— Par Dominique Daeschler —
Au Rond Point à Paris, une pièce de et avec Kery James (rappeur né aux Abymes), créé à la scène nationale bipolaire de Lons le Saunier et Dole. Voilà un beau pari que conduit tambour battant la jeune directrice, petite souris de la culture, vive et futée, en jeans et blouson ( Ah non on ne lui volera pas son fromage !), en donnant carte blanche au metteur en scène sénégalais Jean Pierre Baro fortement impliqué sur des sujets d’engagement politique et citoyen ( discriminations, racisme, identité, dérives du pouvoir…) pour trois spectacles dans la programmation de saison.
Dans A VIF, Jean Pierre Baro met en scène deux avocats (Kery James, Yannick Landrein) qui argumentent, en une joute oratoire, sur la responsabilité de l’Etat dans les divisions actuelles en « deux France ». Pour, le blanc, avec un côté bien propret et gentil garçon à la Macron, contre, le noir, issu des banlieues.
Première intelligence : avoir donné à Kery le rôle valorisant la responsabilité individuelle citoyenne, la maturation que nécessite la conscience collective et son urgence. Tombe un premier préjugé contre les banlieues et les minorités.
Deuxième intelligence : au fil de la pièce le dialogue devient dialectique et on retrouve Hegel. Tout se renverse entre maître et esclave, l’incessant mouvement des paroles les envoie dos à leur point de rencontre (Goethe).
On parle banlieues, bâti des cités-dortoirs, égalité des chances, école, précarité, couleur de peau, pouvoir, intérêt général, solidarité.. Une longue route entre pouvoir et ambition, démocratie et responsabilités, « tout monde » et discriminations.
Le décor est sobre : deux pupitres comme dans les meetings, une immense table (comme en conseil des ministres), chacun présidant à chaque bout. Un écran, qui Dieu merci, nous distille des images au compte gouttes comme dans un séminaire.
Chaque discours est cohérent : au spectateur de construire son opinion, son discours en pêchant dans les pour et les contre.
Deux acteurs toniques où Yannick Landrein tient bien le choc face à un Kery James tout en charisme.
Un regret : la fin. On se serait passé de l’épilogue, de ce « à la fin de l’envoi je touche ». Une fin sur la toile peinte de la Révolution avec sa fille la République qui tombe comme un couperet et rappelle aussi les décors de genre du théâtre d’antan paraît plus forte : le public en applaudissant, l’a bien senti.
Dominique Daeschler
Du 10 au 20 janvier au Rond Point.