Interview de Michèle Barrière, historienne de la gastronomie, par Audrey Salor
Michèle Barrière, historienne de la gastronomie, revient sur une tradition héritée de l’antiquité où se mêlent rite païen et culture chrétienne.
D’où vient la tradition de la galette des rois ?
– Elle remonte à une fête antique : à Rome, on célébrait les saturnales en mangeant des cadeaux dans lesquels se trouvait une fève. Ce rite païen fêtait le solstice d’hiver, à partir duquel les jours rallongent, et donc l’ouverture sur le printemps.
Cette tradition s’est par la suite conjuguée avec le monde chrétien et la légende des Rois mages. L’Église catholique célèbre par ailleurs la « fête des fous » : une journée lors de laquelle le bas clergé est autorisé à se parer du pouvoir de ses supérieurs.
A partir du XIVe siècle, on commence à « tirer les rois ». Cette tradition ne concerne alors que les élites. Si la forme ronde de la galette (On parle de galette au nord et de brioche, en forme de couronne, au sud) et sa dorure à l’œuf symbolisent le passage vers le soleil, il n’est pas question de pâte feuilletée telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ni d’un gâteau fourré à la frangipane. Contrairement à une légende tenace, celle-ci n’a pas été importé d’Italie par Catherine de Médicis. On l’utilisait déjà, au Moyen-Age, pour la fabrication de sauces ou dans des plats, mais pas pour fourrer les gâteaux. Cet usage apparait plutôt au XIXe siècle.
Précisons que l’Église a longtemps lutté contre cette tradition sous-tendue par un rite païen.
Que symbolise la fève ?
– Dans les civilisations antiques, les fèves (qui sont alors des légumes, au sens premier du terme) sont un moyen de communiquer avec les morts via la pensée magique. Elles symbolisent aussi l’embryon, qui va permettre la renaissance.
On les retrouve dans d’autres gâteaux que ceux de l’Épiphanie : ceux consommés lors d’un mariage, où que l’on donne aux accouchées. Il s’agit d’une offrande rituelle.
Les petits sujets en porcelaine font leur apparition au XVIIIe siècle. Ils sont alors radicalement chrétiens : ce sont des poissons (l’emblème des premiers chrétiens) ou des baigneurs (qui symbolisent Jésus).
Où cette tradition est-elle célébrée ?
– C’est une coutume très française. En Espagne, où l’ Épiphanie est une journée très festive – les enfants y recevaient autrefois des cadeaux – la galette des rois n’est pas consommée. L’Allemagne, où s’est implantée la réforme protestante, ainsi que les pays anglo-saxons, se sont débarrassés de cette tradition.
Interview de Michèle Barrière, historienne de la gastronomie, par Audrey Salor – Le Nouvel Observateur.
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Créé le 04-01-2013 à 19h10 – Mis à jour le 06-01-2013 à 10h01
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