— Par Christian Antourel & Ysa de Saint – Auret.
Jeux de massacre, ou comment une expression innocente tirée d’un jeu anodin de démolition se fait litote humoristique d’un phénomène grave à grande ampleur ou encore, comment parler d’un sujet sérieux s’il en est, avec humour et légèreté. Un humours grinçant caustique au service d’une réflexion sur le thème de la mort.
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Eugène Ionesco a toujours eu cette réflexion, cette vibration tentaculaire au plus profond de lui pour tout ce qui de près ou de loin à trait à la mort, mais paradoxalement, son théâtre est parsemé de cette hantise qu’il utilise à contresens, en mettant du burlesque dans le tragique et du tragique sans le burlesque, particulièrement pour cette pièce. Sujet on ne peut plus cruel. Est-ce pour tenter de conjurer le sort que Ionesco aborde le sujet par le biais d’une farce tragique , et ce, pas du tout sur le mode cathédrale adapté , solennelle comme il sied à une coutume devenue, constitutionnelle, humaine et sociale celle-là même qui réclame la pudeur et la décence exprimées sur le ton confessionnal en demi-teintes et demi-mots. Une petite ville semblable à n’importe qu’elle autre , quelconque, est frappée d’un mal qui tue tout le monde sans distinction. La mort personnage central de cette pièce, la seule à se montrer parfaitement impartiale , presque « juste » pour ainsi dire, puisqu’elle met sur le même pied nantis et démunis, jeunes et vieux en nivelant la société à tout point de vue . Fait étonnant, c’est moins la mort elle-même qui est portraiturée voire caricaturée que les êtres humains qui composent cette ville et leurs réactions face à la grande faucheuse .La peur bien sur qui s’empare de tous et génère l’angoisse la méfiance , la méchanceté,, l’obscurantisme, l’ostracisme le dogmatisme même dont font preuve les gens les uns envers les autres jusqu’à la récupération politique quand d’habiles orateurs tentent d’en tirer profits. Toutes solutions utilisées pour lutter, sans succès face à cet adversaire redoutable qui s’insinue partout dans les esprits, les cœurs et met à nu le fond de l’âme humaine. Pour le meilleurs comme pour le pire. Avec tout le comique auquel on s’attend de l’auteur de la Leçon et de La Cantatrice chauve..
L’absurdité du comportement humain
La pièce explore l’absurdité du comportement humain face à la mort et tout naturellement Jeux de massacre plonge le spectateur dans un univers absurde, bizarre et sauvage où tout le monde cherche à profiter de tout le monde par esprit de survie. Ce sont des gens comme vous et moi et tout un chacun réagirait peut-être de la même manière s’il se trouvait là. D’ailleurs l’espace d’un moment, nous sommes à cette place où le besoin de comprendre se fait prégnant « la mort est partout, chez les riches et les pauvres, dans les lieux publics, les hôpitaux à la fenêtre à tous les étages et à tous les coins de rue. Tout est fait pour que le spectateur se sente cerné comme s’il n’y avait pas d’autre échappatoire. » Dans cette mise en scène, la portée métaphysique chère à Ionesco est particulièrement démontrée par de véritables petits bijoux d’inventivité au niveau du décor et des accessoires pour interpeler le spectateur. La situation dramatique est parfaitement illustrée par la mise en scène originale d’autant que la tâche n’était pas aisée avec une quantité de plus de vingt personnages, une alternance constante entre intérieur et extérieur et la simultanéité des tableaux. Tous ces éléments ont participé à la difficile tâche de la mise en scène.
« Et c’est alors que dans le désespoir général, l’anéantissement deviendra la seule solution, permettant de rétablir l’ordre….ou presque. »
En pratique
Une création de L’Autre Bord Cie
Au Théâtre Aimé Césaire
Les 3,4, et 5 mai 2018 à19H30
Le 12 Mai au Centre Culturel du bourg du Lamentin19h30
Le 9 juin au Centre Culturel de Trinité 19h00
Les 10 et 12 juin au CHUM
Informations/réservations 06 96 11 19 75
Texte Eugène Ionesco
Mise en scène : Caroline Savard &Guillaume Malasné
Lumière : Viviane Vermignon
Décors : Dominique Guesdon.
Texte paru dans France Antilles, LE MAG.
Christian Antourel
& Ysa de Saint – Auret.
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