–— Par Robert Lodimus —
« L’engagement politique naît de la réflexion sur la foi qui exige un changement. »
(Leonardo Boff)
Mercredi 13 mars 2013. La terre entière a les yeux rivés sur la Place Saint-Pierre. Le conclave délibère depuis 24 heures pour élire le 266ème pape qui remplacera Benoît XVI. La surprise est générale. Cette annonce de démission inattendue est tombée comme un couperet sur la tête de la journée du 11 février 2013. Pour la première fois dans l’histoire de l’Église catholique romaine, un pape renonce à poursuivre son pontificat jusqu’aux portes de l’éternité. Vers 19h06, alors que le manteau foncé de l’angélus achevait de se déployer sur la ville de Rémus et Romulus, une fumée blanchâtre s’échappe de la cheminée de la chapelle Sixtine. La foule, composée de fanatiques et de curieux, dont la plupart venus de loin, applaudit. Les bras sont levés. Et les mains pointées vers le ciel, en signe de remerciements au divin Créateur. La Cité de l’État du Vatican a trouvé son nouveau Chef en la personne du cardinal argentin Jorge Maria Bergoglio. Désormais, on l’appellera le pape François. Tout court. Fait tout à fait symbolique et inusité, nous apprenons par le cardinal protodiacre, Jean-Louis Tauran, que le remplaçant de Benoît XVI a refusé d’adjoindre un déterminant ordinal au nom qu’il s’est lui-même choisi pour son règne en mémoire de saint François d’Assise, le saint des pauvres. Le Saint-Père n’occupera donc aucun rang parmi les futurs « François » qui appartiendront à la lignée papale. Ce qui est encore plus surprenant, celui qui est la voix de Dieu sur la terre, qui détient le pouvoir d’absoudre les péchés des fidèles, du balcon de la loge des bénédictions, demande à la foule de prier pour le Pontife suprême. L’ère de François annonce déjà ses couleurs de controverse.
Jorge Maria Bergoglio est né en 1936 en Argentine. Ce pays possède une épopée historique connue sous le nom de la révolution de Mai. Manuel Belgrano, avocat, intellectuel révolutionnaire, l’un des artisans de l’indépendance de cette région de l’Amérique du Sud, est d’origine italienne par la consanguinité, comme Jorge Maria Bergoglio. En 1810, le général Belgrano engagea le combat avec ses compatriotes contre les occupants espagnols. Six années plus tard, en 1816, l’Argentine se débarrassa définitivement des conquistadors castillans.
L’Amérique latine demeure une région du monde qui permet à l’historiographie contemporaine de retracer une multitude de religieux catholiques qui ont interrogé les rapports entre « foi » et « pauvreté » et qui se sont engagés courageusement dans la lutte – même armée – aux côtés des masses populaires. « L’homme ne vit pas seulement de pain. », disent les Écritures. Mais l’adverbe « seulement » implique « qu’il vit aussi de pain ». La religion, par les sermons qu’elle prône depuis la nuit des temps, paraît avant tout un lieu de ramassis de gueux qui cherchent follement le « chemin du paradis » pour oublier les dures et pénibles réalités de la vie terrestre. « Heureux les pauvres en esprit, car ils hériteront le Royaume… » L’Église de Jésus-Christ est indiquée sur la carte de l’existence comme un repaire de soulagement et d’espérance pour les opprimés de la faim, victimes du « capital ». Au milieu du torrent de désolation humaine, le Vatican, micro État bourgeois, s’incombe lui-même le rôle discret de vulgarisateur d’un discours résignationniste d’apaisement social pour protéger les avoirs des nantis qui engraissent ses « troncs » contre la colère explosive des milliards de dominés et d’exploités. Cette année, le magazine américain Forbes a recensé 3028 milliardaires sur la planète. Elon Musk, le PDG de Tesla et SpaceX, arrive en première place avec un patrimoine évalué à 348 milliards de dollars. Selon le magazine français, « Capital », « entre 2015 et 2024, la fortune totale des milliardaires a augmenté de 121% dans le monde, passant de 6 300 milliards de dollars à 14 000 milliards de dollars. »
Un pape aux idées révolutionnaires
Depuis l’arrivée du pape François à la Cité du Vatican, l’enseignement doctrinal du catholicisme a effectué un virage politique à 90 degrés. La « parole » de François, au grand étonnement des cardinaux conservateurs enfoncés jusqu’aux oreilles dans la corruption et la perversion, se libère de l’étau du pharisaïsme entretenu depuis deux millénaires au sein du Saint-Siège. Elle est devenue à la fois la « Voix » de la sanctification de l’esprit, de l’éveil de la conscience, de la dénonciation de l’injustice. Bref, de la « Révolution » religieuse, politique, sociale, économique et culturelle. L’Église de Rome, sous le règne et l’emprise de François, s’efforce de mettre les pauvres en face de leurs responsabilités individuelles et collectives. Lutter reste donc un devoir sacré que confèrent les droits naturels et inaliénables.
