Caracas – José Gregorio Hernandez (1864-1919), « le médecin des pauvres », qui doit être béatifié vendredi, est déjà adulé comme un saint depuis près de 100 ans au Venezuela où sa moustache, son chapeau, sa tenue impeccable et son regard serein forment désormais une icône qu’on pose sur les autels des lieux de culte et des maisons.
Le docteur qui soignait gratuitement les pauvres, notamment pendant l’épidémie de grippe espagnole qui a ravagé le pays au début du siècle dernier, fait désormais partie des figures de l’histoire du pays.
Il dépasse même le héros Simon Bolivar (1783-1830) assurent certains Vénézuéliens. Pour nombre d’entre eux, sa béatification vendredi n’est qu’une étape avant sa canonisation future.
José Gregorio Hernandez est né le 26 octobre 1864 au sein d’une famille catholique dans le petit village andin de Isnotu, enclavé dans l’ouest du Venezuela.
Aîné d’une fratrie de six frères — une soeur aînée est morte à la naissance — JGH, comme il est souvent surnommé aujourd’hui, se rend à Caracas pour ses études à son adolescence. Le voyage prend alors trois semaines en mule, bateau et train…
Diplômé en médecine en 1888, il se rend, grâce à une bourse, à Paris où il parfait ses connaissances côtoyant des professeurs à la pointe de la recherche à l’époque. Il se rend aussi à Berlin.
De retour au Venezuela en 1891, il introduit notamment le premier microscope et fonde l’Académie nationale de médecine. Il donne des cours à l’Université centrale du Venezuela (UCV) se montrant pionnier sur le continent notamment dans le domaine de la bactériologie.
Mais il s’illustre surtout face à la grippe espagnole, donnant de sa personne pour les plus pauvres. Il soigne gratuitement et donne parfois même de l’argent à ses patients.
« Il est moderne« , explique le nonce apostolique Aldo Giordano, qui doit présider la cérémonie de béatification. Le nonce souligne la proximité entre sa vie et « la réalité que nous vivons aujourd’hui » avec la pandémie de coronavirus.
« D’un côté il a été un grand scientifique, un grand médecin, un grand professeur. Mais de l’autre, il a vécu sa vie comme une vocation à la lumière de l’Evangile. En tant que croyant, il a choisi les plus pauvres, les derniers de la société. Comme médecin, il a consacré sa vie aux pauvres« , explique-t-il.
– Jeune fille miraculée –
Hernandez, qui a envisagé d’être prêtre et ne s’est jamais marié, est décédé en 1919 à l’âge de 54 ans, renversé par une voiture alors qu’il se rendait chez un patient.
Des milliers de personnes assistent à ses funérailles. « Derrière le cercueil, tous nous sentions le désir d’être bons« , écrit Romulo Gallegos (1884-1969), un des plus grands écrivains vénézuéliens et président en 1948.
Son aura va alors dépasser le simple rite catholique. Il fait notamment partie de la « santeria« , le culte des saints proche du vaudou haïtien ou du candomblé brésilien, mais aussi plus largement de l’inconscient collectif. On le prie, on le sollicite.
Les catholiques lui demandent des faveurs depuis des années. En 2017 quand Yaxury Solorzano, 10 ans, reçoit une balle dans la tête, sa mère se tourne naturellement vers le médecin des pauvres pour la guérison de sa fille.
Selon l’enquête de la Conférence épiscopale vénézuélienne, la mère aurait alors senti une main se poser sur son épaule et une voix lui dire : « Sois tranquille, tout ira bien« . Sa fille gravement blessée, guérira. Elle sera présente vendredi à la cérémonie de béatification.
En juin 2020, le miracle est reconnu et le pape François signe le décret de béatification. Des milliers d’autres Vénézuéliens étaient déjà ou sont persuadés d’avoir bénéficié de miracles du défunt médecin.
Trois religieuses vénézuéliennes avaient été béatifiées avant lui, mais aucune n’a le rayonnement de José Gregorio Hernandez car, comme le résume El Cojo Ilustrado, une revue contemporaine du médecin, celui-ci avait « une science qui ne s’apprend dans aucune académie. La science de savoir se faire aimer« .
Source : AFP / RTL.be