L’éphéméride du 15 mai

Anne Boleyn et son frère, Lord Rochford, sont déclarés coupables d’adultère et d’inceste par la Haute Cour d’Angleterre le 15 mai 1536.

Anne Boleyn (vers 15001 – 19 mai 1536) est la deuxième épouse du roi Henri VIII d’Angleterre et reine consort de 1533 à 1536. Elle est la mère de la reine Élisabeth Ire. Son mariage avec Henri VIII est à l’origine du changement politique et religieux complexe, et souvent tragique, qu’a été la réforme anglaise. Accusée d’adultère, d’inceste et de haute trahison, elle est exécutée par décapitation. Il est maintenant généralement admis qu’elle était innocente de ces accusations. Anne Boleyn a été célébrée plus tard comme martyre dans la culture protestante, particulièrement dans l’œuvre de John Foxe.
Biographie
Controverse autour de sa naissance
L’absence de registre paroissial ne permet pas d’établir la date de naissance précise d’Anne Boleyn. Au début du xviie siècle, un historien italien a suggéré qu’elle était née en 1499, tandis que le gendre de Thomas More, William Roper (en) suggère la date beaucoup plus tardive de 1512. De nos jours, les cercles académiques tendent à s’accorder sur deux dates plausibles : 1501 et 1507. L’historien britannique Eric Ives, expert de la période Tudor estime que 1501 est la date la plus appropriée, tandis que Retha Warnicke (en), une universitaire américaine, préfère la date de 1507.

Une des pièces les plus probantes est une lettre qu’Anne aurait écrite à son père vers 15143. Cette lettre est rédigée en français, sa deuxième langue, alors qu’elle complète son éducation aux Pays-Bas, auprès de Marguerite d’Autriche. Selon Ives, le style de la lettre et la maturité de l’écriture prouvent qu’Anne doit avoir environ treize ans au moment de sa rédaction. Cet âge est proche aussi de l’âge minimum requis pour être dame de compagnie ; une thèse corroborée par un chroniqueur de la fin du xvie siècle, qui écrit qu’Anne est âgée de vingt ans lors de son retour de France4. Cependant, Jane Dormer (1538-1612), duchesse de Feria, qui fut dame d’honneur de la reine Marie Ire, affirme dans ses mémoires qu’Anne n’avait pas encore vingt-neuf ans au moment de sa mort et William Camden (1551-1625), biographe de la reine Élisabeth Ire, indique 1507 comme étant l’année de naissance d’Anne. Faute de preuves substantielles, il est donc impossible d’en tirer une conclusion définitive, mais ces deux dernières sources s’accordent pour 1507 comme l’année la plus probable de sa naissance, après le mois de mai puisqu’il est dit qu’à sa mort elle n’avait pas encore 29 ans.

Enfance et famille
Anne est la fille de Sir Thomas Boleyn5 et de son épouse Élisabeth Howard. La tradition veut que son lieu de naissance soit le château d’Hever dans le Kent, mais Eric Ives, s’appuyant sur des témoignages de proches, affirme qu’Anne a très probablement vu le jour dans la maison familiale de Blicking Hall (en), à 25 km au nord de Norwich dans le Norfolk6.

Une rumeur tardive veut qu’elle ait souffert de polydactylie (six doigts à sa main gauche) et d’une tache de naissance sur le cou, qu’elle cachait en tout temps par un bijou. Pourtant, aucun témoin oculaire ne mentionne la moindre difformité et moins encore un sixième doigt. De plus, les difformités physiques étant souvent associées au diable, il est difficile d’imaginer qu’Anne Boleyn aurait pu gagner l’affection du roi si elle en avait souffert7.

Même si on ne connaît la date de naissance exacte d’aucune des deux sœurs Boleyn, Mary et Anne, on s’accorde sur le fait que Mary est l’aînée. Les enfants de cette dernière en sont persuadés, tout comme la fille unique d’Anne, la reine Élisabeth8,9. Leur frère, George Boleyn, est quant à lui né autour de 150410,11.

À l’âge adulte, Anne n’a pas de très bonnes relations avec son père Thomas Boleyn mais, durant son enfance, il semble qu’elle tenait à lui plaire. Ses relations avec sa sœur Mary semblent être cordiales, mais elles ne sont pas très proches l’une de l’autre ; au moment de sa mort, elles ne se parlent plus. Elle a une relation beaucoup plus harmonieuse avec sa mère Élisabeth et son frère George dont elle est beaucoup plus proche.