La théologie de la libération a pris naissance en Amérique Latine. De grands noms d’archevêques, de prêtres, de théologiens, comme Gustavo Gutiérrez, Léonardo Boff, sont attachés à cette philosophie chrétienne qui prêche l’affranchissement des masses indigentes de la dictature de la misère. Le cas de Monseigneur Oscar Romero mérite d’être rappelé. Pour avoir défendu les paysans pauvres de son diocèse, il fut lâchement assassiné à San Salvador le 24 mars 1980, pendant qu’il disait la messe. Un mois avant son exécution affreuse sur l’autel sacré où il officiait, le prélat s’était adressé au président Jimmy Carter sur la question brûlante de l’aide militaire des États-Unis accordée au gouvernement d’extrême droite qui s’était emparé du pouvoir, et qui persécutait les habitants. En 2015, le pape François, conformément au Jus canonicum (le droit canonique), a ouvert le procès de canonisation de Mgr Oscar Romero. Reconnu martyr religieux et béatifié, celui qu’on appelait « la voix des sans voix » est canonisé à Rome le 14 octobre 2018 par le successeur de Benoît XVI. Grâce à François encore, Leonardo Boff, auteur de « Église : charisme et pouvoir », a pu se rapprocher de l’Alma Mater, après en avoir été éloigné par plusieurs régimes pontificaux.
L’idéologie religieuse, sociale et politique du pape François est ancrée dans les ouvrages de Gutiérrez et de Boff. Le leader catholique, qui a vécu et exercé son ministère dans une zone d’inégalités, est parvenu à comprendre que le « spirituel » est intimement lié au « réel ». L’être humain est « esprit » et « chair ». En même temps qu’il œuvre à « sauver son âme », il doit avoir les « moyens d’exister ». L’Église est située à l’intérieur du monde. Elle ne peut pas être un témoin amorphe de sa « désespérance ». Elle doit marcher – comme l’apôtre Pierre assassiné en compagnie des chrétiens persécutés – avec les victimes. Et non avec les bourreaux.
Le pape François, au sens où le comprend Graham Greene, a choisi son camp. Depuis longtemps. Homme d’une grande humilité, il a su allier « amour » et « sagesse » pour réconforter et accompagner ses semblables qui aspirent à un monde de fraternité, de justice et de paix. De bien-être inclusif. Il incarne à sa façon le « Dalaï Lama » de l’institution catholique globale. Ce mot signifie « Océan de Sagesse » dans la langue tibétaine.
Et pourtant
Aucun descendant des esclaves noirs ne pardonnera à la Curie romaine d’avoir aidé le féodalisme capitaliste à construire la plus grande machine de l’exploitation humaine en Amérique et en Afrique. Les dicastères du Vatican, comme l’Espagne, la France, l’Angleterre, la Hollande… se sont rendus coupables du plus grand crime que l’humanité ait porté en son sein. L’esclavage suggéré et appuyé par l’Église de Rome est une barbarie irrémissible. « Inabsolutionnelle ». Accordez-nous, s’il vous plaît, ce néologisme. Dans quelle mesure les tortionnaires, qui l’eurent inventée et pratiquée pour s’enrichir improprement, avaient-ils conservé la prétention que l’histoire les eût absous d’une pareille monstruosité?
Les esprits lucides se demandent étonnamment encore : « Au nom de quel « dieu » sectaire et impitoyable, les colons espagnols, français, anglais furent-ils parvenus à élever dans la Caraïbe cette stèle de cruauté qui se compare à la grandeur de l’infini? » Rien que d’évoquer le « temps de la colonie » que Michel Sardou, le chanteur français – pourtant vénéré dans les Antilles françaises et certains pays d’Afrique – estime « béni », fait bouillir notre sang de rage. Et c’est peut-être bien à cause de ces histoires et de ces actes macabres liés aux horreurs et aux atrocités de l’époque esclavagiste que le mot « Gobineau » est sans nul doute devenu synonyme de « racisme » et de « goujaterie ».
