— Par Wiliam Rolle —
La prochaine exposition-installation de Jacqueline Fabien, artiste martiniquaise, vivant et installée en Bretagne, la parcourant, depuis plus d’une dizaine d’années s’intitule « Ravir », elle se compose de 3 espaces. C’est la présentation d’une collecte : celle de sa vie, celle de ses glanages, pour se rebâtir après avoir dû s’expatrier dans la douleur sans mesure de la perte brutale et sans rémission de son fils adolescent.
Artiste d’abord, Jacqueline Fabien va, caillou par caillou, écrire mille cheminements pour accompagner son fils, petit Roi déchu, dans le pays du gémir et du gésir. Mais nous pouvons aussi entendre « en gésine », un nouvel accouchement car c’est d’abord d’un conte qu’il s’agit (dont elle a aussi fait un film d’art ).
La première partie de l’exposition-installation, une forêt morte, celle des disparus, est très peu colorée, plutôt sombre hormis le soleil Lulu. En Martinique on parlerait d’un Ti-Jean Lorizon, cet enfant qui trace son chemin avec des aventures picaresques vers son destin, en mal du monde des adultes, dans divers paysages.
La seconde partie de l’exposition-installation est consacrées aux rencontres du Petit Roi Déchu avec des personnages fantasques, et de rencontres avec des gens réels, ou peut être non, qu’elle-même a également croisés dans son passé ou son présent. La forêt est si habitée lorsqu’on si arrête, qu’on y dort. C’est l’espace des rencontres, joyeuses et émouvantes, lors des pérégrinations. On y retrouve une brodeuse de rêveries, de couleurs.
Jacqueline Fabien s’essaye à côtoyer toutes les techniques, à ne s’interdire aucun art, noble ou désuet, enfantin ou féminin, coudre, laisser pendre des fils, enfiler des perles, sculpter des petits bouts de bois, mécanique ou sensualité, sensualité et liberté d’une danse avec soi, sans fin.
En 2018 une exposition à l’Atrium de Fort-de-France, intitulé E x a l t e r, proposait des paysages des rivages de deux « Ici » : le Finistère, la Martinique, et une première version de l’installation du petit Roi déchu. Elle y convoquait aussi l’Amour et les corps (« Dos », « Étang-Corps », « Rivières » féminins et masculins).
La troisième partie de l’exposition-installation nous emmène dans « Ravir » qu’elle explique en insistant sur les deux versants paradoxaux du mot : Rapt / Ravissement. Elle est composée des objets, trouvés, récupérés, transformés, magnifiés, des glanages, exercice déjà mis en exergue depuis son travail sur le parc Montsouris.
Il n’y a pour adhérer au paradoxe revendiqué par Jacqueline, que la voie spinozienne à lire lentement ; il s’agit de la proposition XXVII de l’Éthique. Elle est beaucoup plus onirique que Spinoza le conçoit.
« Aussi longtemps que l’homme est affecté par l’image d’une chose, il considérera la chose comme présente, quoiqu’elle n’existe pas et il ne l’imagine comme passée ou future, sinon en tant que l’image en est jointe à l’image du temps passé ou futur. C’est pourquoi l’image d’une chose, considérée en soi seule, est la même, qu’on la rapporte soit au temps futur ou passé, soit au présent ; c’est-à-dire que l’état du corps, ou son affection, est le même, que l’image soit celle d’une chose passée ou future, ou bien celle d’une chose présente ; et par conséquent le sentiment de joie et de tristesse est le même, que l’image soit celle d’une chose passée ou future, ou bien celle d’une chose présente »
Ravir : on trouvera grâce à s’y abandonner.
William ROLLE, août 2023.
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