— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Aujourd’hui , le pouvoir d’achat semble être avec la crise du Covid, la première occupation des guadeloupéens et martiniquais . C’est d’autant plus actuel que leur porte-monnaie est actuellement très touché par l’inflation. Rappelons que l’inflation, c’est la hausse générale des prix, donc la perte de valeur de la monnaie. Avec la même quantité d’argent, on peut acheter moins de biens. Pour le calculer, l’Insee contrôle mensuellement des milliers de produits pour fournir l’indice des prix . Sur ce panier, la perte de pouvoir d’achat s’élève pour la Guadeloupe à 3,3% de novembre 2020 à novembre 2021 et pour la Martinique à 3,2% sur un an . Un niveau inédit depuis dix ans. L’inflation affecte d’abord les ménages modestes. . Plus le revenu d’un ménage est faible, plus l’énergie et l’alimentation pèsent dans son budget. Et force est de constater que la crise sanitaire actuelle, ainsi que la dégradation de la conjoncture économique, provoque une hausse inexorable des prix en Guadeloupe et en Martinique . En effet, une onde de choc provoquée par l’inflation planera sur ces pays en 2022, et ce alors même que le territoire compte 34 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté. A cela s’ajoutent les difficultés croissantes des entreprises locales notamment du tourisme et du BTP pour cause de crise . Ces sociétés enregistrent des baisses de chiffre d’affaires parfois vertigineuses, faisant planer le spectre de licenciements voire même de fermetures. 13 ans après la crise sociale de 2009, et aujourd’hui avec le malaise sociétal actuel, cette hausse des prix risque de transformer la Guadeloupe et surtout la Martinique en baril de poudre, prêt à exploser en 2022. Sans surprise l’un des gros postes de dépenses à avoir augmenté est celui des produits pétroliers. L’Insee, dans sa dernière enquête, nous apprend que sur douze mois, l’inflation aux Antilles atteint en moyenne 3,1 %. La hausse de l’indice des prix est supérieure à celle mesurée pour la France entière (+2,8 %). Les prix des matières premières augmentent fortement et les prix de l’énergie sont en très forte augmentation (+ 5,9 %), du fait de la hausse des prix des produits pétroliers (+ 8,1 %). En effet, depuis le mois de juillet 2021, les prix de l’énergie augmentent fortement sur une année (+ 24,9 %). Quant à la dernière enquête de conjoncture de l’IEDOM, elle nous révèle que la trésorerie des entreprises se contracte, conséquence d’une détérioration des délais de paiement ainsi que d’une hausse du prix des matières premières et du fret . La hausse des prix et les difficultés d’approvisionnement continuent d’impacter les entreprises. Face à l’incertitude persistante qu’engendre la situation sanitaire, les chefs d’entreprise restent prudents dans leurs prévisions d’investissement. Faut-il y voir un signal d’alarme sur la reprise ?L’activité économique en Guadeloupe et en Martinique est marquée par une nette hausse des prix liée au renchérissement des coûts d’approvisionnement et des prix des matières premières. Pour autant, la consommation des ménages conserve encore une dynamique à la hausse. L’impact de la crise reste fort sur l’évolution des prix en Guadeloupe et en Martinique . Il y a encore peu de temps, la crainte d’une déflation, une baisse autoentretenue des prix et de l’activité, était sur toutes les lèvres. Aujourd’hui, c’est la grande peur de l’inflation. Une peur ressentie par les gouvernements dont la source paraît plus électoraliste qu’économique.