Au moment de la naissance d’Anne, la famille Boleyn est considérée comme l’une des familles des plus respectables de l’aristocratie anglaise12, en dépit du fait qu’elle ne détient un titre de noblesse que depuis quatre générations. Plus tard, ses membres ont été taxés d’arrivisme et d’opportunisme, mais ce n’était qu’une attaque politique[réf. nécessaire]. La rumeur que les Boleyn sont une famille de marchands de Londres est infondée13. Les arrière-grands-parents d’Anne comprennent un lord-maire de Londres, un duc, un comte, deux dames aristocrates et un chevalier. Elle est certainement de plus noble naissance que Catherine Howard, Jeanne Seymour ou Catherine Parr, les trois autres épouses anglaises du roi14,15.

Son père est un diplomate très respecté qui possède un don pour les langues16 ; il est aussi un favori d’Henri VII, qui l’a envoyé dans plusieurs missions à l’étranger et il continue sa carrière sous Henri VIII, qui le considère comme un diplomate hors pair17. En Europe, son professionnalisme et son charme lui ont valu de nombreux admirateurs dont l’archiduchesse Marguerite d’Autriche, la fille de Maximilien Ier du Saint-Empire, devenue régente des Pays-Bas, et suffisamment impressionnée par Thomas Boleyn pour offrir à sa fille une place parmi ses dames de compagnie. Normalement, une jeune fille doit avoir douze ans pour se voir offrir un tel honneur, mais il est possible qu’Anne soit plus jeune, car Marguerite l’appelle souvent « la petite Boleyn » (on ne sait si cette remarque se réfère à sa stature ou à son âge)18. Elle fait bonne impression aux Pays-Bas avec ses bonnes manières et sa rigueur à l’étude, elle y vit du printemps 1513 jusqu’à ce que son père l’envoie à Paris poursuivre ses études à l’hiver 1514.

En France, elle est nommée dame de compagnie de la reine Claude de France et sert d’interprète chaque fois qu’un visiteur anglais de haut rang se présente à la cour française. Durant cette période, elle approfondit sa connaissance du français et acquiert une connaissance de la culture et de l’étiquette françaises. Elle développe aussi un intérêt pour la mode et la philosophie de la religion qui veut une réforme de l’Église. Son éducation prend fin à l’hiver 1521 lorsqu’elle est rappelée en Angleterre par son père. Elle quitte Calais, encore possession anglaise, en janvier 1522.

Apparence et personnalité

Anne Boleyn n’est pas une beauté conventionnelle pour son époque. Elle est mince et son teint est reconnu pour être trop foncé. Toutefois, certains observateurs sont impressionnés par ses yeux noirs et ses longs cheveux foncés qu’elle porte librement dans le dos. Un Italien qui a rencontré Anne en 1522 écrit qu’elle n’est pas une des plus belles femmes du monde, mais d’autres pensent qu’elle est « assez belle » et « jeune et jolie ». Un historien a réuni toutes les informations disponibles et a écrit :

« Elle n’a jamais été décrite comme étant d’une grande beauté, mais même ceux qui l’avaient en horreur admettaient qu’elle avait une allure remarquable. Sa peau foncée et ses cheveux noirs lui donnaient une aura exotique dans un contexte culturel où l’on appréciait un teint clair. Ses yeux étaient particulièrement remarquables, « noirs et magnifiques » a écrit un contemporain, tandis qu’un autre les décrit comme « toujours attirants » et « qu’elle savait en user efficacement ». »

Au premier abord, les gens sont attirés par sa personnalité. Elle fait excellente impression avec son sens de la mode et inspire de nouvelles tendances aux dames de la cour. Elle est probablement la première icône de mode du xvie siècle. William Forrest (en), auteur d’un poème contemporain à propos de Catherine d’Aragon, loue l’excellence des pas de danse d’Anne :

« Ici, a-t-il écrit, était une jeune damoiselle, qui pouvait s’accrocher et continuer. »

« Le charme d’Anne ne réside pas tant dans son apparence physique que dans sa vive personnalité, sa grâce, sa verve et d’autres qualités. Elle était de petite stature et sa fragilité était attirante… Elle rayonnait en chantant, jouant d’un instrument, dansant et dans l’art de la conversation… Il n’était pas surprenant de voir les jeunes hommes de la cour se presser autour d’elle. »

Elle est une dévote catholique dans la tradition nouvelle de renaissance humaniste (la qualifier de « protestante » serait exagéré). Elle donne généreusement aux œuvres de charité et coud des vêtements pour les pauvres. Dans sa jeunesse, elle est « adorable et joyeuse » et aime jouer, boire du vin et bavarder24. Elle est aussi courageuse et émotive et, selon ses ennemis, elle peut être extravagante, névrotique, vindicative et avoir mauvais caractère :

« Elle apparaît inconsistante — pieuse mais agressive, calculatrice mais émotive, avec une trace de courtisane mais un côté politicien… Les mots de Thomas Cromwell la décrivant sont-ils les plus justes : intelligence, esprit et courage. »

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George Boleyn, dit Lord Rochford (vers 1503 – 17 mai 1536), est le frère de Mary Boleyn et d’Anne Boleyn, et l’époux de Jane Parker. Fils du diplomate Thomas Boleyn, 1er comte de Wiltshire, et d’Élisabeth Howard, il fut le beau-frère du roi Henry VIII et l’oncle de la future reine Élisabeth Ire. Son grand-père maternel était Thomas Howard, 2e duc de Norfolk.

