— Par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène italien Pippo Delbono, habitué du Festival d’Avignon, nous offre avec Gioia un spectacle conçu comme un hommage à Bobo, ce petit homme sourd et muet, aux exceptionnels dons théâtraux, avec il eut un long compagnonnage. Bobo, sauvé de l’hôpital psychiatrique par Delbono fut aussi, paradoxalement son rédempteur et le catalyseur de son inspiration.
C’est sans doute le spectacle le plus italien de Delbono : on y retrouve le Fellini de Huit et demi, les vibratos de l’opéra et côté parcours vers la spiritualité et la transcendance un lien avec les Fioretti de François d’Assise et la Divine Comédie de Dante.
Dans une cage Pippo Delbono danse : quand il sort pour raconter l’histoire, les fleurs ne cesseront de pousser jusqu’à envahir le plateau. Pippo s’installe sur le rebord de scène et égrène d’une voix monocorde ce temps vécu avec Bobo. Ses compagnons, pour la plupart des fracassés de la vie, entrent, sortent dans des séquences sans queue ni tête? Ils chantent, dansent le tango, performent avec des costumes extravagants aux couleurs vibrantes. Temps déjantés d’une image, d’un bal, d’un récital d’une complainte où l’on attend l’aimé : Bobo car ici seule la folie est moteur de vie, le voyage ne s’arrête pas, tout est tourbillon.
Comme dans Alice au pays des merveilles, la réalité est un passage et Delbono, un rien chaman, dit la poésie de la déconstruction où l’inconscient s’en donne à cœur joie. A tour de rôle, le clown blanc, la diva, la danseuse à la robe emplie de talc, l’homme -guirlandes, l’homme aux bras en branches d’arbre disent avec énergie les chemins, les impasses, les clairières pour dépasser « les trous noirs » de la vie. Il s’agit d’aller vers la joie, vers ce qu’on ne peut pas comprendre, vers tout ce que représente Bobo : le mystère de l’innocence connaissance suprême. Cette grâce née de la souffrance permet d’entrevoir la lumière, la joie auprès de laquelle le bonheur fait pâle figure? Longue vie à Bobo et à son au-delà.
Dominique Daeschler