— Par Fabienne Darge —
Si le parcours de nne Moreau au cinéma est impressionnant, c’est au théâtre que l’on pouvait sans doute le mieux sentir l’essence d’une comédienne insoumise et exigeante.
Une reine, impériale et libre. Abîmée, blessée et somptueuse tout ensemble… Si le parcours de Jeanne Moreau au cinéma est impressionnant, c’est au théâtre, où elle a débuté et où elle n’a cessé de revenir, que l’on pouvait sans doute le mieux sentir l’essence d’une comédienne insoumise et exigeante. C’est au théâtre que l’on avait sa présence réelle, son corps, son être tout entier et sa voix, cette voix à la fois grave et caressante, ensorcelante, troublante, qui condensait ce qu’elle était.
Une femme absolument libre, seule en scène et qui, par la magie d’une voix, tient le spectateur captif, ensorcelé, c’est ce qu’elle fut dans un spectacle d’anthologie, Le Récit de la servante Zerline, d’après Hermann Broch, par le regretté Klaus Michael Grüber.
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La Moreau y fit sentir comme aucune autre le poids d’une vie de femme et celui du temps. C’était au Théâtre des Bouffes du Nord, à la toute fin de 1986. Nulle comme elle n’avait cette capacité à habiter le plateau comme si elle y avait été radicalement seule, et à faire entrer le spectateur dans un monde profond et calme, en une intimité totale avec le public. Le spectacle fut un immense succès, avec deux reprises au Théâtre de l’Atelier et une tournée de trois ans, dans plus de quinze pays.
« L’éblouissement de la vocation »
« Intensité de la présence charnelle, force d’évocation du verbe, nuances les plus subtiles de l’intonation, élan poétique et mystère » formaient le cocktail unique du génie d’actrice de Jeanne Moreau, comme l’écrit son biographe, Jean-Claude Moireau, dans Jeanne Moreau, l’insoumise (Flammarion, 2011). La Moreau avait l’art de servir. Elle appartient à cette famille d’acteurs qui, selon le « patron », Louis Jouvet, « progressent par une sorte de distillation de soi, d’insinuation intérieure, de méditation, qui est comme une semence, et gagnent une perfection liée à leur vie intérieure ».
Jeanne Moreau a découvert le théâtre à Paris, pendant l’Occupation…
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