Cherchez la femme
« Si tu regardes des murs souillés de beaucoup de taches ou faits de pierres multicolores avec l’idée d’imaginer quelque scène, tu y trouveras par analogie des paysages au décor de montagnes, rivières, rochers, arbres, plaines et collines de toutes sortes. Tu pourrais y voir aussi des batailles et des figures aux gestes vifs et d’étranges visages et costumes et une infinité de choses », écrivait, il y a cinq cents ans, Léonard de Vinci. Ce texte, lu il y a un quart de siècle, a resurgi en ma mémoire en voyant pour la première fois le travail plastique de Kanel Brosi : sculptures conçues sur la base de simples fragments de bois qui servent de catalyseur à son imaginaire, pour en faire jaillir des êtres dont l’esquisse s’affine par l’adjonction d’une glaise pétrie de mystère.
Ces figures empreintes de solennité, gardiennes sacrées d’un secret à jamais dissous dans l’infini des courbes qui les définissent, sont avant toute autre chose : femmes. La légende voulait que tout objet touché par Midas se transformât en or ; on pourrait penser que, de même, tout élément extrait de la nature et passé entre les mains de Kanel s’imprègne irrémédiablement de cette féminité qu’elle ne revendique pas mais qu’elle transmet pourtant à travers la force même qui s’en dégage.
Elle nous révèle cette femme, qu’elle forme en partant de l’informe, baignée d’une lueur poétique où se mêlent force et fragilité de manière subtile et évocatrice. Ce sont de puissantes visions du corps et de la sexualité, où le désir semble libérer la force créatrice. L’intensité émotionnelle qui sous-tend ses sculptures les anime d’un souffle de vie qui leur donne des allures d’objets talismans.
Comme les sculpteurs des Vénus impudiques de l’art préhistorique, Kanel ne semble s’intéresser ni à la tête, ni au visage, encore moins aux pieds, mais aux seins et au ventre, attributs spécifiques de la féminité. Cet angle de vue, sans tête et sans pieds, correspond à la vision que chacun peut avoir de son propre corps. On pourrait penser que l’artiste a sculpté son autoportrait sans l’aide d’un miroir, indépendante de tout regard extérieur à elle-même.
Rencontrer une pièce de bois au cours d’une promenade, prendre conscience du témoignage de vie qu’elle représente, se mettre à l’unisson avec la nature, aller de la forme à la métaphore et de la métaphore à la métamorphose, pour mettre à vif la vitalité conceptrice contenue en toute chose, ainsi pourrait se résumer la genèse des travaux que nous présente Kanel, qui nous invite, non sans humour, à toujours chercher la femme.
Claude CAUQUIL (février 2006)
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La belle au bois dormait
Pour Kanel
Les branches sans nom échouées à la dérive des continents
Bois flottés, racines abandonnées
Fin du cycle du sommeil
Les lignes du rêve et les rêves en femmes, terres cristallisées
Les formes fatales échappées belles
Aux corps mythiques et multiples
Vénus sans tabous offertes à la blessure originelle
Méandres et mélanges de douceur en déchirures
La peau lisse
Greffes des fantasmes et souvenirs morcelés
Surgissantes
Nature modelée à la surface de nos mains
Fusions de femmes
Réveillées.
Julie BESSARD (mars 2006)
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La nature, elle EST.
Les œuvres de Kanel Brosi nous rappellent d’abord que la nature est inimitable.
« La nature, elle EST. »
C’est pourquoi ses sculptures, avant de figurer un corps, et plutôt que d’être des représentations construites, sont avant tout le résultat d’un choix : le bois flotté, fragment abstrait et anonyme, indifférencié dans le chaos des débris rejetés par la mer, attend le regard avisé d’une artiste pour prendre du sens.
Cette forme naturelle, création préexistante, ne sera ni modifiée, ni imitée, et deviendra dans tous les sens du terme l’âme de la sculpture.
L’argile, autour des contorsions élégantes du bois, redouble et met en scène son envolée dans l’espace. Entre bois et terre se joue la relation ambiguë du vivant et du mort : le bois, os blanchi au soleil, retrouve chair, la masse informe de l’argile s’élance, échappant enfin à l’immobilité.
Ils n’accèdent à la vie qu’ensemble.
C’est là l’espoir et la difficulté contenus dans toute représentation : échapper à la fixité intrinsèque de la forme, lui donner vie.
