— Par Dégé —
Il est déjà entré dans la légende notre Khokho. On ne compte plus le nombre de témoins ayant participé à ses beuveries ou ayant payé d’un verre de rhum une de ses toiles. Lui aurait pu répondre que, certes bon buveur, il n’était victime que des vapeurs de White Spirit ou autres produits d’expérimentations.
Rétablissons sa vérité : KhoKho est victime de ses recherches techniques et non pas de Saint-Etienne (comme son portrait, « Le visage de l’authenticité », sur l’affiche publicitaire du dit rhum pourrait le faire croire.).
Il connaissait la valeur de ses œuvres qu’il ne monnayait pas : il pouvait les donner mais non pas les vendre au rabais à un acheteur mesquin. Il ne brade pas et on ne spécule pas non plus sur son dos. Un Seigneur de légende…
Donc en remerciement à Césaire, Le président Léopold Sédar Senghor invite à son tour des artistes martiniquais à retrouver leurs racines au Sénégal. Le Conseil Général offre les billets d’avion aller et KhoKho débarque à Dakar, en 1977, avec une quantité impressionnante de ses œuvres. Gérard et Margot Montagut* l’accueillent et l’assistent pour l’installation de l’exposition.
Celle-ci est inaugurée au « Théâtre Daniel Sorano » par le ministre de la Culture, Alioune Senne. C’est un grand succès d’estime. Pendant un mois, notabilités, personnalités, les plus hautes autorités sénégalaises dont sans doute le Président Senghor, sont là. Mais les tableaux sont chers et les ventes sont d’autant plus maigres que, par exemple, KhoKho refuse que l’ambassadeur d’Afrique du Sud, pays de l’apartheid, acquière une très belle fresque…
Pour l’aider Margot, qui dirige le Centre d’Art de la Martinique à Dakar, achète une des deux ou trois toiles qui seront vendues, « Fond marin ». (Tableau sans cadre puisque KhoKho n’en veut jamais).
Non seulement elle l’a accueilli, a géré ses intérêts, l’a logé et fait l’inventaire des œuvres, mais elle organisera avec succès un cocktail-vente de petits tableaux permettant l’achat du billet retour en Martinique.
Car KhoKho est démuni : son militantisme, son honnêteté, sa fierté et sa vie d’artiste lui coûtent cher ! De plus il a beaucoup travaillé expérimentant divers matériaux, notamment il est satisfait de l’utilisation du café comme colorant, d’huile de cuisine, d’acrylique industriel, de sable, d’alcool à brûler…Il produit nombres d’œuvres aujourd’hui disparues, à moins qu’elles ne soient encore ensevelies au « Musée dynamique » ( ?). Il élabore des projets, notamment une statue destinée à Goré et qui tournerait le dos à l’Afrique : beau symbole de la traite. La maquette, « Allégorie de la Liberté », a…disparu!
Sont-ce l’excès d’alcool, de travail, de vapeurs toxiques des produits utilisés, un chagrin d’amour ? KhoKho est tombé malade…
Les hallucinations de « petites bêtes » peu à peu ont cessé.
A son retour de l’hôpital psychiatrique de Fann où il a séjourné environ trois semaines et a été soigné par le jeune docteur Sainte-Rose, il réside chez les Régis*.
Mme Arlette Régis qui est infirmière le soigne avec patience et dévouement. Son époux, Bernard, qui n’est pas encore devenu journaliste, qui est alors Conseiller technique au Ministère de l’Information au Sénégal, sympathise avec KhoKho dont l’humanité le touche. Il se rappelle sa sensibilité : « Des fleurs y en a partout, mais on ne les voit pas ». Pas la moindre barrière, la complicité est immédiate entre eux. KhoKho fait un tableau de leur fille, « La Ficelle ».
Pour conclure cette petite esquisse du séjour de KhoKho à Dakar, parmi tous ces mystères, une note comique ( ?) pour colorer le portrait de cet artiste légendaire auquel tout Martiniquais songe en souriant. Pendant son vol de retour au pays natal, KhoKho s’est fait volé les quelques billets qui lui restaient de la vente de ses tableaux organisée dans leur jardin par les Montagut !
**Mes vifs remerciements aux époux Montagut et Régis pour les informations qu’ils m’ont généreusement apportées.
Martinique, le 18/12/3015
Dégé