— Par Karen Lajon —
LA VIE EN NOIR – Laird Hunt, du nom de jeune fille de sa mère, aime à raconter les histoires du point de vue des femmes. Neverhome est le troisième du genre. De passage à Paris, l’auteur américain qui a vécu et étudié dans la capitale française, raconte dans un excellent français pourquoi les femmes lui sont une source d’inspiration infinie. Neverhome ou l’histoire d’une métamorphose, celle d’une héroïne qui ose tout. Qui ose vivre libre.
« J’ai entendu une voix un jour, comme ça. Puis la première phrase m’est venue. » Détrompez-vous Laird Hunt n’est pas fou. L’envie d’écrire lui vient parfois d’une façon bizarre. D’une démarche peu banale, il nous livre un petit livre aussi insolite que magique. Neverhome est une histoire de femme déguisée en homme pour aller se battre. Une histoire de femme qui part à la guerre. « J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la Republique. » Tout simplement. Les femmes ont cette capacité déconcertante de prendre des décisions dramatiques en un laps de temps très court, en un battement de cils. Neverhome est donc le troisième livre écrit à travers les yeux du sexe opposé.
« Ma grand-mère, une femme de gauche »
Laird Hunt a été élevé par sa grand-mère, il lui doit cette façon de voir la vie, cette volonté de se substituer au corps d’un homme grand et encombrant (le sien) à celui plus menu et peut-être plus fragile d’une femme habitée par une force qui la dépasse. « L’amour doit-il l’emporter sur le devoir », demande-t-elle un jour à un soldat? « L’amour, mais c’est quoi ça l’amour!! », lui rétorque revenu de tout, le militaire aguerri.
Le phénomène n’est pas très connu. Mais près de 400 femmes, blanches et noires, sudistes ou nordistes, ont combattu auprès des soldats de sexe masculin, lors de la guerre de Sécession en Amérique. Elles ont occupé tous les rangs parfois avec l’assentiment tacite des officiers masculins, et parfois dans le plus grand des secrets. Une femme en particulier a influencé l’auteur américain, Loretta Velasquez qui se battit à cette époque en tant qu’officier. Elle a publié ses mémoires en 1876. Sous le nom de Harry Buford, la demoiselle s’engagea dans l’armée confédérée en tant que lieutenant. Totalement livrée à elle-même, elle ne fut jamais rattachée à aucun régiment, portait une fausse moustache et gesticulait comme un homme. Il y a vingt ans, l’épouse de l’auteur lui offre un manuscrit, celui de Sarah Rosetta Wakeman, alias Private Lyons Wakeman et qui publia une série de lettres sous le titre de « An Uncommon Soldier ». De cette aventure hors norme, Laird Hunt a imaginé un roman court et intense ou Constance, l’héroïne, tente de se forger un destin autre que celui pour lequel elle se voyait presque, comme normalement programmée. Elle quitte l’Indiana, cet Etat d’Amérique qui fournit encore aujourd’hui en masse les soldats qui partent se battre là où le décident les politiques de Washington…
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Neverhome de Laird Hunt, Traduction de Anne-Laure Tissut, Editions Actes Sud, 272 pages, 22 euros.