Aux États-Unis, la hausse des prix a atteint 7 % en rythme annuel en décembre . On peut comprendre la crispation. En France, l’inflation se situe à 2,8 % sur un an fin décembre. Hors énergie et produits alimentaires, elle atteint 2 %, un niveau faible, très loin de la situation américaine. Et pourtant, le gouvernement est en panique du fait de la hausse de la facture énergétique que les ménages ressentent fortement ces derniers mois. En particulier les plus modestes qui subissent également la montée des prix des carburants voire de la bouteille de gaz . Nonobstant cela, il faut nécessairement souligner que les hausses de prix concernent tout le monde puisque les produits dont le prix a le plus augmenté sont les produits indispensables au quotidien. En tête l’énergie, le prix du gaz, l’électricité et l’essence, mais aussi l’alimentation et certains produits manufacturés qui sont touchés de plein fouet par les pénuries de matières premières. Le gouvernement n’a pas oublié en Guadeloupe et en Martinique le traumatisme lié à la forte mobilisation sociale en 2009 contre la vie chère et les mouvements des Gilets jaunes en France hexagonale. Pour autant l’ élection présidentielle approchant … Il n’en fallait pas plus pour qu’il signe un chèque énergie, puis une indemnité inflation et bloque des prix du gaz et de l’électricité ! Dans ce dernier cas, entre la maîtrise de la hausse des prix et l’obligation de vendre son électricité moins cher à ses concurrents, EDF en sera de 15 à 16 milliards de sa poche, un « bouclier énergétique » qui ne profitera pas qu’aux plus modestes mais à tous les électeurs et les électrices…Y a-t-il des raisons de s’inquiéter d’une hausse des prix non maîtrisée ? Oui sans conteste, si l’on sait que les coûts de la construction ont énormément augmenté ces derniers mois en Guadeloupe et en Martinique . Conséquence indirecte de la crise sanitaire, les prix des matériaux s’envolent pour les constructions de logements. Cette flambée est répercutée sur les acheteurs de maisons neuves…Ainsi la flambée des prix des matériaux : « C’est 30.000 à 50.000 euros de plus sur la construction d’une maison . Par ailleurs, aussi ces derniers mois , le prix à l’achat des voitures neuves a augmenté dans des proportions telles que beaucoup de ménages n’y ont plus accès. Désormais, en Guadeloupe voire en Martinique , il faut en moyenne débourser quelque 30 000 euros pour un véhicule flambant neuf (35 % de plus qu’il y a dix ans, selon L’Argus), et l’âge médian de l’acheteur se situe au seuil de la cinquantaine. Pris en étau entre l’inflation continue des tarifs – accentuée depuis le début de la crise des semi-conducteurs – et des consommateurs dont les revenus ne suivent pas, les réseaux de distribution ne cachent plus leur inquiétude. « On atteint la limite de l’acceptabilité sociale du prix du véhicule neuf », me martèle un ami concessionnaire à Jerry. Comme pour la dette publique, il n’existe pas de niveau optimal d’inflation. Loin d’être un phénomène purement monétaire – les dernières années d’explosion des liquidités fournies par les banques centrales sans hausse des prix l’ont montré – , l’inflation est le fruit de compromis politique.
D’abord entre les créanciers et les débiteurs : quand l’inflation est plus forte que les taux d’intérêt, les débiteurs sont favorisés au détriment des rentiers, c’est le cas de la situation actuelle avec des taux d’intérêt très bas, et elle va durer. Compromis ensuite entre les salariés et les actionnaires : lorsque les prix montent et pas les salaires, les profits sont plus importants et sont, dans notre capitalisme financiarisé, davantage reversés en dividendes. De ce point de vue, selon les dernières données du ministère du Travail, le salaire de base a augmenté de 1,5 % sur un an à fin septembre 2021 tandis que les entreprises françaises étaient les plus grosses distributrices de dividendes au monde derrière les États-Unis.
La Guadeloupe tout comme la Martinique et la France hexagonale connaît une hausse des prix, réelle et sérieuse qui devrait s’accentuer en 2022, mais tout cela paraît temporaire et maîtrisée selon Bercy . Le gouvernement a raison de se préoccuper des conséquences sur le pouvoir d’achat des plus modestes qui subissent une hausse des prix sûrement supérieure à 2,8 %. S’il voulait durablement les aider, il devrait plaider pour une hausse de leurs revenus, les minimas sociaux et le Smic. Mais de cela, il n’en est pas question. Et pourtant , si apparemment les conditions semblent être donc réunies pour une crise économique et sociale d’ampleur, rien de tel ne devrait se produire en raison du discrédit des organisations syndicales qui ont désormais glissés sur la pente savonneuse du terrain politique .
Les manifestations actuelles contre l’obligation vaccinale et le pass vaccinal donnent déjà à voir la diversité des revendications, qui vont de l’opposition à ces restrictions aux théories du complot en passant par des revendications – sous-jacentes, il et vrai -, portant sur le pouvoir d’achat, la lutte contre le chômage des jeunes, ou encore la cherté de la vie. Ces manifestations peuvent-elles constituer les prémices d’un nouveau mouvement social de grande ampleur comme en 2009 ? Tous les ingrédients ne nous semblent en tout cas pas être réunis pour cela, mais des inquiétudes existent, car en 2022, l’inflation devrait s’accentuer , avec des conséquences sur le pouvoir d’achat des guadeloupéens et martiniquais, aggravées par la crise de la dette de la France qui sera provoquée par la remontée des taux d’intérêt.
“ Celui dont la pensée ne va pas loin verra ses ennuis de près.”… Confucius.
Jean-Marie Nol économiste