— Par Roland Sabra —
François Gabourg? Un beau grand gaillard à l’humour tendre et féroce qui a déjà publié sept albums de dessins. Voici le huitème pour les fêtes, pour celles et ceux qui seraient en panne d’idée pour les cadeaux, mais surtout et avant tout, au delà de toute futilité, un album pour qui « tente(…) d’interroger nos sociétés, leurs travers, leurs incohérences, leurs injustices.. ». Un ouvrage qui « dessine ce que certains ne voient pas ».
Son dernier opus s’intitule « Georges » un hommage à un « marron » que quelques esprit chagrins et oublieux rêvent de capturer, de mettre en cage et d’exhiber dans un de ces camps de concentration animaliers qu’on appelle zoo. « Georges » est ce crocodile qui depuis plusieurs années nargue en son territoire de la rivière Lézarde chiens et chasseurs de tous poils. Comme le fait justement remarquer François Gabourg dans sa préface les pièges qu’on lui tend sont le reflet de l’aliénation consommatrice de ceux qui tentent de le capturer⋅ On lui propose de la bouffe, du poulet, pas même bokaï, venu des supermarchés, ces temples d’adoration du veau d’or, comme une démonstration de l’incapacité de penser un monde autre en dehors des représentations intériorisées, incorporées des giboyeurs et de bien d’autres… Mais « Georges » est assez malin pour déjouer ces pièges grossiers, images de ceux qui les tendent.
François Gabourg s’il croque avec voracité les situations, les personnages, avec cette capacité, peu commune à mettre le doigt là, juste à l’endroit où ça fait mal, où du moins ça devrait faire mal, le fait toujours avec une tendresse, un amour réel et profond pour son pays qu’il regarde lucidement. L’amour ne l’aveugle pas. Il n’y a aucune méchanceté dans son dessin, juste une distance critique, « un regard éloigné » qui aide à grandir. Les dessins qu’il livre dans la presse sont bruts sans commentaire. L’album « Georges les reprend et les accompagne, de petits textes de l’auteur qui précisent les conditions dans lesquelles ils ont été réalisés, ce qui les a motivés. On découvre un François Gabourg profondément humaniste, curieux du monde de ses racines et du monde de l’ailleurs capable de mettre en épingle les bondas matés, les bondas planches, les bondas ficelles, les bondas turbulents, les bondas 4X4, les bondas mantous et dans le même temps , dans le même mouvement délicieusement iconoclaste de s’émerveiller, au cours de ses voyages, de la sculpture de Rodin Le Penseur ou du tableau de Courbet L’origine du monde.
Le regard d’étrangeté, de celui qui découvre le monde de chaque jour comme s’il s’agissait de la première fois, cette capacité à voir ce que l’on ne sait pas, que l’on ne sait plus voir est celle d’un artiste. De celui donc qui ne cède en rien sur son désir d’enfant et qui nous rappelle sans cesse la question que tout un chacun s’est posé de façon lancinante comme une énigme, oubliée à l’âge adulte : Pourquoi?
Et François Gabourg de nous dire en final que le monde et la Martinique ne vont pas si mal puis que dernièrement Georges « aurait été vu avec une Georgette et ses trois petits à l’embouchure de la Lézarde. Ils avaient l’air heureux. »
Fort-de-France, le 18/12/2016
R.S.
Du même auteur
Aspirir (en collecîif) – 1990
Rouj bitume; _1 (Grève 2009) – 2009
Les Man’kou (débarquement à Paris) – BD; 2009
Rouj bitume 2K( Carton rouj ) 2010
Rouj bitume`3 (Like)_- 2013
Zama et Zita (La dame de la rivière) Livre jeunesse – 2011
Zama et Zita (Le trésor des Caraïbes) Livre jeunesse – 2011
GABOURG.com , 2016
Centre commercial Lafontaine Terreville
97233 Schoelcher
Martinique
www.gabourg.com
francoisgabourg_at_wanadoo.fr
Dépôt [égal : Sepîembre 2016
ISBN I 978-2-9534432-7-1