— Par Alvina Ruprecht —
Carnets d’Avignon.
La Guadeloupe a brillé par son absence lorsque 200 personnes se sont retrouvées dans la salle de théâtre, rue des Lices, mardi le 17 juillet pour fêter la première décennie de la Chapelle du Verbe incarné. Ce fut la confirmation d’une réussite artistique et humaine du projet de Greg Germain et Marie Pierre Bousquet, concepteurs d’une entreprise unique dans l’histoire du théâtre français.
La compagnie de production : Théâtres d’Outre-mer en Avignon (T.O.M.A.), établie dans l’ancien couvant de la Chapelle du verbe incarné, fut conçu pour mettre en valeur les théâtres originaires des départements français de la Caraibe,de l’Amérique, de l’Océan indien et du Pacifique du Sud, ainsi que le travail de tous les ressortissants de ces régions et de tous ceux pour qui le francais est une des langues véhiculaires et qui, par ce fait, participent à la redéfinition de ce nouvel espace interculturel qu’est devenu la France au XXIe siècle.
Il fallait un engagement passionnel, une volonté de fer et un regard visionnaire, capable de passer outre les obstacles matériels et idéologiques d’une entreprise qui, au départ, posait énormément de problèmes. Pourtant nous voici enfin devant une réussite incontestable.
Devenu un lieu de rencontre du « tout-monde », la Chapelle du Verbe incarné concrétise clairement la pensée de Glissant et pour rendre hommage au maître,dont la présence sur scène a fait plaisir à toute la salle, Germain,a baptisé la salle de son théâtre « salle Edouard Glissant ». Il a dévoilé une belle plaque, que les spectateurs peuvent désormais contempler lorsqu’ils arrivent dans le foyer de la Chapelle.
Le spectacle qui accompagnait l’événement fut une suite d’hommages rendus à Greg Germain et à Marie-Pierre Bousquet par ceux qui ont accompagné cette entreprise depuis ses débuts.
Koffi Kwahulé, auteur et metteur en scène dont le travail a souvent illuminé leur scène a créé une dramaticule (Chapelle pour Noémie) pour les circonstances, jouée par Laëtitia Guédon (metteur en scène, comédienne) et Benjamin Tholozan (comédien) tous deux de la troupe Studio théâtre d’Asnières dans la région parisienne. Cette histoire dialoguée met en évidence, de manière vivante, l’esprit fondateur du théâtre et les moments les plus saillants de sa première dix années. Kwahulé a bien cerné l’esprit qui a propulsé le travail de l’équipe Germain-Bousquet : une force de résistance culturelle et de persévérance sans faille, une volonté de rester accessible à tous les publics et une volonté de graver la créativité de toutes les différences dans la nouvelle mouvance de la culture française, tout en allant au-delà des espaces géopolitiques figés. Comme Kwahulé nous le dit, les cyniques ne manquaient pas :
Une église, ça ressemble à un théâtre? (…)Eh bien dis donc, La chapelle du Verbe incarné! Je vois qu’on ne se gêne pas (…) C’est joli! La chapelle du Verbe incarné, mais c’est ronflant » ( p.. 26)i
Et le dialogue insolent, ironique même irrévérencieux entre les deux incrédules avance jusqu’au moment ou ils sont obligés d’avouer :
Putain, dix ans que ça dure! Et il n’y a pas de raison que ça s’arrête…
Par la suite, il y a eu des interventions de toutes les personnalités qui ont suivi et appuyé la vie de ce théâtre : Mme Marie-Josée Roig, Maire d’Avignon, a avoué qu’elle « aime ceux qui construisent, qui bâtissent », en ajoutant que la ville a appuyé Greg dès les premiers jours car « pour Avignon, la culture est la vie ». Ont suivi une déclaration de Michel Michalon, vice président de la Région Martinique, accompagné d’Edmond Mondésir, Président de la Commission culture du Conseil Régional de la Martinique; de François Guilbauld, Directeur général de RFO qui, en assurant la captation des textes contribue à la création d’une archive théâtrale, et assure les recherches futures et les points de référence pour les créateurs à venir.
D’autres intervenants comprenaient Dominique Daeschler, responsable du pôle action culturelle et pratiques artistiques et conseillère pour le spectacle vivant à la DRAC-Martinique; Pierre Chambert, conseiller pour le spectacle vivant à la DRAC Guyane.
Parmi les spectateurs, dans la salle, nous avons aperçu Claude Kiavué, directeur du Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre, et nous étions heureuse de revoir Marie Lynn Jalton, organisateur du Festival des Abymes(1999-2005),festival qui était en passe de devenir un des événements culturels des plus importants de la région mais qui a disparu abruptement en 2005. En 2007, le festival téyatzabym renaît de ses cendres. Nous espérons qu’il redeviendra un espace de création théâtrale aussi important que celui de la version précédente.
Mais, pour moi, la chose la plus incompréhensible fut l’absence sur le podium des représentants de la Guadeloupe : ni le Conseil général, ni le Conseil régional ni la DRAC –Guadeloupe qui finance les projets de théâtre, ne l’ont trouvé utile de venir appuyer en personne cet acteur guadeloupéen si fêté par le Festival « off », par la ville d’Avignon, par le Ministère de la Culture et les instances culturelles des autres D.O.M. Comment expliquer un tel lapsus?
Alvina Ruprecht
Avignon, juillet 2007
i Koffi Kwahulé, « Chapelle, pour Noémie », tiré du livre Chapelle du verbe incarné, 1998-2007. genèse d’un théâtre citoyen, (Dir.) Greg Germain, Marie-Pierre Bousquet, Avignon 2007. p. 119