A 34 ans, le rappeur de Sevran au ton crépusculaire, propulsé par Booba, est devenu le maillon fort du hip-hop hexagonal.
— Par François-Luc Doyez —
Dix ans pour essayer, quarante secondes pour réussir. Après une décennie dans l’ombre, la carrière de Gnakouri Okou, alias Kaaris, a décollé avec les douze mesures sur le titre Kalash. Le rappeur de Sevran (Seine-Saint-Denis) a été invité sur l’album de Booba à côté de poids lourds américains, Rick Ross et 2 Chainz. Il est alors presque inconnu, mais son petit couplet marque durablement les blogs spécialisés et les réseaux sociaux. Son flow lent, puissant, son écriture visuelle et macabre donnent aux thèmes éternels du rap hardcore, la violence, la drogue et les filles, une tonalité crépusculaire qui aligne les planètes du hip-hop. «Continue à glousser / J’te fume et je roule un trois feuilles / Tes ongles continuent à pousser / Tu pourras griffer ton cercueil.»
Comme tous les coups réussis, celui-ci avait été bien préparé. Mehdi Mechdal, alias Therapy, beatmaker d’une bonne partie de l’intelligentsia du rap français, couvait et peaufinait Kaaris depuis plus d’un an. «Je l’ai rencontré grâce à Booba qui m’avait dit : « Il a vraiment un truc. » Quand j’ai monté mon label, je l’ai signé très vite. On a bossé énormément en studio.» Kaaris se souvient : «Therapy m’a dit : « Ralentis, laisse le temps à l’auditeur de digérer la punchline. » Il y a eu un gros travail sur mon flow», se rappelle Kaaris. «Je n’ai aucune peine / J’te nique ta race / Dans les veines / Je n’ai que de la glace / J’veux savoir ce que ça fait de prendre leur place / J’m’entraîne à sourire devant ma glace.»
Un an plus tard, le rappeur a changé de dimension. Il est devenu un maillon fort du hip-hop français. Son album Or noir, sorti en septembre, s’est vendu à près de 70 000 exemplaires. Nous le rencontrons au fond d’une zone industrielle de Bondy, dans le petit bureau de Therapy Music, son label. Air Jordan aux pieds, capuche relevée et lunettes de soleil qui ne le quitteront pas, le rappeur porte le parfait uniforme du thug (bad boy), mais ne se fait pas mutique lorsqu’il s’agit d’évoquer son parcours. «J’rappe sale, tellement avarié / Que même ces putains de rats attrapent la diarrhée.»
Lire la suite
http://next.liberation.fr/musique/2014/04/10/kaaris-l-effet-flow-lent_994733