— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Dans le tumulte des crises économiques, financières, sociales et environnementales qui secouent notre monde, il est pourtant une crise souvent ignorée des Antilles, pourtant omniprésente et insidieuse, c’est celle de la crise invisible de la géopolitique du conflit entre l’Iran et Israël et celle de la dette corrélée à la réduction de la dépense publique qui nous poussera à remettre en question notre mode de vie. Ces crises transcendent les frontières nationales, les différences culturelles et les clivages idéologiques ainsi que politiques. L’Iran est accusé d’avoir planifié une attaque de drones contre Israël. Mais une attaque de la république islamique sur l’État hébreu pourrait provoquer une grave crise énergétique avec un embrasement de la région du golfe, riche en pétrole et gaz naturel, dont les cours pourraient bondir de près de 20%. Le chef-économiste du FMI a rappelé qu’une hausse de 20 dollars des prix du pétrole, si elle était persistante, pouvait entraîner une perte de 0,30 point de pourcentage de PIB au niveau mondial. Étant donné que le pétrole est une ressource essentielle utilisée dans de nombreux secteurs de l’économie, une augmentation de son prix peut entraîner une hausse généralisée des coûts de production, ce qui peut à son tour entraîner une flambée inflationniste qui touchera les Antilles.
Une guerre dans la région va vraisemblablement perturber les échanges commerciaux et avoir un impact négatif sur l’économie française et par la bande sur la Guadeloupe. Par ailleurs, les tensions géopolitiques vont entraîner une volatilité sur les marchés financiers mondiaux, ce qui peut avoir un impact sur les investissements et la confiance des investisseurs. Ces crises à répétition nous concerne tous, de près ou de loin, et exige une introspection collective sur nos valeurs, nos priorités et nos comportements. Des signes avant-coureurs de mal être se manifestent déjà en Guadeloupe, et cette dernière va être confrontée demain à des défis économiques et sociaux majeurs qui exigent une réflexion prospective profonde et une action concertée pour son avenir. Les fondements traditionnels de son économie, tels que l’agriculture et le tourisme, sont mis à rude épreuve, confrontés à une série de défis complexes qui nécessitent une réévaluation de son actuel modèle économique et social. Les planteurs de canne à sucre et de bananes, autrefois les piliers de l’économie agricole de l’île, se retrouvent dans une situation financière précaire. Les pressions économiques, les fluctuations des prix sur les marchés mondiaux et les défis liés au changement climatique ont rendu leur activité de plus en plus difficile et non rentable. Face à cette réalité, il est impératif de maintenir le niveau des subventions et trouver des solutions innovantes au niveau d’une nouvelle répartition financière de l’enveloppe des fonds européens POSEI pour soutenir et revitaliser le secteur agricole, en investissant dans des pratiques durables, en diversifiant les cultures et en facilitant l’accès de nos produits locaux aux marchés internationaux de la zone. De même, le secteur du tourisme, longtemps considéré comme le moteur de l’économie guadeloupéenne, est confronté à de nouveaux défis. La montée en puissance des gîtes et des locations de vacances, combinée à la hausse des prix des billets d’avion, a eu un impact sur le tourisme hôtelier traditionnel. Pour rester compétitive, la Guadeloupe doit repenser son offre touristique, en mettant l’accent sur l’authenticité, le all inclusive et l’expérience culturelle unique qu’elle peut offrir aux visiteurs. Il est également crucial d’investir dans des nouvelles infrastructures muséales, la promotion de destinations alternatives comme le Canada et le développement de partenariats avec d’autres acteurs de l’industrie du tourisme.Le commerce local, quant à lui, est confronté à une crise inflationniste qui pèse lourdement sur les entreprises et les ménages guadeloupéens. Les coûts de production et de distribution augmentent, tandis que le pouvoir d’achat diminue, créant un cercle vicieux difficile à briser.
Pour contrer cette tendance, des mesures telles que la stabilisation des prix, le renforcement des programmes d’aide aux petites entreprises de production et la promotion du commerce de produits à haute valeur ajoutée avec la zone Caraïbes peuvent contribuer à atténuer les effets de l’inflation et à soutenir l’économie locale. Et pour compléter le tableau, l’on note que l’immobilier et le secteur du bâtiment traversent aussi une période difficile. Les restrictions financières, telles que des taux d’intérêt élevés ou un accès limité au crédit, ont dissuadé les acheteurs potentiels d’investir dans l’immobilier. Cela a entraîné une diminution des ventes et des projets de construction. Les investisseurs ont été découragés par la perspective de pertes potentielles et se sont progressivement retirer du marché. Par ailleurs,des problèmes de réglementation avec un renchérissement du prix des matériaux de construction, ainsi que des processus bureaucratiques lents ou des restrictions de zonage avec la loi sur l’artificialisation des terrains, ont entravé le développement immobilier et augmenté les coûts pour les promoteurs. Cela pu rendre les projets immobiliers moins attrayants et retarder leur mise en œuvre. En outre, les collectivités locales sont confrontées à des déficits budgétaires structurels qui limitent leur capacité à fournir des services essentiels à la population. Le département de la Guadeloupe fait face à des dépenses croissantes et à une baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ce qui le mettra dans une situation financière difficile. Il faut souligner que sans perspectives claires, il sera impossible de soutenir les communes, les associations et les familles l’année prochaine. Le risque est d’être au bord de la rupture, confronté à une dette importante et à des charges sociales en augmentation, ce qui rendra la situation insoutenable. Pour surmonter ces défis, il est nécessaire de repenser la gestion des finances publiques, en favorisant la transparence, l’efficacité et la participation citoyenne.
