— Par Catherine Simon —
Quel est le rapport entre un sparadrap « couleur chair », une soirée à la librairie parisienne L’Humeur vagabonde et une canne en bois, baptisée Mormegil, alias « noire-épée, dans la langue de Tolkien » ? La littérature, bien sûr. Plus précisément, une nouvelle vague made in diaspora, incarnée par de jeunes écrivains d’origine africaine, de langue anglaise le plus souvent, et qui vivent (presque) indifféremment, aux deux (ou trois) extrémités de la planète.
Née au Nigeria, Chimamanda Ngozi Adichie, 37 ans, partage son temps entre Chicago et Lagos ; natif du Ghana, Nii Ayikwei Parkes, 40 ans, navigue entre Londres et Accra ; quant à Olufemi Terry, 42 ans, né en Sierra Leone, il se trouve présentement en Allemagne, après avoir grandi au Nigeria, au Royaume-Uni et en Côte d’Ivoire. Le terme d’« afropolitain » (clin d’œil à leur éclectisme cosmopolite), inventé en 2005 par la romancière Taiye Selasi, leur va bien. Eux-mêmes s’en contrefichent. Comme on dirait ici, qu’importe le flacon…
Dans son nouveau roman, le formidable Americanah, à paraître début 2015 chez Gallimard, Chimamanda Ngozi Adichie met en scène une jeune émigrée nigériane de Philadelphie, Ifemelu, qui, entre autres activités, tient un blog. Elle y parle, en long, en large, et jamais de travers, de la race et du racisme. Ainsi, un jour, propose-t-elle à ses lecteurs de faire un test (« Si vous répondez non à la plupart des questions, félicitations, vous bénéficiez du privilège des Blancs », prévient-elle). L’héroïne d’Americanah imagine donc une douzaine de colles. Cela va de : « Quand vous allumez une chaîne de télévision nationale (…), vous attendez-vous à voir surtout des gens d’une autre race ? », jusqu’à : « Quand vous mettez des sous-vêtements couleur chair ou utilisez des pansements couleur chair, savez-vous à l’avance qu’ils ne seront pas assortis à la couleur de votre peau ? »