Avant-propos
Cet ouvrage nait de la volonté de porter une contribution à l’analyse des caractères de la société martiniquaise qui ont conduit à la destruction des statues de Victor Schœlcher le 22 mai 2020. Il existe également dans le but d’apporter un éclairage sur les significations profondes des réactions de désapprobation de ces actes, publiées le jour même ainsi que les jours suivants.
Cet ouvrage s’est écrit dans le contexte des sentiments contradictoires qu’ont provoqué la rencontre de ces événements du 22 mai en Martinique avec l’indigne assassinat de George Floyd le 25 mai. La vague sans précédent de destruction de symboles et monuments racistes et coloniaux que ces deux événements ont déclenchée mêlait l’incrédulité et l’espoir à l’indignation.
La destruction de ces statues et l’assassinat de George Floyd ont déclenché des actions qui indiquent que les peuples commencent à repenser le Monde Atlantique au moyen d’autres savoirs que ceux fabriqués par la culture coloniale.
Cette démarche que nous analysions dans l’ouvrage intitulé Penser et repenser le postcolonial dans le Monde Atlantique, publié en 2018, connait donc une accélération qui résulte premièrement de la mobilisation des personnes racisées, Africain•e•s en diaspora, mais également de celles de femmes et d’hommes et non-racisés. Ainsi ces deux événements ont permis une forme de convergence des Histoires et des mémoires dans le cadre du mouvement « Black Lives Matter ». Une dynamique tout aussi inattendue de réparations s’est installée et s’est manifestée dans les initiatives d’institutions, mais aussi de personnes non-racisées pour transformer leurs sociétés en mettant en œuvre des actions concrètes en vue de la réparation des violences et des discriminations pluriséculaires envers les personnes d’ascendance africaine.
Cette dynamique de réparations venant de la société civile se construit sur la fabrication et la circulation de savoirs décolonisés. Ce constat nous incite à continuer à créer les conditions de la fabrication des savoirs nécessaires à la transformation sociale réparatrice dont toutes les sociétés de l’espace Atlantique ont besoin.
C’est d’ailleurs l’objectif premier du projet de recherche international que nous menons avec des chercheur•e•s de provenances aussi diverses que la Hongrie et le Pakistan et qui se concrétise par la publication des ouvrages Littérature et arts postcoloniaux dans l’émergence civilisationnelle caribéenne, et Pensée, pratiques et poétiques postcoloniales contemporaines et Critical Perspectives on Conflict in Caribbean Societies of the Late 20th and Early 21st Centuries.
La fabrication de savoirs pour transformer les sociétés nécessite d’identifier et de reconnaitre les conflits qui habitent ces dernières. Le présent ouvrage poursuit également l’examen du conflit avec l’Histoire officielle examiné dans la publication Critical Perspectives on Conflict in Caribbean Societies of the Late 20th and Early 21st Centuries. En effet, dans un chapitre intitulé « Of Naked Body and Beheaded Statue : Performing Conflicting History in Fort-de-France » la professeure martiniquaise Anny Dominique Curtius analyse une performance réalisée par l’artiste Sarah Trouche en 2012. Cette dernière avait fouetté la statue de Joséphine de Beauharnais se trouvant place de la Savane à Fort-de-France. Anny Dominique Curtius réexamine ainsi la Avant-propos
Cet ouvrage nait de la volonté de porter une contribution à l’analyse des caractères de la société martiniquaise qui ont conduit à la destruction des statues de Victor Schœlcher le 22 mai 2020. Il existe également dans le but d’apporter un éclairage sur les significations profondes des réactions de désapprobation de ces actes, publiées le jour même ainsi que les jours suivants.
Cet ouvrage s’est écrit dans le contexte des sentiments contradictoires qu’ont provoqué la rencontre de ces événements du 22 mai en Martinique avec l’indigne assassinat de George Floyd le 25 mai. La vague sans précédent de destruction de symboles et monuments racistes et coloniaux que ces deux événements ont déclenchée mêlait l’incrédulité et l’espoir à l’indignation.
La destruction de ces statues et l’assassinat de George Floyd ont déclenché des actions qui indiquent que les peuples commencent à repenser le Monde Atlantique au moyen d’autres savoirs que ceux fabriqués par la culture coloniale.
Cette démarche que nous analysions dans l’ouvrage intitulé Penser et repenser le postcolonial dans le Monde Atlantique, publié en 2018, connait donc une accélération qui résulte premièrement de la mobilisation des personnes racisées, Africain•e•s en diaspora, mais également de celles de femmes et d’hommes et non-racisés. Ainsi ces deux événements ont permis une forme de convergence des Histoires et des mémoires dans le cadre du mouvement « Black Lives Matter ». Une dynamique tout aussi inattendue de réparations s’est installée et s’est manifestée dans les initiatives d’institutions, mais aussi de personnes non-racisées pour transformer leurs sociétés en mettant en œuvre des actions concrètes en vue de la réparation des violences et des discriminations pluriséculaires envers les personnes d’ascendance africaine.
