— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le Président Emmanuel Macron s’est entretenu récemment avec les élus ultramarins au Palais de l’Elysee pour leur parler de la différenciation et de l’autonomie comme Nicolas Sarkozy avait fait de même en son temps à Petit Bourg pendant sa mandature , et pour concrétiser la réflexion a dépêché deux émissaires en Guadeloupe.
Le Président de la République et le gouvernement sont aujourd’hui décidés à employer une nouvelle méthode sur mesure en fonction des spécificités des territoires. Ils veulent ainsi donner aux élus ultramarins des collectivités de l’océan Atlantique et de l’océan Indien à travers une certaine forme d’autonomie sous l’appellation de responsabilité locale « les marges d’action nécessaires à l’invention de solutions sur mesure » aux problèmes de mal développement économique, de sécurité alimentaire, et de vie chère, qui touchent ces territoires. Mais que cache cette nouvelle stratégie de l’État qui rompt totalement avec la politique d’assimilation institutionnelle du passé ?
Par ailleurs dans quel objectif et pour quelle perspective vouloir instaurer une TVA régionale en lieu et place du dispositif fiscal de l’octroi de mer ?
On dit souvent que l’État est maître du jeu en matière de développement économique d’une région d’outre-mer comme la Guadeloupe pour plusieurs raisons : l’État possède le contrôle de la monnaie et donc pèse lourd dans les politiques publiques , avec ses différents leviers financiers tels la caisse des dépôts et l’agence française de développement et ce sans compter les banques qui contrôlent la circulation de la monnaie en émettant des prêts, en fixant les taux d’intérêt et en influençant la politique monétaire. Par ailleurs, l’État a la maîtrise du financement de l’économie à travers les différents transferts publics et c’est encore l’État qui fournit les fonds nécessaires sous forme de distribution de la masse salariale des agents publics ( avec une sur-rémunération de 40%. ),de transfert sociaux aux ménages et subventions aux entreprises ainsi que les dotations et subventions aux collectivités locales pour investir, produire et créer des emplois. La décision d’augmenter ou de diminuer la masse monétaire en circulation ou non affecte directement la croissance économique. De plus l’État par l’intermédiaire de L’IEDOM (une émanation de la banque de France) joue un rôle crucial sur le cycle économique, car il Influence sur la politique économique à travers les banques nationales de l’hexagone qui contribuent à maintenir la stabilité financière du pays Guadeloupe en fournissant des services tels que la gestion des risques, la compensation des paiements et la liquidité du système financier.En raison de ces rôles clés, les décisions et les actions de l’État ont un impact significatif sur le développement économique de la Guadeloupe , d’où l’expression » l’État maître du jeu » et le président « maître des horloges. » Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Quelle serait la marge de manœuvre d’une gouvernance locale ?
C’est vrai que les autorités locales peuvent ainsi mettre en œuvre des politiques fiscales et budgétaires pour stimuler la demande globale, ce qui peut à son tour encourager les banques à prêter davantage pour répondre à la demande accrue.
En utilisant ces approches, les autorités locales devraient pouvoir influencer les secteurs d’activités classiques des entreprises pour favoriser le développement économique en mobilisant efficacement les ressources financières et l’épargne des Guadeloupéens à travers de fonds d’investissements tel que la SAGIPAR pour orienter les investissements vers les secteurs prioritaires.
Le particularisme et la différenciation des politiques publiques peuvent être à la fois une chance et un obstacle pour la Guadeloupe en fonction de la manière dont ils sont mis en œuvre et perçus. Voici quelques points à considérer :
– Chances….
*Adaptation aux besoins locaux : Les politiques publiques différenciées permettent d’adapter les mesures aux besoins spécifiques de la Guadeloupe, tenant compte de ses particularités économiques, sociales et culturelles.
*Renforcement de l’identité locale : Une approche différenciée peut contribuer au renforcement de l’identité guadeloupéenne en reconnaissant et en valorisant ses spécificités culturelles et historiques.
*Promotion du développement local : Des politiques adaptées peuvent favoriser le développement économique et social de la Guadeloupe en stimulant des secteurs clés tels que le tourisme culturel et durable, l’agriculture locale ou les industries agroalimentaires.
– Obstacles….
*Fragmentation et inefficacité : Trop de particularisme peut conduire à une fragmentation des politiques publiques et à une inefficacité dans la gestion des ressources, en créant des doublons ou en limitant la coordination entre les différentes entités administratives qui conduit à une certaine forme d’impuissance. La mise en œuvre de politiques différenciées avec la France hexagonale peut entraîner une complexité administrative accrue, ce qui peut rendre plus difficile le financement de l’économie à travers les différents transferts publics et la compréhension et l’accès aux services publics pour les citoyens et les entreprises.
*Risque d’une augmentation des sentiments identitaires et séparatistes car une trop grande différenciation des politiques publiques pourrait alimenter le sentiment d’isolement ou de marginalisation vis-à-vis de l’État central qui in fine détiendrait seul les cordons de la bourse avec le risque d’asphyxier financièrement le territoire en cas de crise des finances publiques.
En conclusion, la mise en place de politiques publiques différenciées en Guadeloupe peut offrir des opportunités de développement et de renforcement de l’identité locale, mais elle comporte également des défis en termes de coordination avec la Martinique et la Guyane , d’inefficacité dans la gestion des nouvelles compétences dévolues par l’État en raison d’une instabilité financière accrue avec la réduction de la dépense publique. La clé réside dans la recherche d’un équilibre entre la prise en compte d’une gouvernance spécifique locale et la préservation de l’unité dans le droit commun et de la cohésion nationale. Certes, des institutions solides contribuent à renforcer la gouvernance purement locale , à réduire la corruption et à promouvoir la transparence, ce qui est essentiel pour attirer les investissements et favoriser le développement économique. De même un renforcement des capacités institutionnelles, y compris la formation du personnel, le développement des compétences et l’amélioration des processus de prise de décision, peut aider à améliorer l’efficacité et l’efficience des institutions publiques en Guadeloupe. L’expression « utiliser la force de l’adversaire c’est à dire l’autre partenaire joueur sur l’échiquier » fait référence à la stratégie consistant à exploiter les actions ou les énergies de son adversaire à son propre avantage. Plutôt que de s’opposer directement à la force de l’adversaire, on cherche à la rediriger ou à l’utiliser de manière à obtenir un avantage tactique ou stratégique. C’est souvent associé à des arts martiaux ou à des situations de conflit où la finesse et la stratégie sont préférables à une confrontation directe.
En résumé, un changement des institutions peut jouer un rôle crucial dans le développement économique de la Guadeloupe à condition de susciter au préalable un nouveau modèle économique et social de manière à créer un environnement propice à l’investissement de l’épargne des Guadeloupéens, à la croissance durable et à l’amélioration du bien-être des populations locales, mais nous le répétons de nouveau sous condition d’un changement préalable du modèle de consommation actuel au profit d’un modèle de production de type semi-industriel.
» Èvè pasyans ou ka vwè lonbrik a pis. »
– traduction littérale : Avec de la patience on voit le nombril d’une puce.
– moralité : Il faut savoir être patient pour parvenir à ses fins. / La patience nous aide à mieux voir les choses !
Jean marie Nol économiste