Inégalités femmes-hommes : Oxfam France dénonce un engagement gouvernemental au point mort

Les promesses d’Emmanuel Macron en matière d’égalité entre les femmes et les hommes semblent loin d’être tenues, selon Oxfam France. L’organisation pointe notamment l’absence de progrès significatifs sur plusieurs dossiers majeurs, malgré les discours officiels. Dans un communiqué publié ce lundi, à quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, l’ONG s’alarme du retard pris par le gouvernement et de l’inefficacité des mesures mises en place.

Le constat est sans appel : les inégalités économiques persistent. Oxfam rappelle qu’en France, dans le secteur privé, les femmes gagnent en moyenne 23,5 % de moins que les hommes, un chiffre qui peine à diminuer malgré les engagements successifs des gouvernements. Par ailleurs, selon le Forum économique mondial, la France s’est classée 48ᵉ au monde en 2024 en matière d’égalité économique, un classement préoccupant pour un pays qui se veut exemplaire en la matière.

Des promesses gouvernementales toujours en suspens

Alors que le gouvernement avait annoncé plusieurs réformes pour renforcer l’égalité professionnelle et faciliter la conciliation entre vie familiale et carrière, Oxfam France constate que rien de concret n’a encore été mis en œuvre. Parmi les mesures attendues qui tardent à voir le jour :

  • Le congé parental équitablement partagé, permettant aux deux parents de bénéficier d’un congé rémunéré plus long.
  • La réforme de l’index de l’égalité professionnelle, outil censé mesurer et encourager l’égalité salariale au sein des entreprises.
  • La création d’un véritable service public de la petite enfance, afin de limiter l’impact de la parentalité sur la carrière des femmes.

« Sans une politique ambitieuse sur la petite enfance, l’égalité professionnelle restera une illusion. Aujourd’hui encore, ce sont majoritairement les femmes qui mettent leur carrière en pause à l’arrivée d’un enfant, avec des conséquences lourdes sur leur progression et leur salaire »,
souligne Sandra Lhote Fernandes, responsable de la campagne justice de genre chez Oxfam.

L’ONG rappelle que l’accès aux structures d’accueil pour les jeunes enfants reste insuffisant, ce qui contraint de nombreuses femmes à réduire leur temps de travail ou à quitter leur emploi. Une situation qui entretient durablement les inégalités économiques et réduit les perspectives d’évolution des travailleuses.

15 propositions pour une égalité effective

Pour répondre à ces défis, Oxfam France propose 15 mesures d’urgence destinées à accélérer la lutte contre les inégalités. Parmi celles-ci, l’organisation met en avant :

La mise en place d’ »éga-conditionnalités » dans la commande publique, c’est-à-dire conditionner les aides de l’État aux entreprises respectant des critères stricts d’égalité salariale.
La revalorisation des métiers les plus féminisés, notamment dans les secteurs du soin et de l’éducation, où les femmes restent surreprésentées mais sous-payées.
Un renforcement de l’index Egapro, afin de sanctionner plus efficacement les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale.
Un congé parental d’au moins six mois, partagé entre les deux parents, afin de rééquilibrer la répartition des tâches domestiques et parentales.

Une loi cadre contre les violences sexuelles toujours absente

Au-delà des questions économiques, Oxfam France réitère sa demande d’une loi cadre intégrale contre les violences sexuelles. Cette revendication, portée depuis novembre dernier par une coalition d’associations féministes, avait été écartée par le gouvernement dirigé par Michel Barnier, malgré l’urgence du sujet.

Les associations réclament notamment :

  • Un renforcement de la prise en charge des victimes avec un accès facilité aux structures d’accueil et d’accompagnement.
  • Une meilleure formation des forces de l’ordre et du personnel judiciaire pour garantir une prise en charge adaptée des plaintes pour violences sexuelles et conjugales.
  • Des sanctions plus sévères contre les auteurs de violences, y compris dans le cadre du harcèlement en ligne et du cybersexisme.

Un bilan sévère de la Cour des comptes

Le gouvernement n’est pas le seul à être pointé du doigt sur ces questions. La Cour des comptes, dans un rapport publié en janvier dernier, a dressé un bilan préoccupant de l’action publique en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Si certaines avancées sont reconnues, notamment la progression des femmes dans les professions intermédiaires et les postes de cadres, les magistrats financiers estiment que les inégalités se résorbent beaucoup trop lentement.

Parmi les principales critiques du rapport :
Un engagement politique en trompe-l’œil, avec des annonces souvent plus symboliques qu’efficaces.
Un manque de coordination interministérielle, qui limite l’impact des mesures mises en place.
Des politiques de mixité insuffisantes, peinant à produire des résultats concrets.

Pour remédier à cette situation, la Cour des comptes recommande notamment :
Le renforcement du rôle de l’Insee en tant que coordinateur des statistiques genrées, afin d’obtenir des données précises et fiables.
L’inscription de l’égalité femmes-hommes parmi les priorités du Comité national de l’information statistique, afin d’en faire un axe central des politiques publiques.

Le gouvernement assume ses choix et met en avant ses actions

Face aux critiques, l’exécutif défend son bilan. Emmanuel Macron, qui a fait de l’égalité femmes-hommes une « grande cause nationale », affirme que les avancées sont réelles et significatives. Parmi les mesures mises en avant :

L’augmentation des financements pour le 3919, la ligne d’écoute pour les femmes victimes de violences.
Le déploiement des téléphones « grave danger » et des bracelets anti-rapprochement, pour mieux protéger les victimes de violences conjugales.
L’application de l’index de l’égalité professionnelle, qui impose aux entreprises de mesurer et publier leurs résultats en matière d’égalité salariale.

De son côté, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité femmes-hommes, met en avant une hausse du budget 2025, qui passe de 77 à 94 millions d’euros.

« Nous devons poursuivre et intensifier nos efforts pour lutter contre les violences et accompagner les associations qui travaillent sur le terrain »,
a-t-elle déclaré début février sur Franceinfo.

Un budget jugé insuffisant par Oxfam

Pour Oxfam France, cette hausse budgétaire est loin de suffire pour répondre aux enjeux actuels.
>« Le budget du ministère des droits des femmes pour 2025 représente à peine la moitié de ce qu’a coûté l’organisation des législatives anticipées de juin dernier »,
s’indigne l’ONG, dénonçant une priorisation budgétaire qui en dit long sur les choix du gouvernement.

La Cour des comptes elle-même critique cette augmentation, estimant qu’elle relève davantage d’une volonté d’affichage que d’une réelle ambition politique.

Un long chemin encore à parcourir

Malgré les déclarations officielles, les avancées concrètes se font attendre. Oxfam France et d’autres acteurs de la société civile alertent sur l’urgence d’adopter des mesures structurelles ambitieuses, sans quoi l’égalité femmes-hommes restera une promesse non tenue.

Sarha Fauré