Le 19 décembre dernier, la commission mixte paritaire (CMP) a été le théâtre d’un revirement inattendu. Les élus macronistes, pourtant ancrés dans une ligne politique centriste, ont voté aux côtés des Les Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN) en faveur de mesures historiques empruntées à l’extrême droite. Cet accord sur des dispositions controversées questionne profondément la direction prise par la Macronie en matière de politique migratoire, suscitant l’inquiétude au sein de la société.
Le point de bascule a été atteint avec l’adoption de la préférence nationale sur les prestations familiales. La mise en place d’un « délai de carence » de cinq ans, ramené à trente mois pour les travailleurs, avant de pouvoir bénéficier des aides sociales, a été perçue comme une rupture avec les principes républicains fondamentaux. Cette mesure, accusée de créer une « fabrique à grande pauvreté » par des voix humanitaires, accentue la précarité de milliers d’étrangers réguliers, travaillant et cotisant à la Sécurité sociale.
La dérive continue avec l’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux coupables de meurtre sur des agents des forces de l’ordre. Alors que le Code civil prévoit déjà cette mesure dans des cas exceptionnels, son inclusion dans la loi témoigne d’une concession déconcertante aux idées de l’extrême droite. Par ailleurs, la remise en cause du droit du sol, avec l’obligation pour les enfants nés en France de parents étrangers de manifester leur volonté pour acquérir la nationalité entre 16 et 18 ans, représente une atteinte symbolique aux fondements républicains.
Les restrictions de l’accès au séjour s’intensifient également. Un durcissement du regroupement familial, assorti d’obligations linguistiques et éducatives, accentue les barrières pour les personnes étrangères souhaitant rejoindre leur famille en France. Les étudiants étrangers, déjà touchés par des augmentations de frais d’inscription et l’instauration d’une caution, voient leur accès au titre de séjour compliqué. Le rétablissement du délit du séjour irrégulier, supprimé en 2012, criminalise le simple fait d’être étranger en situation irrégulière en France.
La compromission avec la droite et l’extrême droite atteint son paroxysme avec le dossier sensible de l’aide médicale d’État (AME). Élisabeth Borne, sous la pression de LR, s’est engagée à réformer ce dispositif d’assistance médicale aux étrangers en situation irrégulière, allant jusqu’à accepter son remplacement par une aide d’urgence. Cette concession, loin d’être anodine, remet en question les engagements humanitaires de la France et soulève des préoccupations quant au respect des droits fondamentaux.
La société civile, confrontée à cette dérive inédite, exprime son mécontentement. Plus de cinquante organisations associatives ou syndicales dénoncent le texte comme le plus régressif depuis quarante ans. La Défenseure des droits s’alarme du choix de la « préférence nationale », soulignant les implications discriminatoires de ces mesures. La Marche des solidarités appelle à la mobilisation, dénonçant un texte « immonde » soutenu même par le Rassemblement national.
Les étudiants, jusqu’ici relativement protégés, sont également touchés par cette réforme. Le durcissement de l’accès au titre de séjour « étudiant », avec l’obligation d’apporter la preuve préalable d’une caution financière, ajoute des obstacles aux parcours d’intégration. La majoration des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, adoptée malgré des débats animés, accentue les inégalités d’accès à l’éducation.
Le débat annuel sur des quotas migratoires, initialement écarté en commission des lois, réapparaît dans la version finale du texte. Cette mesure, soutenue par certains parlementaires, renforce les discours sur la « maîtrise » des chiffres de l’immigration, contribuant à entretenir un climat de suspicion envers les étrangers.
En outre, des restrictions d’accès au titre de séjour « étranger malade » suscitent des inquiétudes. La délivrance de ce titre, visant à accorder le séjour à des personnes gravement malades, est désormais conditionnée à l’absence d’un traitement approprié dans le pays d’origine. Cette mesure, en apparence économique, risque de priver les personnes vulnérables d’un accès aux soins nécessaires.
La seule mesure présentée comme « humaniste », visant la régularisation de travailleurs sans papiers dans des métiers en tension, est vidée de sa substance. Le pouvoir discrétionnaire du préfet et l’absence d’un droit opposable à la régularisation en font une mesure fragile, suscitant des critiques pour son caractère utilitariste.
En conclusion, la Macronie se retrouve à la croisée des chemins, confrontée à une réforme migratoire jugée régressive et discriminatoire par de nombreux acteurs de la société. Les compromis avec la droite et l’extrême droite, révélés au grand jour par les décisions de la CMP, soulèvent des questions fondamentales sur l’orientation politique du gouvernement. Cette dérive inquiétante interpelle sur la préservation des principes républicains et des droits fondamentaux dans le pays.
M’A