— Par Selim Lander —
En attendant de voir ce que nous réserve le prochain « Pool Art Fair », du 11 au 8 janvier prochain à Fort-de-France, c’est encore à la Fondation Clément, au François, qu’il faut se rendre pour découvrir une « œuvre » au sens fort du terme, celle de Jean-Marc Hunt. L’exposition est intitulée Negropolis, une référence directe à la personne du plasticien, « négropolitain » né en 1975 à Strasbourg. Des peintures en trois formats, trois ambiances différentes, à quoi s’ajoutent des Vanités, sculptures métalliques en forme de crane, couturées, qui pourraient être aussi bien les casques d’un gang de motards psychédéliques.
Le mot psychédélique est encore celui qui vient à l’esprit pour caractériser l’ensemble d’une exposition où l’on chercherait en vain dans les œuvres peintes sur papier – représentant toutes des figures humaines – le moindre réalisme. Avec leurs membres difformes, leurs faces grotesques, leurs silhouettes désarticulées, ces personnages pourraient tous sortir d’un cauchemar provoqué par l’acide, avec malgré tout toujours une pointe d’humour. Autres points communs aux peintures de J.-M. Hunt, la fulgurance du geste et – réinvention, réminiscence ou hommage – le trait noir qui souligne, parfois incomplètement, les contours. Mais les ambiances, encore une fois, varient sensiblement en fonction du format.
Les plus grands œuvres, aux couleurs vives et gaies sur un fond presque blanc, respirent une gaité simple et bon enfant : Compère avec son lapin sur les genoux ; Pro-Géniteur au phallus rouge, qui transperce d’une flèche un cœur tout aussi rouge ; Pisseuse d’où jaillit une cataracte et fait s’enfuir un papillon ; Ballon, tête qui flotte en haut du tableau au bout d’une ficelle. Une exception : Baron, interprétation « grotesque et tragique » du baron samedi du vaudou haïtien, selon l’auteur du catalogue de l’exposition, Christian Bracy. Ces peintures spectaculaires qui attirent immédiatement les regards ne laissent aucun spectateur indifférent, y compris le plus rétif à l’art contemporain, celui pour qui « même un enfant saurait faire ça ». Par contre les amateurs doivent se préparer à vider leur bourse, le grand format (170 x 150 cm) étant proposé à 6000 €.
Dans les formats moyens (120 x 110 cm ; 4000 €), on remarque surtout Sodade du soldat, repris pour l’affiche, qui confronte un visage en forme de masque, pourtant très expressif, et même plutôt menaçant, contemplant une sorte d’oiseau stylisé, version bassecour de la colombe de la paix, si l’on peut dire, avec des pattes de poulet, un corps de poisson coffre et deux petites ailes semblables à celles qui coiffaient les casques des Gaulois. L’humour est encore présent mais la palette s’assombrit.
C’est encore plus le cas dans la série des 36 Ex-voto (21 x 15 cm ; 400 €) qui privilégie le brun et le marron. L’unité stylistique, par-delà la diversité des personnages représentés, le titre inscrit en grosses capitales, parfois retournées, participent à nouveau d’une atmosphère différente de celle des deux autres séries, plus proche du street art qui fut l’un des modes d’expression de J.-M. Hunt. Pourtant il est tout de suite évident pour le visiteur de l’exposition que c’est bien la même main qui a dessiné et coloré chacun des personnages dégingandés, « néo-expressionnistes », qui se démènent dans les trois séries, avec souvent un sourire en coin – y compris lorsque l’un d’eux se trouve doté d’une tête de cheval (Busy). Tous ces personnages font bien une seule et même œuvre.
Negropolis de Jean-Marc Hunt.
Exposition à la Fondation Clément, Le François, Martinique, du 19 décembre 2014 au 25 janvier 2015.