En principe, les arrière-petits-fils des Africains qui ont avalé des mélasses de torture dans les plantations de canne à sucre de Saint-Domingue auraient toutes les raisons du monde de ne pas porter la Place Saint-Pierre dans leur cœur : ce lieu pourtant digne de mémoire et de recueillement, témoin du massacre des innombrables martyrs chrétiens que le cruel Néron fit crucifier, brûler vifs ou manger par les lions à la suite de l’incendie de Rome en l’an 64 après Jésus-Christ. L’historien Bernard Lecomte, lorsqu’il aborde le sujet épineux et controversé du Vatican utilise les mots : drames, crimes, intrigues, infamies…(1) Il existe donc au cœur de cet « État bimillénaire » une situation de décomposition politico-religieuse qui s’apparente à toutes les formes d’hostilités et de rivalités dues à la lutte de pouvoir inhérente aux gouvernements laïcs des sociétés mondaines.
La décision de Benoît XVI de démissionner de sa fonction pontificale est survenue une année après le scandale « Vatileaks », les fuites au Vatican, qui a conduit à l’arrestation et l’emprisonnement du majordome accusé dans cette affaire épineuse, Pablo Gabriele. Le président de la banque du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi, n’a pas échappé lui non plus au limogeage. Il n’a pas pu fournir des détails précis sur les causes qui ont provoqué l’éparpillement de certains documents officiels, tenus secrets par le Saint-Siège.
Au cours de son pontificat, le pape Benoît XVI n’est jamais parvenu à avoir le contrôle véritable de la Cité du Vatican, cette institution complexe, considérée comme étant le plus petit État du monde et le plus riche, qu’il était censé gouverner. Le souverain pontife constatait regrettablement que la main du destin, le sien, l’avait conduit dans un « monde occulte et foisonné », exactement comme l’a décrit l’essayiste John Thavis (2) dont nous avons repris les mots guillemetés. John Thavis constate que le Vatican est « un microcosme où le carriérisme clérical l’emporte sur le devoir sacré de l’Église. » En langage cru, sans voile, nous avons déduit que l’auteur de « Les dessous du Vatican » nous présente un micro État théocratique sulfureux, un univers de pouvoir impitoyable, contaminé par les relents de félonie hérités probablement de la monarchie gréco-romaine de l’antiquité; enfin, une arène de vices et de conspirations où tous les coups bas y sont envisagés pour permettre aux chevaliers en soutane blanche et noire de bénéficier des faveurs pontificales. En ce qui concerne le départ à la retraite de Benoît XVI, les journaux italiens, dont le quotidien La Republica, ont étalé des révélations étourdissantes. Ils affirmaient avoir consulté des documents accablants qui auraient fait état de pression immorale exercée sur le prélat suprême par un « lobby gay » composé d’évêques et de prêtres hostiles à son règne. Ces derniers auraient donc triché avec toutes les mauvaises cartes pour forcer le pape émérite à chercher lui-même le chemin de la grande porte. Benoît XVI, toujours selon la presse locale et étrangère, nourrissait l’espoir que son successeur allait pouvoir opérer les réformes nécessaires pour redresser la barque de la Curie romaine. Naturellement, comme les observateurs s’y attendaient, le porte-parole du Saint-Siège, Federico Lombardi, avait vite fait de rejeter du revers de la main ces informations qu’il qualifiait sévèrement de rumeurs fantaisistes. Étaient-elles vraiment sans fondement? Le Figaro, L’Express, Le Monde, etc. n’ont-ils pas fait écho des aveux du pape François le 6 juin 2013 aux responsables de la Confédération latino-américaine et des Caraïbes des religieux et religieuses (CLAR) concernant l’existence d’un groupe de prêtres et de prélats homosexuels et pédophiles de la Curie qui baignent dans la corruption politique, économique et financière la plus immonde? C’est le site catholique Reflexión y Liberación qui a ébruité le contenu de la rencontre. Voici ce que le pape François a dit : «Dans la Curie, il y a des gens saints, vraiment, mais il y a aussi un courant de corruption». «On parle de « lobby gay », et c’est vrai, il existe. Il faut voir ce que nous pouvons faire. »
Nous n’en croyions pas nous-mêmes nos oreilles lorsque nous avons entendu dans un documentaire télévisé le témoignage d’un journaliste italien qui s’était fait passer pour un homosexuel à propos d’un évêque du Vatican. Celui-ci lui aurait déclaré en souriant :
« Mon plus grand fantasme serait d’avoir un rapport sexuel avec toi sur l’autel de la Basilique saint Pierre où les évêques ont l’habitude de dire la messe. »
Carmelo Abbate a même parlé de « débauches orgiaques » au sein de la Cité dans son livre « Sexe au Vatican » publié en 2011.
