En élargissant l’extension du concept de temps, Kant en révolutionne la compréhension : le temps a en effet été restreint à la succession, alors que « les trois modes du temps sont la permanence, la succession, la simultanéité ». Kant révèle que le temps n’est pas seulement ce qui fait que les choses passent, mais aussi ce qui fait qu’elles arrivent en même temps et, plus fondamentalement encore, ce qui fait qu’elles durent. Cette extension du domaine du temps déclenche bel et bien une révolution qui va révéler la présence du temps là où il semblait absent : deux points ne pouvant se trouver à côté dans l’espace sans y être en même temps, la géométrie baigne dans le temps. De même, la substance des choses que les philosophes ont prise pour leur être éternel ou métaphysique n’était que leur permanence dans le temps, c’est-à-dire leur durée ! Kant met ainsi au jour un inconscient de la raison pure (c’est Kant qui parle d’inconscience) qui la montre influencée à son insu par le temps qu’elle croyait avoir dépassé. Les grands principes métaphysiques (causalité, indiscernables, raison suffisante) se résorbent un à un dans le temps. Cependant, la philosophie de Kant n’est-elle pas elle-même travaillée par le temps plus qu’elle ne le voudrait ?
En abordant Kant et le temps en même temps, ce livre propose à la fois une analyse originale du temps et une nouvelle introduction à la Critique de la raison pure, laquelle aborde déjà, avant les deux autres Critiques, la morale et la liberté, la finalité et l’histoire. La question se pose donc de savoir si depuis Kant la philosophie n’est pas restée dans cet horizon du temps fixé par la Critique de la raison pure.
Guillaume PIGEARD de GURBERT est professeur de philosophie en khâgne, et auteur d’une thèse de philosophie générale sur le possible (Paris-I, 2000). Son précédent livre intitulé Contre la philosophie (Actes Sud, 2010) pose à neuf la question « qu’est-ce que la philosophie ? ».