— Par Selim Lander —
Les temps de pandémie rendent difficile l’organisation d’un exposition réunissant des œuvres venues d’ailleurs comme la Fondation Clément en organise chaque année. Il est en effet bien risqué d’engager les frais qu’entraînent de telles expositions sachant qu’elles peuvent être annulées du jour au lendemain en raison des impératifs sanitaires. La Martinique, de surcroît, particulièrement atteinte par la Covid 19 du fait du faible taux de personnes vaccinées, présente à cet égard un risque accru. Heureusement, la Fondation possède son propre fonds, riche de plus de 800 œuvres émanant de plus de 250 artistes, de quoi organiser plus d’une exposition.
La Martinique ne saurait trop se féliciter d’abriter le siège de l’entreprise GBH et que son patron, Bernard Hayot, ait non seulement constitué une collection remarquable d’œuvres caribéennes et pour une grande grande part issues des Antilles françaises, mais encore qu’il la partage régulièrement avec le public dans le cadre véritablement idéal qu’est l’Habitation Clément.
L’exposition actuelle, sobrement intitulée « La Collection », réunit environ quatre-vingt œuvres. Les visiteurs habituels de la Fondation en reconnaîtront certaines et retrouveront en tout état de cause beaucoup d’artistes qu’ils connaissent déjà. C’est justement l’un des plaisirs de l’amateur d’art confronté à une œuvre que d’être capable d’identifier immédiatement son auteur. Quant aux visiteurs occasionnels, parmi lesquels de nombreux de touristes de passage, plutôt venus pour la maison, le jardin (et la boutique) que pour l’exposition, s’ils poussent jusqu’ à l’espace muséal ils repartiront avec une autre idée de la Martinique, lieu propice à la création artistique, au-delà des plages et des sentiers de randonnée.
Tous les grands noms de la peinture martiniquaise sont en effet présents, des anciens comme Joseph René-Corail (« Khokho », disparu en 1998) représenté ici par trois œuvres majeures, jusqu’à la nouvelle génération, celle des Ozier-Lafontaine et autres, en passant par les représentants emblématiques de l’École négro-caraïbe (Hélénon, Laouchez) ou du groupe Fromajé (Anicet, René Louise) et bien sûr Breleur avec un tondo particulièrement coloré de la série « L’énigme du désir ». Et d’autres comme Thierry Jarrin. Et bien d’autres comme Thierry Alet (voir la première photo), Guadeloupéen de New-York, ou l’artiste d’origine haïtienne Hervé Télémaque déjà honoré par une exposition personnelle en 2016.
Les espaces d’exposition à l’Habitation Clément se sont enrichis il y a quelques années d’une salle monumentale, remarquable par sa grande hauteur de plafond et que l’on peut embrasser d’un seul regard depuis un balcon d’où est prise la photo ci-dessous. Une salle propice à l’accrochage d’œuvres de grande dimension comme le « Soucouyant » sur fond jaune du peintre haïtien Édouard Duval-Carrié (3ème sur la photo en partant de la gauche) ou l’« Intercesseur » de Ricardo Ozier-Lafontaine dessiné en noir sur fond blanc (dernier à droite). La sculpture et le tableau (« Beni Moré ») à gauche sont d’Henri Guédon ; la quatrième œuvre, « Songes » est signée par le Guadeloupéen Goody ; la sculpture faite de barques entassées, « Yo estoy dentro de ti », est une œuvre de l’artiste cubain Kcho.
Collection Fondation Clément – Art contemporain de la Caraïbe. Habitation Clément, Le François, Martinique. A partir d 18 décembre 2021,