— Par Selim Lander —
Un spectacle hors norme porté sur la scène par un magicien et virtuose des ombres chinoises et son pianiste mais qui va bien au-delà puisqu’il mêle des séquences de cinéma muet, et comme il se doit dans un hommage à Cocteau des extraits de ses films, quelques dessins recomposés sur grand écran par un usage sobre et intelligent de la vidéo, et quelques textes (poèmes ou autres) dits par François Morel.
Si le spectacle fascine c’est sans nul doute en partie justement parce qu’il est hors norme. Et d’abord parce qu’il met un magicien sur le plateau. Il fut un temps où les salles de spectacle présentaient régulièrement des magiciens. Le public populaire, qui remplissait alors ces salles, était habitué et paradoxalement plus blasé que le public « culturel » (à défaut d’être toujours cultivé !) qui fréquente désormais les théâtres. Par contre, le mélange des genres ne surprend pas ce deuxième et actuel public. Néanmoins, l’humanité n’ayant pas fondamentalement changé depuis 100 ans, aujourd’hui comme alors, « habitué » et « blasé » sont des traits de caractère éminemment « volatiles » au sens où il suffit que la qualité soit au rendez-vous pour que l’enthousiasme reprenne le dessus.
« Il ne faut pas comprendre, il s’agit de croire ». La formule étant répétée plusieurs fois, force est d’en déduire quelle constitue une sorte de morale pour ce spectacle, ce qui tend à assimiler la magie au religieux (et qui ne devrait étonner personne). Il y a néanmoins une différence entre les deux qui semble avoir échappé aux observateurs. Saint Thomas ne demande qu’à croire mais il a besoin de voir. Devant un spectacle de magie nous refusons absolument de croire ce que nous voyons : ce qui s’appelle proprement n’en pas croire ses yeux.
La force de ce spectacle est de savoir toucher autant – quoique différemment – les enfants aux âmes naïves et les vieux crocodiles. Différemment car ils ne regarderont sûrement pas de la même manière, par exemple, Jean Marais traverser le miroir à l’aide de ses gants magiques. Mais autant puisqu’une âme d’enfant sommeille même chez les plus rassis, qui ne demande qu’à se réveiller.
Hommes aux mille mains – La magie Cocteau. Avec Philippe Beau accompagné au piano par Marek Kastelnik. En tournée à Tropiques-Atrium le 25 mai 2018.