— Par Max Pierre-Fanfan —
Le cinéma français comme la télévision se font l’écho de préjugés et de stéréotypes… Ces deux médias tournent encore trop souvent en « blanc…et… noir »; dans une société française si riche pourtant de ses couleurs et de sa diversité.
En effet, alors que le festival de Cannes bat son plein, des actrices noires et métisses dénoncent un racisme latent dans le cinéma français. Seize comédiennes(dont Eye Haïdara, nommée aux Césars) mettent l’accent sur, « les manifestations de racisme ordinaire entendues dans l’exercice de leur travail ». Elles veulent ainsi provoquer un sursaut contre les productions encore teintées de clichés hérités d’un autre temps. Ces seize artistes ont recensé dans un livre intitulé, « Noire n’est pas mon métier », des plaisanteries douteuses, voir racistes entendues dans l’exercice de leur métier: « vous parlez africain »… « Heureusement que vous avez les traits fins »… « Notre présence dans les films français est trop souvent due à la nécessité incontournable ou anecdotique d’avoir un personnage noir…Les choses évoluent mais tellement lentement », constate l’actrice Aïssa Maïga.
Cela dit, le cinéma n’est pas le seul média épinglé; la télévision, elle aussi, n’est pas en reste. La campagne de publicité conçue en 2014 pour promouvoir l’image de la chaîne de télévision France Ô(du groupe France-Télévisions) et placardée dans le métro parisien faisait référence à toute une série de clichés et de préjugés portés par certains dans l’opinion. Journalistes, animateurs, présentateurs noirs et métis de cette chaîne se retrouvaient à l’affiche flanqués de messages inscrits en lettres de feu, « je ne suis pas un sauvage », « je parle sans accent », « je ne fais pas tout flamber », « je ne suis soumise qu’à l’actualité », « je ne deale que de la musique ». Des antiphrases qui se veulent l’expression du contraire de ce que pense une partie de la doxa…Le but, sans doute,agir sur le téléspectateur en l’invitant à reconnaître le message réel sous le message apparent?..Mais pourquoi ce besoin de justification, de donner des gages ou des preuves de compétences et de professionnalisme, plus qu’il n’en faut…Il est vrai que les préjugés sont tenaces. Deux raisons sont souvent évoquées qui veulent justifier que les Français issus de la diversité soient peu présents à l’écran (comme dans les postes clés de l’économie), la couleur de la peau, et l’accent. Des éléments qui continuent à hanter l’inconscient collectif.
« Y a bon banania »
Les images du nègre sauvage ,ou, du nègre bon enfant, du serviteur obséquieux et souriant, et celui, à chéchia avec son sourire « fernandelesque » hantent encore certaines mémoires. Quant à l’accent, on sait qu’il faut s’exprimer sans accent (cf, »je parle sans accent »), surveiller son élocution, sinon on dira avec mépris de ce ou cette journaliste de couleur qu’il ou qu’elle ne sait pas s’exprimer correctement…Cela dit, l’opinion serait-elle aussi exigeante avec sa consœur ou son confrère breton ou alsacien?…Et puis, peut-on vraiment se départir totalement de son accent? L’accent du pays où l’on est né demeure dans l’esprit et dans le cœur comme dans le langage », précisait François de La Rochefoucauld. D’ailleurs, faisant fi de toute notion de culpabilité, et sans s’embarrasser de considérations historiques ou psychiques, et en regard des affiches de France Ô; sa consœur, France 2 pour la même campagne de publicité en 2014 s’est appuyée sur ses émissions et sur ses présentateurs vedettes(David Pujadas, Marie Drucker…) et affichait ainsi comme slogan: « Femmes2 terrain », « Info 2 référence », « Meneur 2 revues », « Club 2 stars », « Arène » 2 débats »…
Pourtant, certaines bonnes consciences estiment qu’il n’y a pas intention ou volonté de vexer. Mais comme le précisait Frantz Fanon, « c’est justement, cette absence de volonté, cette désinvolture, cette nonchalance, cette fatalité avec laquelle on me fixe, avec laquelle on m’ emprisonne, on me « primitivise », on « m’anticivilise » qui est vexante ». Comme la couleur est le signe extérieur, le mieux visible, elle est devenu le critère sous l’angle duquel on juge les hommes sans tenir compte de leurs acquis éducatifs et sociaux. « Je vous le dis, j’étais emmuré, ni mes attitudes policées, ni mes connaissances littéraires, ni ma compréhension de la théorie des quantas ne trouvaient grâce », ajoute Frantz Fanon. Les Français issus de la diversité vise l’universel inhérent à la condition humaine, mais, d’aucuns veulent encore maintenir intact à l’écran comme ailleurs certains préjugés ou stéréotypes prétendument « nègre » ou « exotique »: toujours serviteur, ou, obséquieux et souriant, éternellement « y a bon banania »…
Max Pierre-Fanfan
Ouvrage: « Noire n’est pas mon métier » (16 actrices témoignent) éditions Le Seuil