— Par Selim Lander —
Zabou Breitman est comédienne. Elle est également une metteuse en scène audacieuse qui compose ses pièces comme un patchwork de textes, de bribes de textes empruntées, dans ce cas, à Tchekhov (La Salle n° 6), Shakespeare ou Lewis Caroll. Comme le titre le laisse deviner, Logiquimperturbabledufou raconte des histoires de fous enfermés dans un asile, lieu propre à susciter la poésie et l’absurde aussi bien que la souffrance, voire l’horreur. Passé quelques minutes d’hésitation – faut-il rire ou pleurer ? – la pièce ne quitte pas le registre de la fantaisie. L’auteur, au demeurant, renonce très vite à raconter une histoire, ses personnages ne prennent aucune consistance, on passe du coq à l’âne, les comédiens changent de rôle comme de chemise, les dialogues se réduisent à peu de choses (les auteurs cités plus haut n’ont donc aucune raison de sentir spoliés !) et l’attention se concentre de plus en plus sur les tableaux humoristiques concoctés par Z. Breitman.
Tantôt coiffés de chapeaux inspirés des bateleurs du Moyen Âge, tantôt déguisés en lapins, les quatre comédiens devenus danseurs ou acrobates interprètent des scénettes sans parole toujours réussies et parfois très drôles. La M.E.S. s’appuie également sur un décor aussi simple qu’astucieux : un panneau en fond de scène percé d’une étroite porte verticale ; il est mobile, ce qui permet de jouer sur les deux déplacements, celui de l’ouverture et celui des comédiens eux-mêmes mobiles et visibles à travers.
La pièce contient bien une satire du milieu médical mais qui l’égratigne à peine. Et les patients prennent leur mal… en patience ! Tout est pour le mieux et l’on rit volontiers. Seul bémol, les jeunes comédiens n’ont pas été avertis que la vénérable salle du Jeu de Paume à Aix-en-Provence date d’un temps où l’on déclamait pour se faire entendre, si bien que les spectateurs éloignés ont perdu une grande partie du texte. Fort heureusement, ce dernier, comme on l’a dit, n’est pas ce qui importe le plus dans la pièce. Malgré tout, on ne saurait trop recommander aux comédiens qu’ils évitent de parler le dos tourné au public ou dans les coulisses, de se parler à eux-mêmes, qu’ils n’oublient pas qu’ils jouent pour un public, lequel, pour une grande part, n’a plus ses oreilles de vingt ans !