Toutes les religions du monde entretiennent leurs nids de corruption et de perversion. Qui n’a pas encore lu sur « seneweb.com » l’histoire insolite de ce pasteur protestant brésilien, Valdeci Sobrino Pocanto, emprisonné à Apore (Brésil) pour avoir forcé ses fidèles de sexe féminin à lui faire des « fellations » et à avaler son sperme, sous prétexte qu’il contenait du lait sacré qui purifiait le cœur et sanctifiait l’âme? Et même en prison, le psychopathe n’avait pas cessé ses pratiques abominables. Il était arrivé à aliéner quelques uns de ses compagnons de cellule, avant qu’il ait été encore une fois dénoncé par les détenus qui rejetaient ses sermons.
Une mission courageuse
Le pape François a toujours gardé les yeux ouverts sur les malheurs des petites gens. Son discours dérange les « chiens de garde » du système de société capitaliste qui motorise les pales d’inégalités qui, elles-mêmes, tournent toujours dans le sens de la destruction et de l’exploitation des peuples vulnérables. Comme tous les « Sages » qui ont marqué leur époque, et dont la plupart ont achevé leur existence sur le bûcher ou sur la croix, l’Homme de piété a choisi de parler, de dénoncer le « mal du siècle » pour libérer sa conscience de la peur et de l’insouciance complice. Et à dire vrai, aucun individu ne devrait prendre l’habitude irresponsable de se taire devant le fléau de la « pauvreté extrême » qui ravage la grande majorité des populations disséminées sur les cinq continents. La mer de l’Italie où est érigé le « Royaume » du catholicisme est devenu le nouveau cimetière des Africains qui fuient les persécutions politiques et les douloureux manquements économiques. Les derniers chiffres de cette migration scandaleuse étonnent : 127 000 migrants sont arrivés en 2023 – 2024 aux portes de Lampedusa. Soit le double par rapport à 2022. Parmi eux, de jeunes enfants. Et pour la plupart, sans être accompagnés d’un adulte. La presse internationale a arrêté de compter les victimes malchanceuses que la Méditerranée engloutit parfois – ce qui parait bizarre aux yeux des observateurs – à moins de 10 kilomètres de la terre ferme. Dans la nuit du 18 mars 2015, le drame terrible s’est répété dans les eaux libyennes : 700 Africains se sont noyés. Les tentatives d’explication de cette nouvelle tragédie par les autorités européennes demeurent assez floues. Peu convaincantes. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ne devrait-il pas diligenter une enquête internationale pour éclaircir les zones d’ombre qui seraient reliées à ces cas de noyade spectaculaire dans la mer Méditerranée ?
La « misère honteuse » se mondialise au même rythme que la « richesse éhontée ». Le pape François n’ignorait pas qu’il se retrouvait à la tête d’un empire impérialiste religieux qui a fait l’objet d’un ouvrage à scandale rédigé par l’essayiste et philosophe Avro Manhattan, Les milliards du Vatican. D’autres confessions religieuses découvrent passionnément en l’Église de Rome la « Babylone symbolique » qui est décrite dans le chapitre 17 de l’Apocalypse de Jean :
« Une habitation de démons, un repaire pour tout esprit impur, un repaire pour tout oiseau impur et détestable… »
Mais ce que l’histoire universelle retiendra surtout du pape François, c’est son élan naturel vers les nécessiteux : ces désœuvrés pauvrement vêtus qui viennent s’écraser tous les dimanches sur les agenouilloirs de pénitence, et qui regardent les prêtres, élégamment déployés dans leurs soutanes luxueuses, boire le sang du Christ dans des calices dorés qui scintillent aux moindres fragments des lumières artificielles.
Woody Allen déclare:
« Dieu est un trop grand luxe pour moi. J’ai grandi dans un quartier modeste de Brooklyn… »
Et le philosophe du 7ème art en rajoute :
« Le bonheur de l’humanité ne semble pas avoir été inclus dans le dessein de la Création. » [3]
Woody Allen, l’un des grands cinéastes contemporains, ne blasphème pas. Ce myope génial et phénoménal, qui voit mieux que nous, a pu descendre avec sa caméra dans les bas-fonds de New York et il a fait découvrir aux cinéphiles sensibles des images horrifiques d’un monde méconnu. Nous évoquons, entre autres, ces ghettos de Harlem et de Bronx où se concentrent des nuées de parias drogués, sans instruction et profession, abandonnés totalement aux aléas immoraux et destructeurs des rues pestiférées de la métropole new yorkaise.
