— Par Jean-Marie Nol, economiste —
Précédemment, nous disions dans notre dernière tribune que les dès sont désormais jetés pour le prochain match de la présidentielle en France. Dans presque tous les cas de figure, l’avenir semble s’assombrir et la tentation d’instaurer un régime autoritaire en France après l’élection présidentielle de 2022 n’a jamais été aussi prégnante. Dans un scénario possible en 2021, on imagine l’épidémie difficilement contrôlée et les perspectives de résolution de la crise sanitaire régulièrement repoussées à des horizons de plus en plus lointains. Dans ce scénario, l’impact de la crise sur l’économie est plus fort qu’anticipé notamment du fait d’une baisse durable de la consommation des ménages. Le rebond espéré n’intervient pas. Le nombre de chômeurs et de travailleurs précaires explose, mais aussi les pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs les plus sollicités. Le climat social et politique particulièrement dégradé contribue à accroître le sentiment d’inquiétude et d’imprévisibilité. L’on se dirige tout droit vers une nouvelle vision historique au temps long de la théorie des cycles politiques et économiques pour la France, alors quid des conséquences sur le plan des institutions ? Cette théorie des cycles repose sur l’hypothèse selon laquelle le changement de régime politique est induit par l’influence de la théorie des fluctuations économiques mais également d’ordre politique et sociétale . La théorie des cycles en politique part de l’idée d’une décadence inéluctable de la République sur laquelle les juristes, historiens et économistes n’ont cessé de méditer à travers les thèmes récurrents du déclin économique , de la corruption des moeurs ou de la nostalgie d’un âge d’or révolu, mais vouées à réapparaître périodiquement au sein de la société française .
Quelle devra être la grille de lecture des événements en cours en France hexagonale et du paysage des possibles changements à cet horizon présidentielle de 2022 ?
Plusieurs facteurs de déstabilisation de la société française sont en cours actuellement, car les Français sont aujourd’hui beaucoup plus pessimistes quant à l’avenir, inquiets face à l’immigration, l’insécurité et à l’épidémie de Covid-19. Voici les grands traits des principales préoccupations des Français qui peuvent conduire à une prochaine modification du paysage politique . Ainsi il nous appartient de procéder au décryptage d’un sondage réalisé en avril dernier et dans lequel on apprend sans grande surprise que :
– 78 % des Français interrogés estiment la France en déclin.
– 62% des Français redoutent plus la crise économique que la crise sanitaire
– 87 % des Français sont inquiets de la situation économique du pays, dont 45 % (+7) très inquiets.
– 65% des Français croient à l’effondrement imminent de notre civilisation.
– 86 % des Français se disent pessimistes et inquiets face à l’avenir, pour eux-mêmes et leurs enfants.
– 78% des Français considèrent la lutte contre l’épidémie de Covid-19 comme « tout à fait prioritaire » , et vient juste derrière, la lutte contre la délinquance pour 70 % d’entre eux. Viennent ensuite – et dans cet ordre – la lutte contre l’immigration, puis la lutte contre le terrorisme.
– 80% se déclarent « inquiets » lorsqu’ils pensent à l’avenir de la planète et à l’environnement, voire « très inquiets » pour 23 % d’entre eux.
C’est une profonde inquiétude qui ressort de ce sondage et qui montre que l’éventualité d’une crise de régime accompagnée d’une révolte sociétale en France est non seulement probable mais également tout à fait possible.
En foi de quoi, l’on semble s’acheminer vers une dépression économique et une dislocation sociale en France !
Il est donc légitime de réfléchir et d’analyser quels pourraient être les changements sur le plan politique, économique et social, induits par cette crise sanitaire mondiale. Il faut désormais entrevoir un changement en profondeur de la société française et des conséquences possibles sur la vie quotidienne de nos compatriotes Antillais .
Une chose est sûre, les conditions de l’environnement économique et social de la France ont changé, alors tout devient possible en termes de renouvellement à la tête de l’État avec à la clé une forte éventualité d’une recentralisation politique pour les régions d’outre-mer . Et cela doit nous inciter à la prudence à tous les niveaux ,car nous risquons , en réalité , de bientôt passer » d’une économie du risque à une économie de la peur ».
Le contexte actuel s’y prête car outre la crise économique et sociale, on peut légitimement s’interroger sur le fait de savoir où va donc demain la France, d’autant que selon tous les analystes politiques, la balance de l’opinion publique penche désormais très fortement à droite et à l’extrême droite, soit très nettement à contretemps avec la réalité de l’échiquier politique majoritairement à gauche de la Martinique et de la Guadeloupe !
Nonobstant ces facteurs politiques, il convient surtout de s’appesantir à notre sens sur l’évolution de la situation économique, et les risques non négligeables de dégradation aux Antilles.
Internet et l’e commerce vont continuer à creuser la tombe du commerce traditionnel dans la mesure où l’on note déjà pour la Martinique un net accroissement des achats sur internet en 2021 (import Poste : +75,97%). C’est dans ce contexte que nous estimons à partir d’une analyse prospective de la situation économique de la Martinique et la Guadeloupe que le dispositif d’aides financières du conseil régional et de la CTM en direction des entreprises est obsolète et dangereux à maintenir en l’état, car très bientôt à fonds perdus pour leur budget , en raison de la multiplication des entreprises zombies. Une entreprise zombie, c’est une entreprise qui n’est pas en phase de lancement et dont les résultats ne couvrent pas le remboursement des intérêts de sa dette. Pour poursuivre son activité, elle ne peut qu’emprunter à nouveau et sa dette grossit, grossit grossit inexorablement. Ce sont ces nombreuses petites et moyennes entreprises vouées à disparaître en raison de la crise et qui survivent uniquement grâce au soutien de l’Etat …. Ces sociétés commerciales et individuelles peu productives risquent à terme de ralentir sérieusement le rebond de l’économie , dans la mesure où elles représentent aujourd’hui au moins 25% de l’ensemble des entreprises martiniquaise et guadeloupéenne , selon notre étude à partir des chiffres de l’IEDOM . Et la crise financière va amplifier le phénomène en maintenant en vie artificielle ces entreprises zombies grâce aux aides publiques consenties par l’Etat (chômage partiel, PGE, reports d’impôts et de cotisations…). A signaler que ces entreprises qui souffrent déjà d’une insuffisance de fonds propres et d’une structure financière déséquilibrée, n’auraient pas survécu sans ce puissant soutien publique.
Pour certaines, les aides publiques destinées à protéger l’économie ne font que retarder le dépôt de bilan. C’est pourquoi nous estimons que le pic des faillites induites par la crise économique sera très certainement atteint en Martinique et en Guadeloupe fin 2022 et la crise sociale prévisible courant 2023.
Les Antillais ne se rendent pas encore compte que la crise économique et financière n’a pas encore commencé sur leurs territoires respectifs , mais ne soyons pas dupes des pesanteurs sociologiques qui subsistent au niveau des mentalités aux Antilles , car disait Aristote en son temps que » Seul un esprit éduqué peut comprendre une pensée différente de la sienne sans avoir à l’accepter. »
Jean marie Nol économiste