« La fine équipe » : un film réfléchi, attachant et drôle!

— Par Roland Sabra —

Sans conteste elle est la révélation de ce film. Elle et lui. Elle c’est Stan (Annabelle Lengronne). Lui, Omen (William Lebghil). Elle plus noire qu’hier soir. Lui couleur camembert. Elle « Madame 100 000 volts », volubile, autoritaire, insupportable d’orgueil blessé usant de tous les artifices pour atteindre ses fins. Exceptée la séduction. Ça elle sait pas, elle peut pas ou plutôt elle veut pas. Lui, rêveur, ailleurs, toujours ailleurs, jamais tout à fait réveillé, Pierrot lunaire amoureux depuis sept ans, sans espoir.

Leur histoire ? Un road movie au fin fond de la Normandie. Elle pilote son groupe de rap, Varek, fauché comme les blés. Elle est à la recherche d’un « chauffeur-régisseur-homme à tout faire » pour une tournée. Omen est là, sans doute pas par hasard, il propose ses services. Gratos. Elle accepte contre l’avis du groupe qui ne veut pas de ce « petit blanc », de ce « jambon de pays » qui forcément porte le mauvais oeil . Et vogue la galère. De salles de concerts dépeuplées en chambres d’hôtel minables, de restos camionnettes en mal-bouffe obligée. Elle mène son monde sur un rythme endiablé de concerts déficitaires en déconvenues assurée sans jamais perdre espoir dans ce qu’elle aime : être sur scène, chanter et faire rimer la vie en noir et blanc et en couleurs. Les musiques composées pour l’essentiel par Oxmo Puccino lui vont comme un gant.

La réalisatrice Magaly Richard-Serrano et de sa co-scénariste Claude Le Pape racontent au delà des tribulations de ces nombreux groupes de musique, qui non seulement ne gagnent pas un kopeck mais s’endettent pour se produire, ce qu’il en est du lien social en France.

Les insinuations raciales permanentes et continues, la répétition de l’affirmation d’un « eux » et d’un  « nous » par le groupe de hip-hop fonctionne comme le reflet inversé du racisme dont il est l’objet. Il y a comme l’assimilation d’une assignation à être « autre ». Que celle -ci prenne des colorations racialisantes ne valide en rien la «fou-thèse» d’un racisme anti-blanc. Le racisme est un système économique politique et culturel de domination lié à l’Occident qui n’a nul pareil dans le monde. Les réflexions des membres du groupe de hip-hop sur les «  camemberts », les « chats blancs » ne sont pas les produits d’un système de domination africain ! Elles relèvent tout au plus d’un ethnocentrisme régressif, effet pervers, mais fort heureusement il en est d’autres, de la mondialisation.

« La fine équipe », aborde avec finesse, par touches impressionnistes, à cent mille lieues de tout didactisme, des thématiques souvent passées sous silence. Elle donne enfin à voir un ensemble de comédiens talentueux issus des Antilles, d’Afrique, trop souvent laissés dans l’ombre par les producteurs au motif qu’ils ne seraient pas « bankable ». En la matière, la situation est encore pire en ce qui concerne le théâtre occidental.

Annabelle Lengronne, ancienne élève de Michel Dural et de Jandira Bauer au Lycée Schoelcher de Fort-de-France, se révèle une comédienne talentueuse promise à un bel avenir pour peu que les mentalités changent. Que nous soyons capables de les changer. En commençant par aller voir et soutenir ce film , sans doute perfectible en matière de rythme, ce qui semble paradoxal, mais qui est attachant, plus profond qu’il n’y paraît, et drôle.

Fotr-de-France, le 08/02/2017

R.S.

« La Fine Equipe », comédie de Magaly Richard-Serrano. Avec Annabelle Lengronne, William Lebghil, Ralph Amoussou, Jackee Toto…

Durée: 1 h 29.