Cette dynamique de réparations venant de la société civile se construit sur la fabrication et la circulation de savoirs décolonisés. Ce constat nous incite à continuer à créer les conditions de la fabrication des savoirs nécessaires à la transformation sociale réparatrice dont toutes les sociétés de l’espace Atlantique ont besoin.
C’est d’ailleurs l’objectif premier du projet de recherche international que nous menons avec des chercheur•e•s de provenances aussi diverses que la Hongrie et le Pakistan et qui se concrétise par la publication des ouvrages Littérature et arts postcoloniaux dans l’émergence civilisationnelle caribéenne, et Pensée, pratiques et poétiques postcoloniales contemporaines et Critical Perspectives on Conflict in Caribbean Societies of the Late 20th and Early 21st Centuries.
La fabrication de savoirs pour transformer les sociétés nécessite d’identifier et de reconnaitre les conflits qui habitent ces dernières. Le présent ouvrage poursuit également l’examen du conflit avec l’Histoire officielle examiné dans la publication Critical Perspectives on Conflict in Caribbean Societies of the Late 20th and Early 21st Centuries. En effet, dans un chapitre intitulé « Of Naked Body and Beheaded Statue : Performing Conflicting History in Fort-de-France » la professeure martiniquaise Anny Dominique Curtius analyse une performance réalisée par l’artiste Sarah Trouche en 2012. Cette dernière avait fouetté la statue de Joséphine de Beauharnais se trouvant place de la Savane à Fort-de-France. Anny Dominique Curtius réexamine ainsi la querelle des Caribéens et Caribéennes avec l’Histoire qu’Edward Baugh avait analysée en 1977 dans un article marquant, intitulé The West Indian Writer and his Quarrel with History.
Introduction
La réflexion menée dans cet ouvrage se veut une réponse antithétique aux critiques formulées par quelques-uns de ceux et celles qui, en Martinique, ont dénoncé et condamné la destruction de deux statues de Victor Schœlcher survenues le 22 mai 2020. Elle ambitionne de fournir un argumentaire à ceux et celles qui souhaitent agir en vue de faire avancer question des réparations en Martinique et dans le Monde Atlantique.
Cette réflexion se penche, en premier lieu, sur la signification qu’il est possible de donner au renversement et la destruction des statues de Victor Schœlcher en Martinique le 22 mai 2020. Elle examine, dans un deuxième temps quelques-uns des aspects du contexte immédiat martiniquais et international dans lequel surviennent ces actions.
Elle offre ensuite une analyse de ce que révèlent sur la Martinique les toutes premières réactions hostiles à cette destruction des statues de Victor Schœlcher. Cette analyse met en lumière les mythes au sujet de l’Histoire (en tant que discipline) sur lesquels ces réactions font reposer leurs points de vue. Elle présente les enjeux stratégiques relatifs à la mémoire collective, à la mémoire publique et aux monuments pour démontrer que ces réactions expriment la loyauté de leurs auteurs envers la culture officielle française et les détenteurs du pouvoir (en France et en Martinique).
De plus, cette étude démontre l’atteinte afrophobe aux droits culturels des Martiniquais•e•s que constitue le monolithisme mémoriel dénoncé par ces actes.
Elle révoque ensuite à l’accusation d’essentialisme noiriste que contiennent ces réactions. Elle propose alors, une invalidation des concepts, paradigmes et savoirs sur lesquels repose la pensée de ceux et celles qui ont été les premier•ère•s à condamner ces actes : afrophobie, ethnocentrisme, assimilation, universalisme. Elle démontre notamment que ces réponses témoignent de l’ethnocentrisme français de nombre de Martiniquais•e•s, d’une classe politique héritière des contradictions du Schœlchérisme et de l’assimilationnisme. Elle pointe notamment une situation de violence symbolique qui résulte elle-même de ce monolithisme mémoriel. Elle argumente également que ces actes offrent une opportunité de libérer la Martinique de la pensée colonialiste de l’universalisme et qu’il est nécessaire de revisiter une épistémologie reposant sur « la structuration coloniale raciste et sexiste du savoir depuis l’époque moderne ».
Cette réflexion indique ensuite quelques-uns des savoirs nouveaux qui permettent de penser de manière plus juste la réalité des rapports sociaux. Elle révèle les enjeux et perspectives de la reconnaissance par les institutions internationales du racisme structurel anti-africain de l’afrophobie, de la traite et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité, et du colonialisme européen comme une action répréhensible.
Elle aboutit à l’articulation de la nécessité d’un tournant qui consisterait à postcolonialiser la haute culture et décoloniser l’université pour fabriquer autrement les savoirs en vue de la construction d’un nouveau lien social dans le Monde Atlantique.
