— Par Morgane Rubetti —
La loi relative à «l’interdiction des violences éducatives ordinaires» a été adoptée le 2 juillet par le Sénat. Comment cette loi sera-t-elle appliquée et quelles seront les sanctions pour les parents?
Le Sénat a adopté mardi 2 juillet la «loi anti-fessée». La France est le 56e pays à se doter d’une loi interdisant totalement ce type de violences, déjà adoptée par une large majorité des pays européens. La proposition de loi vise plus largement à interdire les «violences éducatives ordinaires».
• Que dit le nouveau texte?
À l’origine d’un nouveau débat sur le sujet des châtiments corporels en France, la proposition de loi sera intégrée à au Code civil. À la suite du deuxième alinéa de l’article 371‑1 relatif à l’autorité parentale, un autre alinéa sera inséré indiquant: «L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques».
Une modification sera également apportée au deuxième alinéa de l’article 421‑14 du code de l’action sociale et des familles. Celui indique qu’actuellement, «une initiation aux gestes de secourisme ainsi qu’aux spécificités de l’organisation de l’accueil collectif des mineurs est obligatoire pour exercer la profession d’assistant maternel». Désormais, à la suite du mot «secourisme», il sera précisé: «à la prévention des violences éducatives ordinaires».
Avant le 1er septembre 2019, le Gouvernement devra également remettre un rapport au Parlement présentant «un état des lieux des violences éducatives en France et évaluant les besoins et moyens nécessaires au renforcement de la politique de sensibilisation, d’accompagnement et de soutien à la parentalité à destination des parents ainsi que de formation des professionnels concernés».
• Comment la loi sera-t-elle appliquée?
Pour Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, toute la difficulté relève de l’application de cette nouvelle loi qu’il considère être un «effet de buzz» à la portée principalement symbolique. Le nouvel alinéa du Code civil sera lu à la mairie lors des mariages mais «va-t-il dissuader les futurs parents d’user de la fessée pour punir leur enfant?» se questionne l’avocat.
Jusqu’à présent, souligne-t-il, «les tribunaux étaient plus tolérants avec les châtiments corporels peu sévères comme la fessée ou la claque. Avec le vote de cette loi, la fessée ne pourra plus faire partie du «droit de correction» des parents et il sera donc bien plus difficile de faire valoir cette jurisprudence.» Ce que confirme Me Laurence Tartour, spécialiste du droit des enfants: «ce texte exhume des principes importants et donne un cadre juridique aux magistrats pour leur permettre de rappeler aux parents que la fessée est désormais interdite.»
• Quelles seront les sanctions?
Le nouvel alinéa indiquant que «l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques» n’est pas accompagné de sanctions. Il faudra donc, selon Thierry Vallat, l’articuler avec l’article 222-13 du Code pénal qui punit les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont notamment commises sur un mineur de moins de 15 ans.
Si des fessées à répétition sont signalées, «le procureur pourra saisir un juge des enfants qui rappellera aux parents que la correction physique n’est pas la seule méthode. Si les violences persistent, l’affaire pourra être portée devant le tribunal», explique Laurence Tartour pour qui il ne s’agit pas d’une ingérence dans la vie privée des familles. «Ces actes ont des conséquences à long terme. On se rend souvent compte que les enfants auteurs d’actes de violence en ont eux-mêmes été victimes antérieurement au sein de leur famille.»