L’écrivain algérien Kamel Daoud, visé par une fatwa dans son pays d’origine, a reçu mardi le Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête. Bernard Pivot évoquait en octobre dernier […] ce roman virtuose, à la fois un complément et une suite à L’étranger d’Albert Camus. Relisez sa chronique.
L’assassin a un nom : Meursault. Mais sa victime n’en a pas. L’écrivain se contente de l’appeler l’Arabe. Sur une plage d’Alger, Meursault a tué l’Arabe de cinq balles de revolver. L’Étranger, paru en 1942, n’a plus cessé d’être lu et relu. C’est le roman le plus célèbre, le plus emblématique, le plus commenté d’Albert Camus. Il commence par une phrase légendaire : « Aujourd’hui, maman est morte. » Meursault ne pleurera pas à l’enterrement de sa mère et c’est principalement à cause de cette froideur, de cette insensibilité qu’il sera condamné à mort. Il a refusé de paraître ce qu’il n’est pas, autrement dit de mentir. Il regrette moins son crime que l’ennui qu’il éprouve à en répondre. Voilà une attitude intolérable qui sera punie, au nom du peuple français, par « la tête tranchée sur une place publique. »
On n’a cessé de peser les états d’âme de Meursault, de gloser sur son indifférence. Mais sa victime, l’Arabe, qui s’en est soucié? Il est mort, et on n’en a plus parlé. Tué par balles, et plus encore par oubli, par dédain, passé par profits et pertes de la comptabilité littéraire. Mais il avait bien une famille, une histoire, un nom, ce mystérieux Arabe? Soixante-dix ans après sa mort, l’Algérien Kamel Daoud lui a donné tout ça dans son admirable premier roman, réussite exceptionnelle, écrit dans la langue même de l’assassin et de Camus : le français. Meursault, contre-enquête est à la fois le complément et la suite de L’Étranger, ainsi que son habile et digne commentaire par la fiction…
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