Cette réflexion se termine par une présentation de quelques-uns des savoirs nouveaux qui établissent un agenda de la transformation sociale réparatrice que doivent mener toutes les sociétés de l’espace atlantique : racisme structurel anti-Africain, afrophobie, traite et esclavage crimes contre l’humanité ; Introduction
La réflexion menée dans cet ouvrage se veut une réponse antithétique aux critiques formulées par quelques-uns de ceux et celles qui, en Martinique, ont dénoncé et condamné la destruction de deux statues de Victor Schœlcher survenues le 22 mai 2020. Elle ambitionne de fournir un argumentaire à ceux et celles qui souhaitent agir en vue de faire avancer question des réparations en Martinique et dans le Monde Atlantique.
Cette réflexion se penche, en premier lieu, sur la signification qu’il est possible de donner au renversement et la destruction des statues de Victor Schœlcher en Martinique le 22 mai 2020. Elle examine, dans un deuxième temps quelques-uns des aspects du contexte immédiat martiniquais et international dans lequel surviennent ces actions.
Elle offre ensuite une analyse de ce que révèlent sur la Martinique les toutes premières réactions hostiles à cette destruction des statues de Victor Schœlcher. Cette analyse met en lumière les mythes au sujet de l’Histoire (en tant que discipline) sur lesquels ces réactions font reposer leurs points de vue. Elle présente les enjeux stratégiques relatifs à la mémoire collective, à la mémoire publique et aux monuments pour démontrer que ces réactions expriment la loyauté de leurs auteurs envers la culture officielle française et les détenteurs du pouvoir (en France et en Martinique).
De plus, cette étude démontre l’atteinte afrophobe aux droits culturels des Martiniquais•e•s que constitue le monolithisme mémoriel dénoncé par ces actes.
Elle révoque ensuite à l’accusation d’essentialisme noiriste que contiennent ces réactions. Elle propose alors, une invalidation des concepts, paradigmes et savoirs sur lesquels repose la pensée de ceux et celles qui ont été les premier•ère•s à condamner ces actes : afrophobie, ethnocentrisme, assimilation, universalisme. Elle démontre notamment que ces réponses témoignent de l’ethnocentrisme français de nombre de Martiniquais•e•s, d’une classe politique héritière des contradictions du Schœlchérisme et de l’assimilationnisme. Elle pointe notamment une situation de violence symbolique qui résulte elle-même de ce monolithisme mémoriel. Elle argumente également que ces actes offrent une opportunité de libérer la Martinique de la pensée colonialiste de l’universalisme et qu’il est nécessaire de revisiter une épistémologie reposant sur « la structuration coloniale raciste et sexiste du savoir depuis l’époque moderne ».
Cette réflexion indique ensuite quelques-uns des savoirs nouveaux qui permettent de penser de manière plus juste la réalité des rapports sociaux. Elle révèle les enjeux et perspectives de la reconnaissance par les institutions internationales du racisme structurel anti-africain de l’afrophobie, de la traite et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité, et du colonialisme européen comme une action répréhensible.
Elle aboutit à l’articulation de la nécessité d’un tournant qui consisterait à postcolonialiser la haute culture et décoloniser l’université pour fabriquer autrement les savoirs en vue de la construction d’un nouveau lien social dans le Monde Atlantique.
Cette réflexion se termine par une présentation de quelques-uns des savoirs nouveaux qui établissent un agenda de la transformation sociale réparatrice que doivent mener toutes les sociétés de l’espace atlantique : racisme structurel anti-Africain, afrophobie, traite et esclavage crimes contre l’humanité ; nature criminelle du colonialisme européen. Elle offre, de plus, une lecture des nouvelles modalités de la fabrication et de la circulation des savoirs en vue de la réparation des dégâts matériels et moraux du colonialisme.
Ce propos se conclut par une présentation de la démarche qui préside à la fabrication des savoirs nécessaire à la réparation des dégâts matériels et moraux de l’esclavagisme et du colonialisme et à l’établissement d’une véritable interculturalité.
La réflexion menée dans cet ouvrage est complétée par deux sections annexes. La première consiste en un compte rendu de lecture de l’ouvrage Réparations : une exigence urgente pour l’humanité, publié en avril 2020 par le Mouvement International pour les Réparations de Martinique. La seconde présente le positionnement à partir duquel s’articule la réflexion présentée dans cet ouvrage.
Lire aussi : Martinique : Histoire & Mémoire, statues de Schœlcher et de quelques autres…
CARACTÉRISTIQUES DÉTAILLÉES
Auteur
Rodolphe Solbiac
Editeur
L’harmattan
Date de parution
06/11/2020
Collection
Questions Contemporaines
EAN
978-2343211312
ISBN
2343211310
Illustration
Pas d’illustrations
Nombre de pages
272
Format
13 x 22