Convaincu d’inceste avec sa sœur Anne pendant son procès pour trahison, il est exécuté à la tour de Londres.

Biographie
George Boleyn naît probablement à Norfolk dans la maison familiale de Blickling Hall (en). Dès son plus jeune âge, il apparaît à la cour du roi. Il parfait son éducation à l’université d’Oxford, contrairement à ses sœurs qui sont envoyées à l’étranger.

Carrière
Lord Rochford devient membre du conseil privé du roi Henri VIII d’Angleterre et, en décembre 1529, prend sa première assignation en tant que diplomate en France. Il est courant de penser que c’est grâce à l’influence de sa sœur Anne qu’il a obtenu ce poste, puisque l’ambassadeur français Jean du Bellay a commenté à quel point George était beaucoup plus jeune que tous les autres diplomates étrangers. Toutefois, Thomas Wyatt (1503-1542) a été envoyé à Rome quelques années auparavant et la verve de lord Rochford a fait l’objet de plusieurs œuvres poétiques. David Starkey a même dit de lui qu’il avait un peu du talent de sa sœur Anne, mais toute sa fierté.

Mariage
Son mariage avec Jane Parker, lady Rochford, est malheureux. Les raisons de cet échec sont mal connues. Peut-être à cause de son homosexualité supposée ou, au contraire, à cause de sa réputation d’« homme à femmes ». Cependant, tout cela ne semble que spéculations, et il est tout à fait possible que son malheur conjugal soit simplement dû à un différend de personnalités (après tout, la plupart des membres de l’aristocratie anglaise vivaient des unions sans amour à l’époque).

Scandale et procès
Lord Rochford est accusé avec quatre autres personnes d’adultère avec sa sœur Anne, deuxième épouse du roi Henry VIII. Son père, Sir Thomas Boleyn est excusé du jury aristocratique qui devait les condamner et part en exil.

La reine est accusée d’adultère avec quatre autres hommes, mais ce sont les accusations d’inceste qui sont jugées les pires. Même si les relations sexuelles et les mariages entre cousins du premier degré sont communs à cette époque, les relations entre frère et sœur sont prohibées, considérés comme l’expression du satanisme[réf. nécessaire].

George est jugé quelques heures seulement après Anne le 15 mai 1536. Il est condamné et décapité à Tower Hill le 17 mai 1536.

Aujourd’hui, on estime en général que les accusations qui pesaient contre lui ont été fabriquées. Même à l’époque, elles ne sont pas totalement acceptées par la population, et ne sont répétées comme des faits que par les extrémistes catholiques[réf. nécessaire]. En cour, les preuves accablantes contre lui viennent d’un affidavit signé par sa femme, qui espérait ainsi sauver sa propre vie en fournissant aux avocats du roi les preuves qu’ils recherchaient.

Exécution
Lors de son discours devant l’échafaud, George fut soucieux de défendre la religion protestante qu’il avait embrassée à l’âge adulte. Il parla avec passion des Saintes Écritures et des vanités de ce monde. Il est enterré à la chapelle royale de Saint-Pierre-aux-Liens. Sa sœur fut décapitée deux jours plus tard, montrant beaucoup de bravoure et de grâce. En 1542, Jane Parker (sa veuve), lors de sa propre exécution à la suite de son implication dans l’affaire extra-conjugale de la reine Catherine Howard, déclara : Dieu m’a permis de souffrir ce destin tragique car j’ai contribué à la mort de mon mari. Je l’ai faussement accusé d’avoir aimé sa sœur, Anne Boleyn, de manière incestueuse. Pour cela, je mérite de mourir.

Il ne reste de nos jours aucun portrait de George Boleyn, car ils furent tous détruits en 1536. Son rôle dans la déchéance de sa sœur Anne a été sujet à controverse ces dernières années : Eric Ives et Retha Warnicke (en) ont débattu récemment de la valeur des accusations d’inceste. Malgré leurs différents points de vue, les deux historiens rejettent l’accusation.