En Guadeloupe, 80 % du dispositif d’épuration ne fonctionne pas. Une catastrophe sanitaire et environnementale, qui risque de mettre en péril toutes les eaux de baignade sur cet archipel français, d’ici dix ans.
— Par Daphné Gastaldi et Mathieux Martinière —
Petit-Bourg (Guadeloupe).– « Les odeurs, on s’est habitués, soupire Frantz Lubin. On est dedans H24. » De prime abord, sa maison paraît idéalement située, sur le front de mer de Petit-Bourg, une commune à l’est de la Basse-Terre. Si ce n’est l’odeur pestilentielle, vaguement balayée par l’air marin ce jour-là. Dans le canal qui débouche sous sa terrasse, l’eau sort à gros bouillons marron. L’embouchure est régulièrement polluée, surtout lorsque les stations débordent après les pluies. « La mairie est juste à côté et regardez l’état du canal », se désespère le Guadeloupéen de 42 ans.
La situation dure depuis deux ans maintenant. En amont, la station d’épuration de Petit-Bourg dysfonctionne et rejette ses eaux usées dans le cours d’eau jusqu’à la mer. « Il y a des jeunes qui viennent parfois pêcher ici ! », s’emporte Frantz, inquiet des risques sanitaires.
Sur l’archipel, plus connu pour ses lagons turquoises que ses canalisations défectueuses, plus de 80 % du dispositif d’épuration, collectif ou non, dysfonctionne. Face au manquement du réseau, les particuliers optent pour des fosses septiques individuelles qui ne sont pas suffisamment contrôlées. « Hors actions de police, c’est comme pour l’eau potable, la mise en œuvre du plan “Eau Dom” doit permettre de rétablir le service public de l’assainissement », précise-t-on du côté de la préfecture.
Lancé en 2016, le plan « Eau Dom » a comme priorité de raccorder la population au tout-à-l’égout. Tous les Guadeloupéens n’y sont pas connectés : un peu plus de quatre personnes sur dix vivent dans une zone raccordée, selon un rapport de 2020 de l’Office de l’eau.
Aux scandales déjà documentés du chlordécone et des coupures d’eau, se rajoute celui de l’assainissement, un service public totalement défaillant en Guadeloupe. Une bombe à retardement pour les scientifiques, tant sur l’aspect environnemental que sanitaire….
Lire la Suite & Plus => Mediapart