— Par Yves-Léopold Monthieux —
Le drapeau aux 4 serpents est supprimé. C’est la première décision concrète prise le président de la république lors de sa récente visite à la Martinique. Elle a été prise le soir même où Victor Monlouis-Bonnaire, l’animateur du Blog MAKAKLA, a interpellé Emmanuel Macron. C’est ainsi qu’entre peut-être dans l’histoire l’homme dont la question avait fait passer quelques frissons sur les lieux de la conférence de presse, et au-delà. D’ailleurs, on n’a pas beaucoup entendu de réactions à cette décision parmi les principaux leaders politiques. A l’exception du député Serge Nilor, l’auteur d’une intervention à ce sujet à l’assemblée nationale et non suivi d’effet. Il s’est fait brûler la politesse par celui qui se considère comme un militant de la MARTINIQUE.
Le 30 juin dernier, dans un article publié sur ce site, j’écrivais qu’ « il n’est pas difficile de convaincre les Martiniquais du rejet de l’emblème aux 4 serpents. Ces animaux étant loin de bénéficier de la côte d’amour des Antillais, les détracteurs de cet insigne marchent sur du velours (…) même si l’image de ces reptiles n’a pas toujours véhiculé que des références négatives. En renvoyant cet emblème à son origine coloniale, ces contre valeurs prennent une signification politique. Et pour ceux qui veulent sa suppression, l’objectif n’est pas de substituer un emblème à un autre, mais de remplacer un drapeau régional par un drapeau national ». Peu importe que l’histoire de ces trigonocéphales, endémiques à la Martinique pour les scientifiques, introduits contre les marrons, pour d’autres, se révèle un véritable roman prêt à s’introduire dans le récit martiniquais. Il peut être chimérique de vouloir colorer les écussons des gendarmes en rouge-noir-vert.
C’est bien ce drapeau national martiniquais que les nationalistes envisagent de substituer à ce que d’aucuns et une partie de la presse nationale française nomment le « drapeau esclavagiste ». Mais en dehors de Garcin Malsa, les cris de victoire sont assez timides dans le monde dit anticolonialiste. Car la suppression du drapeau litigieux est une décision de nature régalienne qui a pris de court les partisans du drapeau rouge-vert-noir, dont ce n’est pas encore la victoire. La réponse ainsi faite à un citoyen et non aux élus renforce la portée « provinciale » de la décision. Aussi, le président de l’exécutif qui n’a pas l’air d’être accroc au « drapeau de Malsa », pourrait faire un pied de nez à ses anciens amis indépendantistes. Alfred Marie-Jeanne pourrait proposer que le logo qu’il a choisi pour la CTM devienne l’emblème de la Martinique, notamment sur une possible sollicitation du préfet. Ce choix ou tout autre emblème pourrait renvoyer aux calendes grecques l’adoption du drapeau national martiniquais.
Ainsi donc, « à l’insu de leur plein gré », Victor Monlouis-Bonnaire et Emmanuel Macron auront peut-être réussi à enlever un argument symbolique mais essentiel de la revendication anticolonialiste. Pendant ce temps, la Guadeloupe a l’air de dire que leur emblème n’est pas un drapeau esclavagiste mais un drapeau en usage à l’époque de l’esclavage. Ayant d’autres sujets de préoccupation, ils continuent d’arborer leur emblème esclavagiste brodé aux fleurs de lys. Un signe royal (venu de froid, comme on dit) beaucoup moins tropical et à une signification coloniale plus grande que les trigonocéphales, dont on dit qu’ils sont endémiques à la Martinique. Le moment n’est-il pas venu pour les historiens d’entrer piste pour éclairer les Martiniquais sur la vraie signification de ces drapeaux.
Fort-de-France, le 17 octobre 2018
Yves-Léopold Monthieux