—Par Emmanuel de Reynal —
Au terme de treize longues années de procédures, la Montagne Pelée et les Pitons du Nord sont enfin inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un titre prestigieux qui vient clôturer le dernier grand Chelem triennal, à côté du label de patrimoine immatériel de l’humanité pour la yole de Martinique, et de celui non moins prestigieux de Réserve de Biosphère pour l’ensemble du territoire. Trois titres en trois ans, trois médailles d’or qui font de notre petit pays un champion du monde de l’UNESCO.
Cette nouvelle reconnaissance témoigne de la valeur universelle du patrimoine naturel martiniquais, qui se distingue notamment par son histoire, sa géologie et son exceptionnelle biodiversité. Elle vient nourrir l’attractivité de l’île en lui ouvrant les portes d’un tourisme revigoré aux effets prometteurs.
La Montagne Pelée et les Pitons du Nord constituent désormais un cœur de bien d’environ 14.000 hectares, une zone précieuse à préserver de toute agression. Elle est entourée d’une zone tampon d’environ 28.000 hectares dont le but est de protéger le cœur de bien. C’est donc tout le nord de la Martinique qui est concerné par ce titre, par ses exigences, ses opportunités et ses obligations. Car, contrairement aux deux titres précédents, ce dernier label UNESCO est assorti de règles opposables aux tiers qui risquent d’impacter sérieusement le développement économique de l’île. Des règles contraignantes qui s’imposeront désormais à tous, notamment en matière d’urbanisme, et dont on sait encore peu de choses. Elles ont en effet été établies sans réelle concertation avec les acteurs économiques martiniquais, à un niveau de sévérité suffisamment élevé pour convaincre le comité de décision. Certes, des réunions préalables de présentation ont eu lieu, mais pas de réunion de co-construction. Pas d’échanges contradictoires, pas d’examen du règlement, pas de véritable concertation donc. Au point qu’aujourd’hui, au moment où les martiniquais se réjouissent, au moment où les poitrines se gonflent de fierté, le monde économique local est saisi d’un doute légitime : Le titre UNESCO de la Montagne et des Pitons, si prometteur soit-il, ne risque-t-il pas de mettre tout le nord du pays sous cloche et de compromettre son développement ? L’apport touristique compensera-t-il les restrictions imposées par les interdictions de projets ? Les habitations installées dans le cœur de bien feront-elles l’objet d’expropriation ? Quand et à quelles conditions ? Les carrières de Saint-Pierre pourront-elles continuer d’exploiter les sols péléens et fournir les matériaux nécessaires à la construction des infrastructures d’accueil touristique ? Et qu’en est-il des surfaces agricoles, artisanales et industrielles du nord ? Qu’en est-il des nouveaux projets économiques aux abords des montagnes ? Autant de questions qui auraient dû être soulevées bien avant l’obtention du titre, mais qui demeurent aujourd’hui aussi fondées que préoccupantes.
Car si le juste équilibre entre la préservation essentielle de notre joyau naturel et l’indispensable développement économique de sa périphérie devait être rompu, il ne nous resterait alors plus qu’à danser sur un volcan mort jonché de misère.
30 Septembre 2023
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