L’exposition de la Cité de la musique, «Great Black Music», questionne, au-delà du mouvement musical, les contextes historiques, sociologiques, politiques… Avec maestria.
— Par Fara C. —
À travers des centaines de documents sonores et audiovisuels, que l’on consulte de façon interactive, l’exposition «Great Black Music» interroge les processus historiques, sociologiques, politiques… Elle démontre avec maestria, à l’instar du captivant livre éponyme (ouvrage collectif dirigé par Emmanuel Parent), que la Great Black Music « transcende toute approche ethniciste, nationaliste ou raciale », selon les mots de Marc Benaïche, commissaire de l’exposition et fondateur du magazine Mondomix.
Nous avons souvent évoqué, dans nos colonnes, l’extraordinaire retournement de situation qu’illustre l’odyssée de la Great Black Music, notion initiée dans les sixties par l’Art Ensemble of Chicago. La diaspora africaine a sublimé cinq siècles d’une oppression sauvage en inventant et renouvelant sans cesse une musique qui allait conquérir la planète (jusqu’en Chine, où les festivals de jazz, par exemple, rencontrent un succès croissant). Il y a eu la servitude et le commerce transsahariens, mis en place avec l’islamisation du continent. Plus tard, les déportés africains ont affronté la cruauté et l’organisation de plus en plus calculée, planifiée, du commerce triangulaire, muté en colonisation pour des raisons de rentabilité. Enfin, la discrimination opère encore, hélas, sous notre République, où ce qu’on nomme la diversité est quasi exclue des postes à responsabilité.
« Des chants de travail dans les champs de coton au cri du free-jazz, du blues du Mississippi à sa source malienne, en passant par Guy Konket pour le gwo ka, ou Danyel Waro pour le maloya, il y a eu de perpétuels allers-retours entre l’Afrique, l’Amérique, les Caraïbes, les DOM-TOM, sans oublier l’Europe avec ses courants artistiques et ses nombreux festivals, précise Marc Benaïche. D’où une imprégnation réciproque et une créativité toujours à l’œuvre. »
L’exposition, ainsi que le livre associé, est structurée selon six thèmes et autant de salles : « Légendes des musiques noires » ; « Mama Africa » ; « Rythmes et rites sacrés » ; « Un fil historique » ; « Les Amériques noires » ; « Global mix ». Il est judicieux d’avoir consacré une section aux rythmes sacrés qui, comme le vaudou, ont résisté à l’interdiction et à la diabolisation perpétrées par les maîtres. Le jazzman Jacques Schwarz-Bart célèbre, en son CD, Jazz-Racine Haïti, le vodou haïtien que sa mère, l’écrivaine Simone Schwarz-Bart, lui a fait écouter dès son enfance. « Le vodou nous aide à ne pas nous oublier, ne pas nous nier », confie-t-il. « Cette culture nous a ressourcés à nous-mêmes et nous a permis de tenir le coup en exil, explique Simone Schwarz-Bart. Elle nous a rendu la dignité et la majesté dont les dominateurs nous avaient dépouillés. L’exposition y apporte sa pierre, en contribuant à reconstituer le miroir brisé par l’écartèlement de la déportation. »
Exposition « Great Black Music », du 11 mars au 24 août, Paris, Cité de la musique, www.citedelamusique.fr.
Livre Great Black Music (Actes Sud/Cité de la musique), 238 pages,
38 euros
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