— Par Janine Bailly —
Le flamenco est d’abord un genre musical, puis une danse datant du XVIIIe siècle, et qui à l’origine se dansait seul. En tant que néophyte, je connaissais essentiellement le flamenco interprété par des duos de danseurs homme-femme, plus spectaculaire et plus facile d’accès, danse cérémonielle au cours de laquelle les protagonistes se tiennent par la force du regard et se défient sur le mode de l’agressivité, créant ainsi une sorte de compétition passionnelle, émotionnelle et sexuelle.
Au théâtre Aimé Césaire, ce ne fut pas à ce spectacle-là que le groupe Revoleo, fondé par Luis de la Carrasca, nous avait conviés en cette fin de semaine, les duos ayant en effet été l’exception, et le « maître » ayant lui-même précisé que l’idée était de « revisiter des palos peu connus ou peu interprétés » (palos : chants).
Il m’a donc été donné de découvrir un nouvel aspect de la culture espagnole, et si je fus d’abord déconcertée de ne pas retrouver mes repères, bien vite je me suis laissée convaincre par la fougue des solos, la passion communicative des danseurs, l’agilité démoniaque des pieds de la bailaora Ana Pérez, l’enthousiasme et la force de conviction du bailaor Kuky Santiago.
Bailaora et bailaor m’ont emportée dans le tourbillon d’une jupe fleurie autant que « volantée », tous deux donnant vie aux mots chantés par le cantaor, tous deux joignant, à la grâce, à la noblesse et à la dignité du corps, la folie d’un rythme obsédant marqué par les claquements sonores des pieds et des mains (les palmas).
Mais il y eut aussi les visages si fiers, si mobiles, en charge d’exprimer toutes les émotions qui traversent l’âme humaine et de parcourir toute la palette des sentiments, de la joie à la souffrance, du bonheur souriant à la tragédie drapée dans son noir costume de scène.
Mais rien n’eût été sans la musique, guitare, percussions et voix, voix vibrante, voix émouvante dans sa puissance et ses vibratos comme dans ses moments de plus grande discrétion.
Le flamenco, c’est encore le domaine de l’improvisation personnelle, et nous en eûmes un petit échantillon en finale, lorsque, tout le groupe réuni au devant de la scène, les musiciens ayant délaissé leurs instruments s’essayèrent pour nous à quelques pas de danse sur la voix seule de Luis de la Carrasca. L’on retrouvait ainsi un flamenco d’origine puisque ce dernier consistait en un simple chant a cappella.
Une soirée différente est venue ainsi conclure l’année au « petit théâtre », de façon originale et lumineuse, ce qui préfigure peut-être une belle Fête de la Musique 2015 à Fort-de-France ?
Janine Bailly, Fort-de-France, le 15 juin 2015