Le pape François pouvait fort bien admettre que la « guerre de conscience » qu’il soutenait contre les défenseurs du «néocolonialisme» risquerait de durer des centaines d’années. Et même que l’issue en demeurait incertaine. Néanmoins, les générations futures ne juxtaposeront pas son nom avec celui du pape Pie XII associé à la « germanophilie » sous l’époque hitlérienne. Le silence de ce pontife devant le massacre des Polonais et des Juifs par l’axe du mal lui vaut aujourd’hui encore une réputation douteuse. Peu enviable. D’ailleurs l’historien Léon Papeleux lui en a consacré son ouvrage, Les silences de Pie XII. Papeleux y rapporte l’exclamation d’indignation du jésuite allemand, Alfred Delph, devant le refus de son Chef religieux de dénoncer les horreurs du nazisme. « L’imprudence de saint Jean-Baptiste, a-t-il déclaré en 1943, est-elle morte? L’Église a-t-elle oublié l’homme et ses droits fondamentaux ?» [4]
En 2013, la mairie de Paris a adopté ce slogan que nous considérons comme étant une véritable trouvaille : « Parler des violences, c’est déjà les combattre. [5] » N’est-ce pas ce qu’a fait exactement le pape François, le successeur de saint Pierre, lorsqu’il abordait courageusement les problèmes du génocide arménien en 1915, le massacre des chrétiens par des sectes musulmanes intégristes, la surexploitation des masses ouvrières par l’impérialisme, l’exode des familles persécutées par la guerre ou par la famine vers les mégapoles riches de l’Europe et de l’Amérique à bord des embarcations fragiles qui les conduisent à une mort atroce…
Selon le pape François, la troisième guerre mondiale est déjà commencée. Et c’est bien vrai. Des enquêtes sérieuses révèlent que les puissances nucléaires telles que les États-Unis, la France, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne, LA Russie, la Chine, l’Israël, le Pakistan, l’Inde, la Corée du Nord, etc. sont en train de se préparer à ce qui ne leur apparaît plus comme une éventualité, mais plutôt comme une réalité évidente. Observez vous-même le Moyen-Orient et dites si tous ces foyers de conflits que l’Occident allume chaque semaine ici et là dans cette région chaude déjà qualifiée de poudrière n’annoncent pas l’embrasement prochain de la planète! Et même sa désintégration! La prolifération des armes nucléaires rapproche l’humanité davantage d’un désastre international irréversible et irréparable.
Le pape François prédisait que son pontificat serait de courte durée. Le mot « conspiration » revenait toujours sous la plume des journalistes qui évoquaient l’avenir incertain de son gouvernement. Jorge Maria Bergoglio, emporté par la maladie, risquait-il vraiment de connaître le sort de l’abbé français Guillaume-Thomas François Raynal condamné par le Parlement de Paris et conduit au bûcher le 6 mars 1796 pour ses idées révolutionnaires? Ceux-là qui ont lu quelques uns des dizaines d’ouvrages critiques rédigés sur le petit État de Rome savent comme nous que le Vatican est aussi proche du « Paradis » qu’il l’est de l’« Enfer ».
Khalil Gibran écrit :
« Lorsque l’amour vous fait signe, suivez-le,
Quoique ses voies soient rudes et escarpées.
Et lorsque ses ailes vous enveloppent, cédez-lui,
Quoique l’épée cachée parmi ses plumes puisse vous blesser. [6] »
Le pape François était conscient des risques qu’il encourait en se faisant, comme Jean-Baptiste, la voix d’une certaine vérité. Après tout, à bien y réfléchir, n’est-ce pas la transcendance de la peur qui a permis à des militants progressistes, nobles, illustres et courageux de mériter la cuirasse de l’immortalité? Si François avait vécu avant Plutarque, il aurait certainement figuré dans Vies parallèles des hommes illustres. L’éminent philosophe ne nous a-t-il pas appris que ce sont « les héros qui font l’Histoire [7] ».
Adieu François!
Robert Lodimus
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Notes et références
[1] Bernard Lecomte, Les secrets du Vatican, Éditions Perrin, 2009.
[2] John Thavis, Les dessous du Vatican, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2013.
[3] Woody Allen, Crimes et Délits (Crimes and Misdemeanors), film américain, 1989.
[4] Léon Papeleux, Les silences de Pie XII, Nouvelles Éditions Vokaer S.A., 1980.
[5] Le Figaro, Journal français, 14 août 2013.
[6] Khalil Gibran, Le Prophète, Édition Montagne Poche, 1992.
[7] Max Gallo, Napoléon : Le chant du départ, Éditions Robert Laffont, S.A., 1997.