La déambulation « Fanm an lari Foyal » du 30 septembre

— Par Nathalie Delbois de Culture Égalité —

« Ce circuit  devrait être proposé de façon pérenne  aux  gens d’ici et à ceux venant d’ailleurs ! »

C’est ce que je me suis dit en découvrant ce samedi 30 septembre 2023 la déambulation proposée par l’association féministe Culture Egalité. En effet,  je ne me doutais pas que Fort de France renfermait  en ses rues des lieux si chargés d’histoire,  animés par des personnalités si marquantes de la société Martiniquaise.  Il faut parcourir les rues que les lieux prennent vie et parlent .

 Cinq arrêts, cinq rues ou bâtiments  hantés  par d’illustres femmes, insuffisamment (re)connues.

Rendez-vous au Carénage sur le port. Le  temps est gris, personne à part nous, déambulateurs et déambulatrices. Des éclats de voix. Deux  femmes sont là. Ce sont des lingères, des charbonnières . Elles lavent. Et elles livrent  le charbon pour les paquebots. Les voilà qui s’exclament et s‘interrogent sur leurs  vies de labeur et de combats incessants. Et pourtant  « nous contribuons à la richesse du pays », s’indignent-elles ! Ces travailleuses sorties du silence ont enfin  une voix – Magie du théâtre !

Nous quittons le port, passons devant la Bibliothèque Schœlcher pour  rejoindre le Pavillon Bougenot. Savions -nous qu’ il était  le haut lieu de la censure à l’époque de l’Amiral Robert ? Trois comédiennes y incarnent  le courage  intellectuel et  la résistance de Suzanne Roussi Césaire, co-fondatrice de la revue Tropiques, face au régime d’occupation vichyste de l’Amiral Robert. Puis elles font revivre la vision universaliste de Suzanne qui s’oppose au doudouisme. Le  « Tout-monde » d’Edouard Glissant n’est-il pas de cette même veine universaliste ?

Nouvel arrêt, rue Joseph Compère, devant  un grand bâtiment blanc, aujourd’hui désaffecté, qui fut une loge maçonnique dans les années 30. On passe en général devant cet immeuble sans se douter que  Claude Carbet (Olympe Tricot, de son nom de naissance), compagne assumée de Marie-Magdeleine Carbet (née Anna Marie-Magdeleine), y a tenu un discours mémorable et avant-gardiste sur « la place de la femme dans la société ».  Un discours  toujours d’actualité. 5 comédiennes  dans une tribune imaginaire nous en  livrent la saisissante modernité.

Puis, en compagnie des  sœurs Nardal  (ou plutôt de leurs interprètes !), nous  traversons la ville  pour arriver à la Place consacrée à l’aînée, Paulette. Le cercle des 7 sœurs se forme : journaliste, musicienne, professeur, sage-femme…  Leurs mots tambourinent et scandent leur militantisme pour la cause noire, leur fierté d’être noires. Paulette Nardal  et sa sœur Jane avaient  cofondé à Paris la Revue du monde Noir dans les années 30, ouvrant plus tard la voie au concept de la Négritude.

Notre déambulation matrimoniale se termine rue Bolivar, sur la Place Toto Bissainthe, en contrebas du quartier Trénelle. Un chœur de femmes – en majesté par leur âme,  leurs tenues vestimentaires et leur maré tèt – entament Rasanbleman, un chant où se mêlent peine et  espoir, si beau que les frissons me gagnent. « Libèté Ayiti ! » nous reprenons tout.es ensemble le refrain du chant de Toto Bissainthe, Haïtienne qui fut chanteuse, compositrice , comédienne et militante pour la cause de son peuple.

Merci Culture Egalité, pour cette déambulation matrimoniale, pour cette féconde exploration dans la capitale, pour la mise en lumière de ces femmes « libres, autonomes et solidaires »,  inventives et  résistantes dans la cité, dans la société, dans et pour le monde. Merci à Rita Ravier et ses comédiennes, à Sarah-Corinne Emmanuel et ses élèves de Lawonn Chanté, d’avoir prêté à cet hommage leur concours et leurs voix si justes et si revigorantes.

 Nathalie DELBOIS