— Par Jean-Marie Nol, économiste —
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles . Interrogé hier sur Europe 1, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie a rappelé que la crise engendrée par le coronavirus aurait un effet sans précédent sur l’activité dans l’Hexagone. «Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une grande partie de l’économie française est à l’arrêt», a-t-il constaté. Le retour à la normale prendra du temps, se fera «progressivement» et il «passera par le désendettement du pays».
«Entre des milliers de faillites et la dette, nous avons choisi la dette », et après l’épidémie, «il faudra tous faire des efforts douloureux afin de réduire la dette», a souligné le ministre de l’Économie.
Pour ce qui concerne la Martinique et la Guadeloupe la baisse de l’activité aura un impact très négatif sur l’emploi et sur la masse salariale, compensée en partie par les mesures de chômage partiel et d’indemnisation prises par le gouvernement. Au total, sur l’ensemble de l’année 2020, la consommation tant en Guadeloupe qu’en Martinique reculerait d’environ -3 % », selon un économiste .
L’Insee confirme ses prévisions particulièrement sombres pour l’économie de la Martinique et la Guadeloupe.
L’épidémie pèsera lourdement sur l’économie , avertissent les statisticiens de l’Insee . L’onde de choc sera «bien plus importante» que celle de la crise sociale de 2009 qui avait vu le PIB plongé en Guadeloupe de 4,9% et en Martinique à plus de 6%. En dehors de cette récession attendue, qu’adviendra-t-il quand nous serons enfin autorisés à remettre le nez dehors ? Entre les craintes de convulsions sociales et l’espoir d’une crise salutaire pour l’instauration d’un nouveau concept de développement exogène, l’avenir de la Martinique et la Guadeloupe se dessine aujourd’hui. Et la vraie question qui se posera demain est quel sera le coût du coronavirus Covid-19 pour l’économie et qui paiera le surcroît de déficit budgétaire des collectivités locales avec des ressources fiscales en baisse sensible notamment l’octroi de mer et la taxe sur l’essence ? Chantiers et commerces à l’arrêt, hôtels, gîtes et restaurants fermés… 80% de l’économie est en panne. Selon de nombreux experts de la place , il y aura une forte récession en Martinique et en Guadeloupe . Pour soutenir l’économie, il y a le plan de soutien du gouvernement, déjà réévalué à 100 milliards d’euros.
Mais la facture pourrait être bien plus élevée, car les dépenses explosent. En France, le déficit devrait se situer à 7,6% soit largement au dessus des 3% de la règle européenne et la dette pourrait s’alourdir de 150 milliards d’euros.
L’État ne peut qu’emprunter encore et encore pour sauver les entreprises et payer les fonctionnaires et les retraites . Reste à savoir comment on va payer la facture finale sinon autre que par une politique d’austérité et un changement de modèle économique et social .
Qui va payer la note, sachant qu’il n’y a pas d’argent magique comme l’a dit Emmanuel Macron ?
Il est trop tôt pour en connaître le montant final, mais on sait déjà que la note laissée par le coronavirus sera très salée pour l’économie et les finances publiques . Et si cela dure , le PIB annuel de la Guadeloupe et de la Martinique devrait perdre 7,5%, c’est-à-dire que nous ferons face à une récession particulièrement sévère.
Bien que l’État ne puisse pas éviter ce manque à produire, lui seul peut en atténuer les difficultés économiques, pendant la durée de l’épidémie, et ainsi empêcher que la perte de production directe ne cause de dégâts trop durables et trop importants pour l’économie Antillaise . En d’autres termes, le gouvernement peut empêcher qu’une récession très brutale mais brève ne devienne une dépression durable. Enfin la situation financière dégradée des collectivités locales ne permet pas de créer des marges de manœuvre budgétaire supplémentaires et en l’absence d’action de l’État, le manque à produire créerait d’énormes pertes économiques et pourrait mener à de nombreux licenciements en Guadeloupe et Martinique notamment dans le secteur touristique et marchand comme dans l’ensemble du monde. Cette crise est internationale et déjà l’organisation internationale du travail pousse un cri d’alarme sur l’emploi.
L’organisation internationale du travail basée à Genève estime dans sa dernière publication que des centaines de millions d’heures de travail dans le monde pourraient disparaître au deuxième trimestre, soit 195 millions d’équivalents temps plein pour une semaine de 48 heures, dont 125 millions en Asie, 24 en Amérique et 20 en Europe. « Cette distribution géographique va certainement évoluer, nous redoutons une aggravation dans les pays en développement », souligne le directeur général. Une étude de l’Union africaine publiée lundi avance le chiffre de 20 millions d’emplois supprimés sur le continent et une hausse de l’endettement. L’inquiétude est d’autant plus forte, insiste l’OIT, qu’une part significative de la main-d’œuvre travaille dans l’économie informelle dans ces pays, jusqu’à 90 % en Inde. Or, ces travailleurs « au noir » n’ont quasiment pas de protection sociale, pas d’allocation-chômage et peu accès aux infrastructures de santé.
L’OIT pointe les secteurs les plus à risque, le transport, les services d’hôtellerie et de restauration, l’industrie manufacturière, et le commerce de détail. Cela concerne 1,25 milliard de travailleurs exposés à des licenciements, pertes d’activité et de revenus. Cette analyse de l’organisation internationale du travail est alarmante et force est de constater que c’est le modèle social français qui empêchera la descente aux enfers pour l’économie de la Guadeloupe et la Martinique .
Mais le problème du changement de modèle économique et social se posera plus vite qu’on ne le croit !
En effet une crise est toujours un accélérateur de mutation. La crise du coronavirus ne fera pas exception. Depuis longtemps, nous le savons tous, l’hyper-mondialisation des échanges attaque les fondements sociaux de nos sociétés et participe au développement non durable de nos économies. La crise du coronavirus pourrait accélérer cette tendance vers une moindre mondialisation et encourager le développement durable de nos économies en Guadeloupe comme en Martinique .La chaîne de production pourrait redevenir régionale avec la nécessité d’une industrie notamment agro-alimentaire proche du lieu de consommation. Les échanges entre les Antilles et la France hexagonale perçus comme source d’économie jusqu’à maintenant pourrait être perçus comme à l’origine de coûts sociaux et environnementaux devenus insupportables pour les citoyens et les consommateurs.
Comment payer la facture de la crise ? On ne voudrait pas casser (un peu plus) l’ambiance, mais la question est dans l’air, alors que les mesures d’aide se multiplient et que les demandes d’assistance des élus guadeloupéens et Martiniquais affluent vers l’autorité publique. Alors se pose désormais la question suivante : jusqu’où peut aller l’état français dans le changement de modèle de société pour sauver de la faillite l’économie de la Guadeloupe et de la Martinique ?
Quoiqu’il en soit, souvenons-nous de cette citation de Jean Monnet qui dit que » Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise » ….
Jean-Marie Nol, économiste