Le groupe antillais Kassav fait ses adieux à la salle fétiche de ses débuts, le Zénith de Paris.
— Par Alexis Campion —
Irrésistiblement dansants, parfois frénétiques, leurs concerts sont entrés dans la légende. Loin de se réduire à la fête et au soleil, leurs tubes font aussi résonner des thèmes profonds comme la mémoire de l’esclavage et la défense des cultures minoritaires. Avec Kolé Séré, Syé bwa, et bien sûr Zouk-la sé sèl medikaman nou ni (« Le zouk est notre seul médicament »), chanson phare qui l’a propulsé à partir de 1984, Kassav a hissé le parler créole au Top 50.
Inventeur du zouk au tournant des années 1980, une fusion de divers styles caribéens saluée par Miles Davis en personne, reconnue depuis comme la musique d’expression française la plus répandue de par le monde, Kassav reste à ce jour le seul groupe d’artistes « hexagonaux » à remplir les salles aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Colombie ou en Russie. Au Mozambique, c’est le délire : à Maputo, depuis 2012, le Festival do Zouk transforme le genre au gré d’inspirations africaines et lusophones. Pas sûr que Johnny puisse revendiquer tant de petits…
L’âge d’or : 1985 et 1986
Admis au cercle des artistes capables de remplir un Stade de France (65.000 spectateurs en mai 2009), les chanteurs et musiciens de Kassav semblent abonnés aux exploits. Jusqu’à quand? Leur passage cette semaine au Zénith de Paris est annoncé comme le « dernier »…
«Arrivé à un certain âge, on calcule, on s’interroge sur l’après. Dans trois ans, nous fêterons déjà nos 40 ans de carrière!»
Dans la rhumerie parisienne où ils donnent leurs interviews, Jocelyne Béroard et Jacob Desvarieux, les deux stars du collectif, évoquent même la possibilité d’une tournée d’adieux. « Arrivé à un certain âge, on calcule, on s’interroge sur l’après. Dans trois ans, nous fêterons déjà nos 40 ans de carrière! » Aujourd’hui, que célèbrent-ils? « Trois décennies à tourner partout à un rythme cinglé, poursuit Jocelyne Béroard en riant. Mais, d’abord, d’avoir tant plu. Nous sommes comblés. »
« Depuis 1985, dit Desvarieux, on a joué 60 fois au Zénith, qui reste notre salle préférée. Le public y est toujours très mélangé et proche de la scène. » Leurs premiers concerts dans ce lieu, en 1985 et 1986, alors qu’il était flambant neuf, restent gravés dans les mémoires. « Ce fut un moment clé, se souvient la chanteuse. Nous étions portés par nos albums solos respectifs à moi (Siwo), Patrick Saint-Eloi (Bizness) et Jean-Philippe Marthély (Touloulou), qui ont tous marché. » Ce fut, aussi, l’année du premier carnaval antillais de Paris, ce qui leur avait valu de se produire sur la pelouse de Reuilly le soir de la Fête de la musique. « Les Antillais étaient venus de toute la France, c’était énorme! La police a recensé 250.000 personnes. Quand on a vu ça, on était sans voix, on a cru voir la population de toute la Martinique devant nous! »…
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