Pari gagné dans ces œuvres où travaillent de concert – et non plus face à face – la nature et l’artiste, l’une apportant sa puissante vitalité, l’autre construisant le sens, dans une sensuelle harmonie.
Marie-Christine TOUSSAINT
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Femmes, je vous aime.
C’est une profonde émotion que d’entrer dans la très belle et très lumineuse Galerie « Arts Pluriels », et d’y serpenter entre les saisissantes pièces réalisées par Kanel Brosi et Brigitte Lamure. Et c’est vrai qu’il est surprenant d’admirer, dans une permanente tension érotique, la ronde quasiment ininterrompue des formes joliment dessinées et des chairs élégamment façonnées des corps féminins, par deux femmes artistes. Dans les bois et les couleurs, à travers les protubérances et les cavités, c’est effectivement la femme qui est chantée, représentée et encensée par les mains magiques des deux sculptrices qui ont su, en récupérant de belles matières nobles comme le bois et en y ajoutant des pigments, nous offrir des symboles de beauté dans un émouvant ballet de statuettes, qui semblent danser dans le brun et l’amarante, dans le noir et dans l’incarnat.
Sources de Vie
Qu’elles soient dressées ou allongées, tendues ou offertes, les créatures qui se présentent à nos yeux comme elles tournoient dans nos phantasmes, nous offrent toutes les courbes enchanteresses dans les positions les plus voluptueusement variées. Et comme si elles explosaient dans une salve amoureuse, d’opulentes protubérances, sphères dilatées gorgées de bien-être, se présentent impudiquement dans le volume charnel de leurs rondeurs libérées, en décorant et en honorant les bustes qui les portent. Partout, l’amour est embusqué dans les fossettes et dans les plis, dans la profusion des mamelons gonflés et des anfractuosités mythiques. Car toute la femme est dans ces bois et dans ces alliages de matériaux, comme si l’arbre et l’argile nous donnaient à connaître les mystères de l’amour.
Il ne faudrait pas non plus omettre les superbes fesses et les profils qui vont parfois jusqu’à indiquer la grossesse, fondamental accompagnement du corps féminin, et rappel imparable de la compagne de l’homme, et qui est aussi son avenir. En effet, la dureté des pointes agressives sur des sommets mammaires n’est pas que l’axe du désir masculin, car il serait regrettable de ne pas souligner qu’il s’agit, d’aussi loin que vienne le genre humain, de la source de vie pour l’enfant qui naît. Et à ce propos, peut-être pourrait-on respectueusement discuter la manière dont a été nommée l’exposition. En effet, « ex-nihilo » nous fait remonter loin dans le temps, en amont de la mère nourricière, c’est-à-dire jusqu’à la mystérieuse naissance du monde, et pour certains jusqu’à une intervention céleste.
L’avenir de l’homme
Cependant, le sous-titre « Le hasard apprivoisé » est une fort perspicace appellation pour les inexplicables mystères, car depuis toujours, l’homme s’est arrangé pour expliquer les obscurs secrets, en inventant une myriade de divinités et de rites. Mais à l’image de ceux qui ont inventé une vierge pour donner naissance à leur messie, il est évident que sans la femme, la vie ne serait pas. Aussi est-ce pourquoi les tétons érigés, les « tété doubout » et les nichons pointés restent et demeurent, durent et perdurent, et continueront « in secula seculorum » d’entretenir la vie. Et le côté grec antique de certaines œuvres, au même titre que les globes noirs des mamelons gonflés, tout cela indique l’éternité et l’universalité de la chose, tant sur le plan symbolique que sur le plan esthétique.
Merci, donc, aux deux artistes, conscientes sans doute du rôle de leur sexe, fières éventuellement de leur féminité, persuadées à n’en point douter de la profonde importance de la chose, et dotées l’une comme l’autre de remarquables qualités. Et dans la dangereuse et stagnante société d’aujourd’hui, n’ont-elles pas dans leurs veines différents sangs qui coulent ? C’est à ce titre que le message transmis par leur exposition outrepasse l’art en rejoignant la philosophie. Toutes deux sont les chantres de la vie, de la beauté et de l’espoir, et lorsqu’on découvre, dans la galerie, des totems, véritables mâts qui portent des seins et non des drapeaux, on ne peut que sourire avec les yeux mouillés par l’attendrissement. Merci, et bravo, à Kanel et à Brigitte, militantes de l’intelligence et de la beauté, et conscientes avocates de la femme, de son charme et de son rôle.