En réalité, les signes de cette crise invisible sont partout, si nous prenons le temps de regarder au-delà de la surface. Ils se manifestent dans nos relations interpersonnelles, dans notre rapport à la nature, dans nos choix de consommation et dans nos aspirations personnelles. La quête effrénée de la croissance économique, la course à la consommation sans fin et l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles sont autant de symptômes d’un malaise profond qui ronge notre société. Face à cette crise invisible pour le moment, il est impératif de remettre en question nos schémas de pensée et nos modes de fonctionnement habituels, car les effets de la crise de la dette de la France hexagonale ne seront pas négligeables pour la Guadeloupe. En effet la crise de la dette pourrait avoir des conséquences spécifiques pour les régions d’outre-mer, telles que la Guadeloupe et la Martinique. Voici quelques conséquences potentielles :
1. Augmentation des coûts d’emprunt :
Ces régions d’outre-mer dépendent souvent du gouvernement central pour leur financement, ce qui signifie qu’elles pourraient être affectées par les mêmes hausses de taux d’intérêt que le gouvernement central lorsqu’il emprunte sur les marchés financiers. Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts d’emprunt pour les collectivités locales, rendant plus difficile le financement des projets d’infrastructures et des programmes sociaux.
2. Réduction des transferts financiers :
En période de crise de la dette, le gouvernement central pourrait être contraint de réduire les transferts financiers aux régions d’outre-mer pour faire face à ses propres problèmes budgétaires. Cela pourrait avoir un impact sur les services publics locaux, tels que l’éducation, la santé et les infrastructures, et augmenter les pressions sur les budgets régionaux.
3. Diminution de l’investissement :
Une crise de la dette pourrait également entraîner une diminution de l’investissement dans nos régions d’outre-mer, car les entreprises pourraient hésiter à investir dans des environnements économiques et politiques jugés moins stables. Cela pourrait ralentir la croissance économique et augmenter le chômage dans nos pays.
4. Hausse des prix des biens importés :
Une région d’outre-mer comme la Guadeloupe dépend souvent fortement des importations pour son approvisionnement en biens de consommation et en produits de base. Une crise de la dette pourrait entraîner une dépréciation de l’Euro, ce qui rendrait les importations plus coûteuses et entraînerait une augmentation des prix des biens importés, ce qui aurait un impact sur le coût de la vie pour les Guadeloupéens.
5. Impact sur le tourisme :
Certaines régions d’outre-mer, telles que la Guadeloupe et la Martinique, dépendent fortement du tourisme pour leur économie. Une crise de la dette pourrait entraîner une baisse du tourisme en raison de l’incertitude économique et de la perception négative de la stabilité politique en France hexagonale, ce qui aurait des répercussions importantes sur les entreprises touristiques locales et sur l’emploi dans ce secteur.En résumé, la crise de la dette pourrait avoir un impact significatif sur les régions d’outre-mer, notamment la Guadeloupe, affectant leur financement, leur croissance économique, leur niveau de vie et leur stabilité politique. Il est donc essentiel pour les élus locaux de surveiller de près la situation et de prendre des mesures pour atténuer les effets néfastes de la crise. Par ailleurs,il y aura aussi des effets délétères sur le plan sociétal, aussi il est temps de nous interroger sur la signification réelle de la violence des jeunes, de la réussite scolaire en baisse et de la dislocation de la cellule familiale. Sommes-nous vraiment plus heureux dans une société obsédée par la possession matérielle et la compétition effrénée ? Sommes-nous en train de sacrifier notre bien-être individuel et collectif au nom d’une croissance économique illimitée ?
Pour surmonter cette crise invisible, nous devons embrasser un changement de paradigme radical, basé sur la durabilité, la solidarité et le bien-être commun. Cela implique de repenser notre système économique, politique et social pour le rendre plus équitable, inclusif et respectueux de l’environnement. Il s’agit également de réévaluer nos priorités personnelles et collectives, en mettant l’accent sur des valeurs telles que l’empathie, la compassion et la coopération.Pour amorcer ce changement, nous devons prendre des mesures concrètes à différents niveaux de la société. Cela peut commencer par des choix de consommation plus conscients, en privilégiant les produits locaux, durables et éthiques. Il peut également impliquer un engagement politique pour promouvoir des politiques publiques favorables à la transition écologique et sociale. Enfin, cela nécessite une transformation culturelle profonde, où le succès est mesuré en termes de qualité de vie plutôt que de richesse matérielle. La crise invisible qui nous pousse à nous interroger sur notre mode de vie n’est pas seulement une source d’inquiétude, mais aussi une opportunité pour le changement de modèle économique. C’est une invitation à réfléchir collectivement à la société que nous voulons construire pour l’avenir, et à prendre des mesures audacieuses pour la réaliser. En embrassant cette crise comme un catalyseur pour le progrès, nous pouvons ouvrir la voie à un monde plus juste, plus équilibré et plus durable pour les générations futures.
« Avan tiraj tout lotri bèl ».
Traduction : Avant le tirage toutes les loteries sont belles.
Moralité : L’espoir fait vivre
Jean-Marie Nol, économiste