L’ancien député de la Martinique, Johnny Hajjar, figure emblématique de la lutte contre la vie chère, continue d’œuvrer pour un changement économique structurel dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. À travers ses prises de position et son rôle en tant que rapporteur d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale, il dénonce un modèle économique inadapté, générateur d’inégalités et de précarité dans les territoires ultramarins.
Lors d’une interview, parue dans France-Antilles du 09/09/24, Hajjar a souligné l’aspect prévisible du mouvement social en cours en Martinique. Selon lui, la détérioration constante des conditions de vie, marquée par l’appauvrissement des classes moyennes et l’extrême pauvreté des classes modestes, a inévitablement conduit à cette mobilisation populaire. « La souffrance quotidienne de la majorité du peuple martiniquais est devenue insoutenable », déclare-t-il, ajoutant que les inégalités et injustices se sont accrues de façon alarmante ces dernières années.
Dans ce contexte, Hajjar estime que les acteurs économiques, en particulier les grands groupes agroalimentaires, pourraient agir pour faire baisser les prix de 20 %, simplement en jouant sur la transparence des marges arrière. Cette affirmation, basée sur une enquête menée en Guyane et sur l’observation des marges commerciales dans les collectivités ultramarines, a suscité une levée de boucliers dans le secteur, mais l’ancien député maintient fermement sa position.
Cependant, il exprime également une certaine frustration face à l’inaction persistante de certains acteurs publics et privés. Malgré le travail réalisé au sein de la commission d’enquête, seul le gouvernement territorial martiniquais a réagi en mettant en place des Assises de la vie chère, tandis que l’État et les grands groupes économiques ont adopté une position de retrait. Cette inertie ne l’empêche pas de continuer à plaider pour des solutions structurelles, à court et moyen terme, pour réguler les prix, améliorer les services publics et augmenter les revenus des habitants.
Johnny Hajjar se montre particulièrement critique envers l’Observatoire des prix, des marges et des revenus, qu’il qualifie de coquille vide en l’absence de moyens financiers et humains adéquats. Pour lui, sans capacité de contrôle ni sanctions, les dérives actuelles se perpétuent, aggravant la situation économique des Martiniquais. La transparence des comptes des grands groupes, qu’il juge indispensable, est également au cœur de son discours. Selon lui, tant que ces derniers ne seront pas soumis à une obligation de dépôt des comptes, il sera difficile d’agir sur la formation des prix.
Interrogé sur la potentielle mise en place d’une « double péréquation », une mesure visant à compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique par des mécanismes fiscaux, Hajjar y voit une piste intéressante, mais insiste sur la nécessité d’une action plus large. Il appelle ainsi à une réforme de la fiscalité locale, à la révision de la TVA et de l’octroi de mer, et à une redistribution plus équitable des recettes générées localement.
L’ancien député met également en avant des propositions concrètes pour soutenir les ménages les plus vulnérables, notamment une réaffectation des recettes de TVA à des allocations de solidarité et la création d’une prime de vie chère pour les salariés du privé. Ces mesures permettraient, selon lui, d’atténuer les effets de la vie chère sur les populations les plus touchées par la crise économique actuelle.
Face à l’urgence sociale et économique, Johnny Hajjar appelle de ses vœux une prise de conscience collective, tant au niveau des autorités publiques que des acteurs économiques, pour bâtir un nouveau modèle plus juste et transparent. « Tant que le modèle économique ne changera pas, les injustices et les inégalités perdureront », avertit-il, en espérant que les récents événements déclencheront une mobilisation durable en faveur des réformes nécessaires.
Lire l’entretien sur Fance-Antilles : « Il y a aujourd’hui des faiseurs de prix qui dominent par le pouvoir économique et le pouvoir de marché »