Pierre PINALIE
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Amalgame
(…)
l’amalgame est un seuil
un saut à franchir
une rondeur reconnue
de ce point sur le pont
accoudé au bastingage libéré de la terre
sois l’un de ces grands oiseaux qui gîtent sur des îles de lune
vogue hors de toi-même sur l’une de tes infimes plumes
(…)
chacun après avoir tracé son cercle
le porte par la suite en lui
roule pour lui
sécrète son âme
(…)
la trajectoire consiste à s’enrouler sur soi-même
s’entortiller afin de reconnaître les nœuds
les parcours, les voix, les traces,
la texture, les grains, les serpents
les moissons, les défaites
les coquelicots dans le vent d’est
(…)
retrouver le son et la musique de la mer
l’identifier comme voix première
esprit, regard, matière
libre, de toutes choses
(…)
l’amalgame est un seuil
un saut à franchir
une rondeur reconnue
(…)
Serge GOUDIN-THÉBIA
(extraits – pour Kanel)
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Pour toi Cannelle
En merci de l’étonnement chaque fois provoqué
Elles sont toutes là nées de ces bois
Bois trouvés Bois cherchés
Bois dénichés Bois conquis
Bois travaillés Bois caressés
Bois offerts
Elles sont toutes là
Tantôt dressées pour dire la liberté
Racontant parfois la danse et la musique
Sensuelles lascives scandaleuses
Attirant la main pour la caresse
Caresse douce caresse rugueuse
Tête coupée en Joséphine décapitée
Aigle noire sans le chant de Barbara
Dame Violoncelle Tropic Cancan
Dame Scorpionne seins dard en avant
Dame blanche surgie de la mer
Mama Africa cambrée ouverte ancrée
Princesse Tam-Tam Black Dance
Méridienne Flamande Préhistorique
Elles sont aussi Mère et Fille
Dans l’amour la douleur de l’enfantement
L’œil se promène voyageant dans les bois
Dans ces bois offrant courbes et sexes
Ces bois vus apprivoisés
Au fil du temps
Ces bois devenus Totems
Ces bois qui font chanter l’imaginaire
Ces bois perdus dans les sous-bois
Ramassés sauvegardés recréés
Devenus
Ces femmes
Nées du regard de l’artiste
De la main
En caresses de bois.
Widad AMRA (mars 2006)
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Antilla, le 1er mars
… C’est à partir du 8 mars prochain, en clin d’oeil à la journée Internationale des Femmes, que la galerie Arts Pluriels proposera d’aller à la découverte d’une nouvelle exposition, de sculpture cette fois-ci. singulière et originale puisque née d’une double rencontre, celle de deux femmes en création, mais aussi celle de deux matériaux nobles:
Le bois et la terre. symboles ô combien référents aux deux entités féminines que sont la Terre nourricière et la Mère Nature.
Plus d’une quarantaine de sculptures seront présentées, oeuvres uniques, qui bien que la démarche créatrice puisse sembler être commune, sont en réalité marquées par la personnalité et la mise en oeuvre propre à chacune des artistes.
Kanel était dans [es « bâtons » désireuse d’y ajouter quelque chose. .. mais quoi? Brigitte était dans « la terre », dans la nécessité d’épanouir une forme autour d’un support, le bbâton? Pourquoi pas!
De ce désir et de ces impasses sont nés un dialogue. l’amorce d’une dynamique commune: récolter et chercher ensemble «La trouvaille«, créer cette complicité entre bois et terre, tailler et modeler. poncer et polir pour aboutir à la métamorphose d’une seconde vie donnée.
Chacune ensuite, tout en partageant le plaisir de la chasse aux trésors et celui de la démarche plastique a emprunté un chemin propre, avec sa personnalité et son vécu singuliers, ce que l’originalité des pièces produites donnent à voir pour notre plus grand plaisir.
Qu’elles soient sensuelles, hiéra. tiques, fantaisistes. impudiques, maternelles, ou encore sacrées… c’est un bel hommage qui est rendu à la Féminité. au travers de cette exposition que Kanel et Brigitte, artistes et complices, définis. sent encore comme un « Duo en solo’….
Revue de presse et commentaires