— Par Max Dorléans, (GRS) —
Il aura fallu d’une petite phrase de Joe Biden déclarant qu’ » il est temps que les 1% d’Américains les plus riches commencent à payer leur juste part » pour que tout ce que l’élite américaine (et mondiale) compte comme réactionnaires et ultraconservateurs, ultralibéraux et opposants à tout Etat social (même minimal), anti progressistes et opposants aux « rêveurs socialistes », vomisse leur tout fraichement élu président démocrate, en le taxant d’individu d’extrême-gauche.
Une petite phrase assortie d’une autre, où il indique sa proximité avec un ancien président américain, Franklin D. Roosevelt, lequel, avait grâce à la mise en œuvre du très fameux New Deal après la crise de 1929 aux USA, permis à son pays de sortir de la crise et de devenir la première puissance économique mondiale.
Une orientation qui à l’époque lui avait valu également d’être taxé de « communiste » (n’oublions pas que la révolution russe datait de 1917, et que l’Europe était dans les années 20/30 lourde de révolutions), alors même qu’il prétendait, ce qu’il a fait, « sauver le capitalisme des capitalistes ». Ce qu’il écrivait clairement dans une lettre où il se plaignait de « l’incapacité des couches fortunées à réaliser qu’il était le meilleur ami que le système du profit ait jamais eu… », se proclamant par ailleurs comme « le sauveur du système du profit privé et de la libre entreprise » …en réponse aux dénonciations de ceux qui présentait le New Deal comme un pas vers « le socialisme ».
Dans le même esprit, on se souvient à la veille de l’élection de Mitterrand en 1981, comment l’immense majorité du patronat et de la droite, s’était liguée pour empêcher la victoire de ce dernier, l’accusant de tout vouloir nationaliser voire socialiser, alors même qu’une très infime fraction des couches ultra-privilégiées, avait expliqué à cette époque, que Mitterrand allait être le meilleur garant de leurs intérêts et du système. L’histoire a donc donné raison à cette infime minorité, puisque Mitterrand a effectivement fait ce qu’il avait proclamé haut et fort, à savoir qu’il n’était pas partisan du collectivisme, mais « un partisan de l’économie de marché », autrement dit du capitalisme.
L’histoire se répète t’elle, avec en effet toujours les mêmes couches les plus fortunées – quelques-uns plus perspicaces mis à part – encore plus cupides et plus rapaces, et tout aussi incapables, de voir par aveuglement, celles et ceux qui comme Biden, sur la base de plans de choc et de nécessaires et habiles concessions, se trouvent être les meilleurs défenseurs de leur système capitaliste.
En l’occurrence ici, il ne s’agit pas seulement d’habiles concessions. En moins de 100 jours, il apporte la preuve avec son gigantesque plan de soutien à l’économie, qu’il entend tout faire pour non seulement sauver le capitalisme américain, mais également lui maintenir sa place de première puissance mondiale. Un programme de 400 milliards de dollars d’aides concernant les 10 millions d’américains n’ayant pas retrouvé leur niveau d’emploi et de revenus d’avant la crise, et qui se traduit par le versement de chèques de 1400 dollars à chaque citoyen américain gagnant moins de 75000 dollars par an, pour chacun de ses enfants ; un programme qui s’ajoute aux 3100 milliards de dollars (en plusieurs tranches) mis en place pour la bataille contre le Covid ; un programme encore de 2250 milliards de dollars pour rénover les infrastructures, lequel côtoie un autre programme de soutien à l’enseignement de 1000 à 1500 milliards de dollars…
Alors, Biden gauchiste ou dirigeant lucide et prétendant sauveur du capitalisme américain en crise mettant en œuvre un programme pour d’abord sauver le capitalisme américain, et dans son sillage, l’économie mondiale ?
Ces jours-ci, aux USA, en France comme ailleurs, on entend à nouveau cette même chansonnette d’une fraction des élites se disant prête, devant l’immensité et l’accroissement des inégalités, à payer davantage d’impôts, c’est-à-dire prête pour le maintien de l’essentiel de ses intérêts et de son pouvoir, à contribuer fiscalement davantage.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas d’aumône que l’immense majorité des peuples, dont le peuple martiniquais, a besoin. Mais d’une autre répartition des richesses permettant la satisfaction de leurs besoins essentiels. C’est ce qui se joue ces temps-ci chez nous, en plus des problématiques récurrentes de chômage, de vie chère, de droit à la santé et l’éducation pour tous et toutes…, avec la bataille sur le chloredécone, et l’exigence de justice et de réparations.
Et ce sont ces mêmes problématiques qui devront être clairement abordées à l’occasion des prochaines élections, et sur lesquelles les différents candidats devront se positionner sans zanzolage.
Max Dorléans (GRS)