— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —
En consacrant son exposition « Derrière le voile » à une évocation de l’avenir des peuples, illustrant ainsi ce qui se passe actuellement dans ces pays africains et arabes qui revendiquent la délivrance, Luz Sévérino a abondamment nourri d’images rhétoriques sa peinture , et d’une réflexion radicale son installation monumentale. Référence aux pays où la liberté d’expression n’existe pas, là où les formes de vie de corps-fantômes, naissent et disparaissent à travers des transparences et que la force des langues vivantes jugulées ne peuvent retenir. Elle veut dans son discours pictural dénoncer des faits et prononcer la reformulation d’une liberté en devenir. Mais c’est par des chemins détournés que nous pénétrons les travaux de Luz Sévérino. Cette artiste plasticienne complète semble difficile à classer tant sa peinture abstraite à la base, incite le regard à chercher et trouver des formes humaines concrètes au-delà des traits de pinceaux, apparemment aléatoires que l’on y décèle. Il en résulte par un drôle d’effet d’optique suggéré des visages qui se dessinent et se révèlent progressivement à nos yeux étonnés. Un code de communication semble relier les individus, pour créer ensemble une irrésistible révolution ; Entre réalisme social et imaginaire, un manifeste en faveur d’une inspiration active. On peut y voir des juges courroucés au hasard d’une fulgurante pensée ou d’un songe attardé, un conseil des sages qui nous questionne et par la force d’évocation, la dignité outragée de ces longs personnages filiformes effilés comme un rasoir, se mettre à nous parler. Ce qui a pour effet immédiat de proposer conjointement comme point de départ et comme ligne d’horizon du style et du message, un blocage mais autant une ouverture entre un objet et son impossible étude.
Elle traduit l’énergie vitale en images.
Il existe cependant une manière radicale de se soustraire à ces formules qui suppose de ne plus idéaliser la peinture mais de la considérer comme un ensemble vivant dans la vie et pour la vie. Elle est à la fois ce qui a lieu quand on la voit et ce qui est quand on en parle, puisque tout ce qui a lieu est toujours spécifiquement lié à l’art. Groupe de personnes en palabres côtoyant la souffrance mais restant dignes ; le dialogue s’instaure dans le corps des tableaux. Luz véritable pasionaria interpelle l’imminente vérité des silences larvés dans des scènes endormies, et la crudité des couleurs décrypte bien l’impétueuse nécessité, d’un combat latent. Dans le noir, le rouge, le bleu vif, les visages inexistants tombent les masques de la vie. Derrière le voile se prépare la révolution, en conciliabules éclairés, des secrets d’alcôve à la cour des rois. Ainsi des réalités se télescopent sur la toile : derrière le voile se cache ce qui se tramait et qui est révélé. Cette revendication au nom de tous et de tous les siens, comme une communion de pensées, une famille universelle composée de personnages têtus, fragiles et éphémères, comme dans une chorégraphie, sans cesse recommencée. Luz , nous donne à approcher de visu l’originalité de son talent multiforme. Elle traduit l’énergie vitale en images. Dans sa démarche, elle part de la réalité, la déconstruit, la manipule, par des prises de position…Une nouvelle évidence est entrevue grâce à la puissance des silences bavards. En plus des œuvres picturales peintes, nous découvrons de singulières sculptures, d’étranges paquets entassés en une profusion démultipliée de chaussures empaquetées dans des tissus de couleurs vives et ficelés de cordes brutes. Le tout, agencé en une énorme installation, qui ne figure rien d’autre que le joug de « l’autorité » qui entrave la marche des peuples libres.
Christian Antourel
Ysa de Saint-Auret
Exposition à l’Habitation Clément
Du 16 décembre au 22 janvier 2012
Contact /informations :
05. 96. 54. 75. 47.
06. 96. 22.85.88.