Ils sont décidément très forts, ces Anglais, en matière d’adaptation littéraire ! Loin des choix de Canal+, la série british brille par son classicisme.
— Par Benjamin Fau —
De mémoire de sériephile, on a rarement vu deux adaptations aussi dissemblables que celles de La Guerre des mondes sorties cet automne sur Canal+ et la BBC. Tandis que la version française choisissait de s’éloigner considérablement du roman SF d’H.G. Wells en se concentrant sur le sort délicat des survivants de l’invasion une fois celle-ci terminée, la version anglaise (diffusée prochainement sur TF1) joue la carte de la fidélité sinon à la lettre, au moins à l’esprit, du matériau d’origine. Il s’agit très probablement de son adaptation audiovisuelle la plus respectueuse, même si on peut apprécier par ailleurs le grand spectacle offert par le film de Steven Spielberg en 2005. La superproduction de Canal+ affichait huit beaux gros épisodes au compteur, avec la promesse de saisons supplémentaires en cas de succès ; celle de la BBC seulement trois (remontés en deux épisodes de 1 h 30 pour la diffusion française). Pour Léa Drucker, Gabriel Byrne et leurs compagnons d’infortune, l’attaque des extraterrestres a lieu de nos jours, au début du XXIe siècle, et la série en profite pour (longuement) brasser bon nombre de problématiques contemporaines (le terrorisme, l’immigration, etc.) sur fond de désagréable mélo. Eleanor Tomlinson (déjà aperçue dans Poldark, extraordinaire ici) et Rafe Spall, accompagnés de Rupert Graves (le Lestrade de Sherlock) et Robert Carlyle évoluent, eux, à la fin de l’époque victorienne, celle où l’Empire britannique peut se vanter de régner sur toutes les mers du globe. Les différences sont flagrantes, et pas seulement d’un point technique ou visuel. Là où la série de Canal+ se résume en définitive à une sorte de The Walking Dead sans zombies, la minisérie de la BBC démontre encore une fois tout le talent de nos voisins d’outre-Manche dans deux exercices télévisuels difficiles : l’adaptation littéraire et la reconstitution historique.
On savait le scénariste Peter Harness capable d’un excellent travail d’adaptation : s’il n’avait pas vraiment convaincu les fans de Doctor Who lors de ses quelques essais de scénarios originaux (période Peter Capaldi), il avait réussi en 2012 un véritable tour de force en tirant du gargantuesque Jonathan Strange and Mr Norrell de Susanna Clarke une minisérie virtuose, déjà pour la BBC. Son travail pour cette Guerre des mondes est à nouveau remarquable : en choisissant la concision et la simplicité, que ce soit dans l’exposition comme dans le dénouement, ainsi que la clarté et la lisibilité lors du morceau de bravoure central qu’est l’attaque des Martiens à l’aide de gigantesques tripodes, de rayons mortels et de gaz effroyablement toxiques, il signe un script d’une redoutable efficacité, qui happe le spectateur dès ses premiers instants pour ne plus jamais le lâcher….
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