; pour le reste, Paris y pourvoira, au besoin en le stimulant par une bonne grève sans papa ni maman, assortie le cas échéant d’un Droit de retrait aux petits oignons, des plus productifs. Il ne faut pas s’y tromper.une telle déliquescence, morale avant que d’être matérielle, n’est pas le fait du hasard; elle est le résultat de décennies de déstructuration de la population par la propagande des soi-disant indépendantistes et autres nationalistes (fonctionnaires à majoration de traitement de 40% et congés bonifiés!) dont certains recherchent leur inspiration chez les talibans d’Azerbaïdjan, persécuteurs des femmes; cette propagande, relayée par une intelligentsia embourbée dans son idéologie identitaire passéiste et par les médias à leurs ordres, s’est évertuée à lui inculquer un sentiment d’incapacité congénital à penser et agir, résultant du déterminisme historique de son statut de victime impuissante de l’esclavage et de la colonisation; Le Parti Progressiste Martiniquais qui règne en maître depuis plus de soixante ans sur les destinées de l’île s’est distingué dans cette entreprise de “zombification”de la population. Il devra rendre compte tôt ou tard de son résultat : l’ effondrement de la réputation, du dynamisme et de l’attractivité de notre chère Martinique, symbole de sa régression.
Pierre Alex MARIE-ANNE