— Par Nicolas Seydoux —
Prendre des mesures symboliques ne nous aidera pas à vaincre l’idéologie du djihad. La République doit plutôt déradicaliser ses citoyens qui ont basculé dans le fanatisme
Honte sur nous qui avons élu directement un président de la République, des députés et indirectement des sénateurs qui s’apprêtent à voter la déchéance de la nationalité française.
Dans notre histoire, hélas, un Etat de fait a appliqué cette mesure et c’est un général déchu de notre nationalité qui a restauré notre honneur et notre dignité. Cet Etat de fait, élu par une grande majorité de croupions, ne représentait pas la France. Pour le général de Gaulle, pour d’autres et pour moi, la France était à Londres, à Bir Hakeim, à Koufra, dans les maquis ou dans les geôles des nazis.
Certains, comme Stéphane Courtois (Le Figaro, 9 janvier), vont jusqu’à prétendre que la déchéance de nationalité serait une » tradition républicaine « . Oui, celle de cette République qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
La déchéance de nationalité est un symbole – nous dit-on –, la mesure ne sera jamais, ou presque jamais appliquée.
Symbole, comme le drapeau, comme la devise, dont on pourrait enlever un morceau ? Il ne suffit pas que l’idée originale provienne du Front national – connu pour donner de mauvaises réponses à de vrais problèmes – pour qu’elle soit indigne. Mais elle devrait au moins être analysée au microscope, même si le » mal voyant » que je suis décrypte tout.
Où sont l’honneur, la dignité, le respect de soi, sinon des autres ? Aucune démission n’intervient au sein du gouvernement quand on imagine les cris d’orfraie qu’aurait provoqués une telle mesure si Nicolas Sarkozy l’avait soumise au vote !
Que la droite républicaine, à l’image d’Alain Juppé, se reprenne, se rappelant certains des grands hommes qui l’ont illustrée, pour affirmer qu’elle votera la réforme de la Constitution seulement si cette mesure est abandonnée.
A qui fera-t-on croire que la perte de nationalité transforme un terroriste en mouton, et que, redevenu étranger, il sera moins dangereux ? A personne. La France décide donc, en notre nom, d’exporter ses terroristes qui sont nôtres puisqu’ils sont français.
Investir et s’investir
Nous n’avons pas su, pas voulu regarder en face certains problèmes. Au nom de la laïcité, brandie comme une oriflamme, on ferme les yeux et on se bouche les oreilles devant les imams intégristes qui fleurissent dans les lieux de détention qui, au lieu de remettre les dévoyés dans le droit chemin, accentuent leur déviance.
La République doit investir, doit s’investir avec les responsables français de l’islam pour s’assurer qu’aucun enseignement contraire aux lois de la République ne puisse être dispensé où que ce soit, à commencer par les lieux financés par la République, comme les prisons. La République, avec tous les moyens de droit, doit déradicaliser les terroristes potentiels.
La majorité de la population serait favorable à la mesure… comme elle était pétainiste de 1940 à 1944, et plus tard opposée à l’abolition de la peine de mort, décision sans doute la plus symbolique de la présidence de François Mitterrand.
Qui peut croire à l’efficacité de la mesure ? Pour l’être, elle devrait être préventive. Je fais confiance à la justice pour ne condamner à la déchéance de la nationalité que ceux qui auront effectivement accompli un acte terroriste. Les faits prouvent qu’il y a peu de survivants parmi eux.
Inefficace, donc inutile
Inefficace, la mesure est donc inutile. Existe-t-il une autre branche de l’alternative ? Les tribunaux pourraient condamner à la déchéance de nationalité un présumé terroriste ? Je ne crois pas à cette hypothèse dans la France de 2016. Mais si un autre pouvoir, avec des tribunaux d’exception à sa dévotion, voyait le jour, ce serait possible. Le calice serait alors bu jusqu’à la lie.
Nous sommes en guerre. La génération de mes grands-parents a fait la guerre de 1914-1918, celle de mes parents celle de 1939-1945, la mienne celle d’Algérie. Quel que soit le jugement qu’on porte sur l’effroyable massacre et les horreurs de la première guerre mondiale, les Français ont été à la hauteur de leur culture, de leur Histoire et des valeurs que porte leur pays. Vichy, avec son atroce ballet de délations et de dénonciations faites par des » bons Français « , est une tache indélébile sur notre Histoire, comme la torture en Algérie.
La déchéance de nationalité votée par la République, qui n’a l’excuse ni de la botte de l’occupant ni d’une longue guerre fratricide de décolonisation, serait au niveau de ces infâmes vilenies, et nous en porterions tous la responsabilité. Persister serait la victoire des terroristes qui, après avoir meurtri notre chair, pourriraient notre âme. Il est temps de se ressaisir pour gagner la guerre dans le respect de nos valeurs.
Par Nicolas Seydoux