— Par Huguette Bellemare et George Arnauld, Membres de l’association féministe Culture Égalité —
Le combat pour la parité a arraché en France, depuis une quinzaine d’années, quelques avancées, même si nous les jugeons encore insuffisantes. Nos machistes ont bien été obligés de reculer sous la lutte des partisanes et partisans de l’égalité des droits politiques entre hommes et femmes. Dans les élections municipales (et ceci a été récemment élargi aux communes de 1000 à 3000 habitants) ainsi que dans les conseils régionaux, on a acté des listes paritaires (un homme/une femme). On a obtenu aussi que les bureaux des municipalités alternent les postes d’adjoints à parité entre les hommes et les femmes. Ce sont des progrès appréciables.
La parité dans nos communes?
Nos combats sont ils terminés ? L’étude des trois différents bureaux des Communautés des communes est édifiante.
Sur 15 membres, celui de l’Espace Sud comporte 4 femmes, et celui de la CACEM 3! Soit 1 femme sur 5 pour la CACEM, donc 20% de femmes et 80% d’hommes! Le ratio est un tout petit peu plus favorable à l’Espace Sud, sans toutefois atteindre 30% de femmes! En outre, il est très intéressant aussi d’étudier le rang des femmes dans ces 2 bureaux : à l’Espace Sud, la première est à la 3e place, mais les trois autres sont reléguées aux 11e, 12e, 13e places! A la CACEM, elles sont aux 8e, 9e et 10e places! C’est-à-dire au bas de la liste. Plus stupéfiant encore! Dans ces deux bureaux, elles arrivent en tir groupé, en pavé, comme si elles ne sont pas là pour leurs propres compétences et mérites individuels, mais pour donner le change et se situer dans le politiquement correct, pour sacrifier à la parité, et… fermer la bouche aux revendications féministes, aux revendications des femmes! On dirait qu’après avoir placé les hommes compétents et volontaires, on a fini de « remplir » la liste avec ce qu’on a l’air de considérer comme du « tout-venant » , des « bouche-trous » !
Au Cap Nord, par contre, on n’a même pas cette hypocrisie qui est, après tout, l’hommage du vice à la vertu, ou du patriarcat à la parité. Non, là, on fait beaucoup plus fort : il n’y a aucune femme au bureau! Comment croire qu’il n’existe aucune femme assez compétente et dévouée pour s’occuper des affaires communautaires dans cet espace… où il y a justement les deux seules mairesses de la Martinique ?
Comme la loi française n’impose pas la parité pour les communautés de communes, eh bien, on campe gaillardement dans les pratiques rétrogrades de mépris à l’égard des femmes.
Ces bureaux exclusivement masculins, ou presque, confirment le constat que plus on monte dans la hiérarchie des responsabilités, plus les femmes se raréfient. Ils confirment aussi que, sans la contrainte de la loi, il ne faut pas compter sur la seule bonne volonté des privilégiés du patriarcat pour respecter les droits des opprimé-e-s.
Le refus de la parité est cynique et contre-productif
Ce refus de confier des responsabilités communautaires aux femmes est injuste, immoral et infondé, car celles-ci démontrent tous les jours leurs compétences dans de nombreux domaines (économique, associatif, familial…) ainsi que leur capacité à s’intéresser et à se consacrer aux affaires publiques.
En outre, la population de la Martinique a clairement voté pour le progrès et la démocratie en plébiscitant des listes paritaires. En ignorant le choix des Martiniquaises et des Martiniquais, ces hommes politiques démontrent leur machisme et le mépris qu’ils ont pour leur électorat.
Leur comportement est non seulement méprisant, mais aussi profondément cynique, car ils n’hésitent pas à solliciter la participation des femmes lorsqu’ils ont besoin de leurs voix aux élections, par exemple.
Ce comportement contrevient à la Déclaration universelle des droits de l’Homme – nous préférons dire des « droits humains » – qui stipule que « Toute personne a droit à accéder, dans les conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. »
Il est contre-productif, car il prive la société de 52% de ses compétences. Et cela est particulièrement dommageable pour les communautés de communes puisqu’elles s’occupent de l’aménagement de l’espace, donc des transports urbains et de l’habitat, domaines qui concernent particulièrement les femmes du fait de la place et du rôle qui leur sont impartis par la société.
Enfin et surtout, il est dangereux, parce qu’il entretient et renforce les préjugés et stéréotypes sexistes si préjudiciables à la paix sociale et à des relations harmonieuses entre les sexes.
Bien sûr, certains peuvent penser que les femmes sont les premières à incriminer, car elles manqueraient d’ambition et de confiance en elles! Des siècles de domination masculine et de conditionnement social ont certes généré une défiance des femmes envers leurs capacités, mais partout dans le monde, elles relèvent la tête et ne veulent plus être des humains de seconde zone, exclus des sphères du pouvoir. Madame Casimirius, mairesse nouvelle élue de Basse-Pointe, a d’ailleurs vivement protesté contre cette exclusion des femmes.
Que faire?
Citoyens et citoyennes, interpellez vos représentants pour que désormais ils respectent vos choix de démocratie. Femmes élues, notre association Culture Égalité vous soutient dans cette lutte pour le respect de votre statut d’élue et pour que, malgré les lacunes de la loi française, la parité soit appliquée à tous les niveaux afin que notre pays aille dans le sens de la modernité et de la démocratie.
Hommes élus, refusez toute discrimination! C’est par une politique volontariste que nous pourrons mettre fin à cet apartheid et donner aux représentants des deux moitiés de la société la chance de construire l’avenir pour le plus grand bien de toutes et tous.
Sinon, peut-on parler de démocratie ?
Huguette Bellemare et George Arnauld Membres de l’association féministe Culture Egalité